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Amadou Bachirou

Par lettre n°0113/PM/SGG du mardi 26 Août 2014, le premier ministre Birgi Rafini a adressé au bureau de l’Assemblée nationale, une requête aux fins de la levée d’immunité du député Hama Amadou, en outre président de l’institution, afin qu’il soit mis à la disposition de la justice pour y être entendu dans la désormais tristement célèbre affaire dite de “ trafics de bébés“ ; ce, conformément à l’article 11 de la loi n° 2011-13 du 20 juillet 2011 portant statut du député qui précise que la levée de l’immunité parlementaire ne peut être demandée que par le Gouvernement sur requête du ministre de la justice, garde des sceaux.

En effet, il vous souviendra que dans ses livraisons n°669, 671 et 673 des 6, 16 et 23 janviers 2014, l’hebdomadaire nigérien d’informations « l’événement »[1], écrivait dans ses colonnes et en bonne place, l’existence d’un vaste réseau de trafic de bébés en provenance du Nigéria voisin où des usines à fabrications d’enfants ont été découvertes. Cette scabreuse et moribonde affaire, serait encouragée et entretenue par des personnes issues de différents pays dont le Nigéria, le Bénin et le Niger. Dans ce dernier, des personnalités, en quête de progénitures pour une raison ou une autre, aurait facilité les tractations permettant à leurs épouses d’insinuer des grossesses puis se rendre au Nigéria, où des jeunes filles seraient entretenues par des gaillards d’une virilité implacable pour concevoir des bébés et ensuite les revendre à des prix exorbitants[2]. On peut oser dire, que c’est la version africaine de la fécondation in vitro, sauf que dans notre cas, la procédure est illégale et passible de peine d’emprisonnement. Qu’il nous soit permis d’ailleurs une petite digression tout de même justifiée par ces interrogations : Pourquoi ces personnes n’ont-elles pas fait le choix d’adopter tout simplement des enfants nigériens conformément à la loi ? Lorsqu’on sait que la femme nigérienne détient le taux recors de fécondité au monde (7.01enfants par femme en 2011 selon Wikipédia). A quelle fin véritable seraient destinés ces bébés supposés, dont le prix par enfant serait de 3 millions de franc CFA si le doute venait à se confirmer?    

Dans le droit positif nigérien, un tel acte constitue une infraction pénale à la lumière des articles 248, 152, 48 et 49 du code pénal. C’est d’ailleurs ce qui amènera le juge d’instruction à inculper et placer sous mandat dépôt le 23 juin 2014, toutes les personnes (17 au total) dont l’enquête policière a révélé l’implication directe ou indirecte parmi lesquelles, des épouses de deux personnalités politiques dont madame Abdou Labo (épouse du ministre d’Etat, de l’Agriculture, en fonction jusqu’à son arrestation le 21 Aout 2014) et madame Hama Hadiza (épouse du président de l’Assemblée nationale) pour supposition d’enfants, faux et usage de faux en écriture publique, association de malfaiteurs et complicité, chacune selon son degré de participation.

C’est à ce titre qu’en dépit du privilège de juridiction dont jouit un des époux dont la femme est inculpée, en l’occurrence le ministre de l’agriculture, le juge d’instruction, a décerné mandat de dépôt contre lui pour complicité des chefs de poursuite dont est inculpée sa femme.

Quant au président de l’Assemblée nationale, sa mise à disposition à la justice nécessite une procédure particulière, car conformément à l’article 88 de la Constitution, l’article 9 de la loi du 20 juillet 2011 et l’article 53 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, celui-ci, en tant que député, jouit d’une immunité parlementaire qui lui assure sauf cas expressément prévu par la loi fondamentale, selon la formule consacrée par la Cour constitutionnelle dans son avis n°19/CC du 23 mai 2013 :l’irresponsabilité et l’inviolabilité.

De l’autre coté, la pression sociale se fait de plus en plus pressante, des acteurs de la société sont allés jusqu’à interpeller le président de la République, garant du respect de la Constitution, du bon fonctionnement de la justice et de son indépendance, pour doter la justice de tous les moyens et garanties nécessaires afin que lumière soit faite sur cette affaire.

