UEMOA : conclave des chefs d’Etat chez Outarra
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA se réunissent, ce lundi à Abidjan, en session extraordinaire à l’initiative du président en exercice de l’organisation sous-régionale, l’ivoirien Alassane Dramane Ouattara. Si l’ordre du jour officiel de la rencontre renvoi à l’évaluation de la situation économique dans l’espace communautaire, la nomination d’un nouveau président à la tête commission ainsi que la position des dirigeants par rapport au Fcfa seront les principaux points qui cristalliseront l’attention lors de ce sommet qui devrait en principe se tenir depuis janvier dernier.
Le chef de l'Etat ivoirien Alassane Dramane Ouattara, a-t-il enfin pu trouver une solution au duel qui oppose le Sénégal et le Niger pour le contrôle de la présidence de la Commission ? A la veille d'un sommet extraordinaire que vient de convoquer pour ce lundi 10 Avril à Abidjan, le président en exercice de la Conférence des chefs d'Etat de l'UEMOA, c'est encore l'incertitude. Cependant, la tenue même du sommet plaide en faveur d'une solution négociée pour sortir de l'impasse qui a perturbé le fonctionnement de certains organes de l'organisation communautaire.Le sommet était d'ailleurs attendu depuis janvier dernier et il n'a fallut que la fin du mois de mars pour que se tienne la première session ordinaire du conseil des ministres des finances de l'UEMOA qui a validé les budgets des principaux organes de l'institution et ainsi leur permettre de rentrer de pleins pieds dans l'exercice 2017.
Officiellement, les Chefs d'Etat devront examiner « la situation économique et financière de l'Union » selon la présidence ivoirienne qui indique également qu'Ils aborderont « les questions liées à la rationalisation des organes de l'Union, dans le sens du renforcement du processus d'intégration ainsi que les aspects politiques et sécuritaires ». Cependant, l'actualité au niveau de l'organisation reste dominée par l'impasse qui prévaut à la tête de la situation qui prévaut au niveau de la présidence de l'UEMOA ainsi que la position de l'organisation notamment ces dirigeants par rapport au franc CFA.
Présidence de la Commission et FCFA
C'est un véritable imbroglio qui prévaut à la présidence de la Commission de l'UEMOA, l'administration principale en charge de la mise en œuvre des décisions communautaires. Depuis plus d'une année, le Niger et le Sénégal se disputent ce poste et si initialement la Conférence des chefs d'Etat semblent avoir penché en faveur du Niger, la situation s'est par la suite compliquée. Lors du dernier sommet, en juin dernier, il a été décidé de prolonger le mandat du président sortant ainsi que de la commission jusqu'à janvier dernier, le temps de permettre une révision des textes régissant le fonctionnement de certains organes de l'organisation. Devant l'insistance du Niger, le président sortant de la commission, le sénégalais Hajibou Soumaré a préféré rendre le tablier quelques mois avant même la fin de son mandat prolongé. Il a par la suite été remplacé au sein de la commission, en février dernier par son compatriote Abdoulaye Diop, ancien ministre de Budget de Wade et conseiller spécial de Macky Sall. Le Sénégal avait alors saisi le président en exercice de l'UEMOA afin que le successeur de Soumaré poursuive d'assurer le mandat que détenait le Sénégal à la tête de la Commission jusqu'au prochain sommet des chefs d'Etat. Le Niger avait alors objecté et aucune décision n'a été prise puisque c'est toujours l'intérim qui assure ces charges et officiellement Hajibou Soumaré est considéré, par le protocole, comme le président encore en poste.
A Abidjan, les chefs d'Etat de l'UEMOA devront parvenir à trouver une solution à cette situation assez embarrassante. C'est le Niger qui mène une véritable offensive sur ce plan en se basant sur les décisions issues d'un précédent sommet ainsi qu'un accord avec le Sénégal qui datait de l'accord Wade, et qui lui attribue de fait, la charge de prendre la présidence de la commission après la fin du mandat qui courre encore puisqu'il a été prorogé. Le chef de la diplomatie nigérienne, Yacouba Ibrahim, a maintenu que son pays n'entend point céder mais le Sénégal aussi maintien ses prétentions en mettant d'autres arguments dans la balance comme le poids de son pays dans l'économie sous-régionale.
A moins d'un changement de dernière heure, c'est sur l'économiste et ancien ministre des finances, Abdallah Boureima que le Niger mise pour diriger la Commission. Proche du président nigérien Issoufou Mahamadou, il est actuellement le commissaire représentant le pays au sein de la Commission et c'est parmi les membres de celles-ci que sera nommé le prochain président.
