Sénégal: l'ONU estime le procès de Karim Wade inéquitable
«La détention de Karim Wade est arbitraire», estime le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. La décision date du 7 mai mais elle n'a été notifiée officiellement que lundi 1er juin aux avocats de la défense de Karim Wade, condamné à six ans de prison ferme en mars dernier pour enrichissement illicite. Le groupe de travail des Nations unies demande donc au Sénégal de prendre les mesures nécessaires pour remédier au préjudice subi, en prévoyant une réparation intégrale.
Pour le gouvernement, le groupe de travail de l'ONU n'a rendu qu'un simple avis. Le pourvoi en cassation de Karim Wade n'est pas encore vidé. Seule compte la décision des juridictions sénégalaises. Maître Aly Fall, avocat de l'Etat sénéglais, conteste les conclusions du rapport. « Cette affaire a été jugée régulièrement par des juridictions sénégalaises régulièrement composées et qui fonctionnent normalement. C'est pas à un groupe d'experts d'ordonner ou de faire une quelconque injonction au pouvoir judiciaire au Sénégal. Cela me semble ahurissant. »
Pour les avocats de Karim Wade, c'est la confirmation de ce qu'ils ont toujours dénoncé. Maître Mohamed Seydou Diagne salue la position de l'ONU : « le groupe de travail des Nations unies rend enfin justice à M. Karim Wade. C'est la victoire du droit sur l'arbitraire, c'est la victoire du droit sur la force d'un Etat ». Et il appelle les autorités à « appliquer les avis et recommandations de l'ONU », à « libérer immédiatement » le fils de l'ancien président et à « l'indemniser à hauteur de son préjudice ».
Il s'agit d'un document de neuf pages dans lequel les experts listent plusieurs manquements constitutifs de violations des lois nationales et du droit international. Les membres du groupe de travail décrivent la Crei, la Cour de répression de l'enrichissement illicite, comme une juridiction d'exception. Une juridiction incompétente pour juger Karim Wade, ministre en exercice au moment des faits incriminés.
Selon le groupe de travail des Nations unies, la détention de Karim Wade est arbitraire, parce que le prolongement de sa détention préventive n'avait pas de base légale. Ensuite parce que les délais des procédures n'ont pas été respectés : selon les textes qui régissent la Cour de répression de l'enrichissement illicite, Karim Wade devait être fixé sur son sort dans les neufs mois, or la procédure a duré le double : 18 mois en tout.
Le groupe de travail dénonce d'autres manquements à la Déclaration universelle des droits de l'homme et au pacte international relatif aux droits civils et politiques, comme la différence de traitement entre les prévenus puisque certains ont bénéficié d'une liberté provisoire quand Karim Wade était maintenu en prison.
C'est une violation du droit à un procès équitable, selon l'institution onusienne. En fait, cette liste de griefs a été soumise au groupe de travail par la défense de Karim Wade. Les arguments de l'accusation n'ont pas été pris en compte dans la rédaction de cet avis, précise par ailleurs le groupe de travail. L'Etat sénégalais n'a pas respecté les délais et a rendu sa réponse un jour trop tard.
RFI
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