Droit de réponse
J’ai lu avec intérêt votre « précision », par rapport à un article que j’ai publié sur des sites nigériens, dont Actuniger. Mais, j’avoue ne pas très bien comprendre les raisons de votre réaction. Est ce le fait d’avoir avancé la date de « 1998 » ou bien l’allusion « au régime Baré » qui la justifierait ?
En ce qui concerne la date, je ne sais pas quelles sont vos sources. Mais les miennes, ce sont d’abord les témoignages des personnes qui étaient dans l’église au moment des faits. Il ne me semble pas d’ailleurs avoir parlé d’incendie en 1998, mais d’attaque. Et une attaque peut être même verbale. Dans le cas des faits d’avril 1998, que j’ai rapportés et sur lesquels je n’ai pas jugé utile de m’étaler, les manifestants n’étaient pas poursuivis par les forces de l’ordre. Ils ne cherchaient donc pas à se cacher. D’ailleurs, est-ce pour se cacher qu’ils s’étaient mis à caillasser l’église et ceux qui étaient à l’intérieur ? Vos sources, auraient-elles banalisé ces faits si c’était une mosquée qui avait été prise à partie ? Monsieur Djibrilla Baré, un lieu de culte, qu’il soit chrétien ou musulman, n’est pas fait pour être caillassé ou vandalisé. C’est un lieu sacré qui mérite d’être respecté.
En dehors des témoignages des fidèles de l’église, présents au moment des faits, que j’ai recueillis, vous pouvez également trouver des preuves de mes allégations dans l’ouvrage de Barbara COOPER, « Evangelical christians in the muslim sahel », publié en 2006, p. 44. L’auteur a donné des détails politiques, susceptibles d’expliquer le ciblage de l’église en question. Des détails que vous n’êtes pas censés ignorés, du reste, et sur lesquels je ne reviendrai pas. Le troisième élément est bien cette dépêche de la BBC du 16 septembre 2012, qui confirme non seulement l’attaque d’avril 1998 à Maradi, mais aussi évoque l’incendie de trois églises en 2012 à Zinder.
Dans votre « précision », en plus de vos fameuses « sources concordantes», vous vous êtes également appuyé sur la déclaration de Monsieur Souleymane Galadima, qui garde bien évidemment, y compris moi, tout sens, au regard de l’exceptionnelle gravité des faits. Et ceci d’autant que c’était effectivement la première fois au Niger que des émeutes à connotation religieuse provoquaient la mort de 10 personnes et l’incendie de maisons de chrétiens. C’était également tout à fait vrai que c’était la première fois que des églises avaient été incendiées dans la capitale. Mais, cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas eu d’évènements de moindre ampleur auparavant dans le pays et notamment à Maradi en avril 1998 et à Zinder en 2012. Ma vocation de cher-cheu-se, c’est justement d’aller au-delà du présent et des idées reçues, pour interroger les faits dans leur historicité et leur complexité.
Mais cette démarche n’était pas uniquement académique. Elle visait surtout à apporter une modeste contribution aux efforts de sensibilisation, qui sont entrepris par d’autres compatriotes, dans le but de faire en sorte que les évènements évoqués ne se reproduisent plus sur le paisible territoire nigérien, et ce, quelle que soit l’ampleur. C’est dans ce cadre que j’ai envoyé ce texte aux sites nigériens et à certains leaders et faiseurs d’opinion du pays, de ma boîte personnelle. Ceux qui ont publié votre « précision », peuvent bien témoigner, de n’avoir pas reçu mon texte d’une boîte fictive. Il y’avait donc des éléments de traçabilité du texte, que j’ai du reste envoyé dans certains cas en version word, avec des liens hypertextes renvoyant aux références des faits avancés.
J’ai en revanche, il est vrai, délibérément gardé le texte impersonnel. Ceci, en grande partie pour que l’identité de ma modeste personne n’impacte tout simplement pas sur la réceptivité du message que je tenais à faire passer. C’est aussi une façon d’attirer l’attention des uns et des autres, sur la nécessité de se départir de la bien improductive propension que l’on a tendance à avoir, qui consiste à enfermer les idées dans le sexe, la famille, la région, l’ethnie, le parti ou l’orientation confessionnelle de leurs émetteurs. C’est dire, qu’il est grand temps que les idées soient considérées ou rejetées pour ce qu’elles ont d’utile ou de futile pour le développement du pays et non à cause de ce que sont ou ne sont pas leurs émetteurs. L’œuvre de l’édification de la nation à laquelle sont conviés tous les Nigériens, dans leur diversité, ne peut pas faire l’économie d’une dépersonnalisation et d’une dépolitisation des idées, des débats et des actions.
Enfin Monsieur Djibrilla Baré, vous n’avez vu dans le texte publié qu’un « Grand Discours Mensonger », à cause de quelques lignes parlant des faits, pourtant avérés. D’autres, y ont vu un texte positif, « à partager et transmettre aux jeunes générations dans nos facultés, nos fada et via nos médias ». Et c’est bien sûr, ce genre de remarques à la fois édifiantes et encourageantes qui retiendront davantage mon humble attention. Quant à vos réflexions Monsieur Djibrilla Baré, elles ne manqueront pas également de renforcer mes convictions sur la nécessité de multiplier des appels, en faveur d’un engagement plus prononcé des intellectuels, afin qu’il y ait davantage de débats constructifs et de haut niveau, à même de donner aux populations nigériennes des solides éléments d’appréciation, susceptibles de les protéger des manipulations des groupuscules divisionnistes et sanguinaires.
17 février 2015
G.D.M
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