L'autre sujet sur lequel les chefs d'Etat de l'UEMOA sont très attendus, c'est leur position par rapport au débat qui fait rage sur la sortie ou non de a « zone franc » et donc la fin du FCFA. Les 8 pays sont en effet membre de cet espace monétaire et si certains chefs d'Etat notamment l'ivoirien Ouattara et le sénégalais Sall, penchent publiques en faveur de cette monnaie héritée de la colonisation, d'autres comme le burkinabé Roch Mark Christian Kaboré et le nigérien Mahamadou Issoufou, sont plutôt ouverts à d'autres alternatives.
La prochaine réunion des ministres de la « zone Franc » va se tenir dans quelques jours à Abidjan avec le sujet qui sera au cœur des échanges, ce qui logiquement, impose à l'UEMOA à de se préparer pour défendre l'option qui lui parait la plus crédible dans le contexte régional et mondial actuel.
Perspectives économiques reluisantes
Ailleurs, la situation s'avère plus reluisante notamment sur le plan de l'évolution de l'activité économique dans l'espace constitué des 8 pays francophones de l'Afrique de l'Ouest. Dans une note d'évaluation rendue publique la semaine dernière, le FMI a confirmé la bonne dynamique déjà relevé par la banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et par la suite la dernière conférence des ministres des finances de la sous-région. La croissance est ainsi restée vigoureuse même si selon le FMI, certaines vulnérabilités se sont accentuées. La croissance du PIB réel, soutenue par une demande intérieure solide et résiliente, a été estimée à 6,2% en 2016 et devrait se maintenir au même rythme sur les cinq prochaines années. C'est l'une des plus dynamiques du continent. L'inflation est restée faible, de l'ordre de 0,4 pour cent en moyenne en 2016 en raison notamment des récoltes agricoles particulièrement abondantes et des prix du pétrole à des niveaux encore bas. Le déficit budgétaire global représenterait 4,5 pour cent du PIB en 2016 alors que la dette publique est en hausse et le ratio de couverture des réserves de change a baissé à 3,7 mois. Selon le FMI, l'évolution de ces derniers indicateurs macroéconomiques reflètent « une expansion continue des infrastructures publiques et un financement extérieur moindre que dans le passé ».
Tout en saluant les mesures prises par la BCEAO pour stimuler le marché interbancaire et consolider les mécanismes de transmission de la politique monétaire, les experts du FMI ont relevé que la situation du secteur bancaire reste néanmoins délicate. « Les risques de crédit et de concentration sont importants et le rapport entre le montant brut des prêts non performants (PNP) et le total des prêts demeure relativement élevé, tandis que la situation de plusieurs banques en difficulté demeure non résolue » a ainsi constaté la mission du Fonds qui a séjourné dernièrement dans la sous-région.
Facteurs de vulnérabilités et mesures d'ajustements
Dans l'ensemble, le FMI estime que « les perspectives restent positives, à condition que la stabilité macroéconomique et la volonté d'améliorer le climat des affaires et d'encourager l'investissement privé se poursuivent ». Des dérapages dans les plans d'assainissement budgétaire, un ralentissement plus marqué de la croissance économique mondiale, un durcissement des conditions internationales de financement, ainsi qu'une baisse prolongée des cours du cacao, constituent les principaux risques qui planent sir la croissance sous-régionale. Les risques sécuritaires demeurent aussi importants tous comme ceux qui pèsent sur la viabilité de la dette publique et la stabilité extérieure se sont accrus. De ce fait, le FMI plaide que pour maintenir une croissance forte et durable, il sera nécessaire pour la sous-région de poursuivre la mise en œuvre de politiques budgétaires nationales et de politique monétaire régionale bien coordonnées et cohérentes, « de façon à limiter les vulnérabilités et préserver la stabilité macroéconomique, et d'une accélération des réformes structurelles afin d'améliorer le climat des affaires et stimuler la compétitivité et la diversification ».
L'un des aspects les plus importants des conclusions tirées par le fonds, c'est la recommandation faite aux différents pays, d'être plus rigoureux dans la mise en œuvre des mesures d'ajustements qui s'avéreraient nécessaires. « Les efforts d'ajustement doivent être soigneusement calibrés et axés sur des réformes visant à mobiliser davantage de recettes et maîtriser les dépenses courantes tout en protégeant les dépenses d'investissement et sociales prioritaires » selon le FMI. Autant dire, une recette pour des cures de rationalisation de certaines dépenses sans amplifier les tensions sociales.
Aboubacar Yacouba Barma
La Tribune Afrique