C’est dans ce contexte que, le premier ministre, requis par son garde des sceaux, a introduit une requête au bureau de l’Assemblée nationale, aux fins de l’autorisation d’arrestation de son président, conformément à l’alinéa 4 de l’article 88 de la Constitution qui dispose : « Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnations définitives. ».

Cette requête suscite indignation et controverses chez certains acteurs aussi bien politiques que ceux de la société civile qui voient dans la procédure suivie, une machination politique (I) qui risquerait de porter atteinte à la garantie fondamentale de l’immunité parlementaire (II).

Une procédure de levée d’immunité hautement controversées

Dès la transmission par le premier ministre, au bureau de l’assemblée nationale d’une requête aux fins de la mise à la disposition de la justice de son président, les interprétations fussent de part et d’autres tant sur la régularité de la procédure (A) que sur la légitimité du bureau (B) de l’assemblée nationale, en l’état actuel, à statuer sur la requête.

Sur la régularité de la requête introduite par l’exécutif

La requête aux fins d’arrestations du président de l’Assemblée nationale, adressée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance hors classe de Niamey en date du 16 juillet 2014 au ministre de la justice, garde des sceaux, a fait l’objet d’un examen en conseil des ministres le 26 août avant d’être transmise au bureau de l’Assemblée nationale, conformément au principe de l’immunité parlementaire consacré à l’alinéa 1er de l’article 88 de la Constitution qui dispose : « les membres de l’assemblée nationale jouissent de l’immunité parlementaire ». L’immunité parlementaire a été définie par la Cour constitutionnelle comme un ensemble de prérogatives qui protègent les députés contre les poursuites judiciaires en vue d’assurer le libre exercice de leur mandat ; leur assure une protection fonctionnelle et personnelle instituée non pas dans l’intérêt du député mais celui du mandat et présente un caractère objectif. La cour ajoute que cette protection ne doit pas être perçue comme un privilège qui serait en déphasage avec le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, mais comme un moyen d’ordre public qui favoriserait l’indépendance des élus[3]. Le juge constitutionnel explique donc la nécessité qui s’attache à la protection du député en tant qu’élu de la nation et non élu d’un parti politique. Le constituant nigérien semble d’ailleurs être dans le même ordre d’idées puisqu’il l’a précisé dans la loi fondamentale notamment à l’article 87 qui dispose à ses alinéas 1 et 2 : « chaque député est le représentant de la Nation. Tout mandat impératif est nul ». Le constituant, a jugé nécessaire de protéger le député élu de la nation contre les éventuels abus du fait de ses opinions émises dans le cadre de ses fonctions. C’est dans cette optique que l’article 88 de la Constitution du 25 novembre 2010, a prévu un mécanisme procédural spécifiques aux éventuelles poursuites dont le député pourrait être visé.

C’est pour répondre à ces exigences constitutionnelles, que la requête du gouvernement aux fins d’arrestations du député Hama Amadou, a été transmise au bureau de l’assemblée. Mais pour connaître le bien fondé de la requête, quelques interrogations s’avèrent nécessaires. A quel moment pourrait intervenir l’arrestation d’un député ?  Qui a compétence pour ordonner cette arrestation ? Que doit contenir en substance la requête ? Qui est habilité à recevoir une telle requête ? Ce sont là autant de questions qui taraudent l’opinion publique.

Le constituant  a d’ores et déjà répondu à certaines interrogations et le juge constitutionnel semble l’avoir complété dans certains cas. Quant à nous, nous efforçons d’apporter quelques précisions sur des questions non encore posées.

Selon l’alinéa 4 de l’article 88 de la Constitution, « Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du bureau de l'Assemblée nationale, sauf cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnations définitives ». Pour satisfaire à cette exigence, cela suppose au préalable que l’immunité du député en cause soit levée. Or, à l’état actuel, un vide juridique subsiste. Ni le règlement intérieur de l’assemblée nationale ni la loi du 20 juillet 2011 portant statut du député ne précise la procédure à suivre en ce qui concerne l’arrestation d’un député. En tout état de cause, seule la plénière de l’assemblée nationale est habilitée à se prononcer sur la levée ou non de l’immunité dont jouit un député. En outre, l’autorisation d’arrestation d’un député nécessite au préalable qu’une poursuite soit engagée contre lui devant un juge. Or dans le cas d’espèce, aucune poursuite n’a été déclenchée contre le député en cause. D’ailleurs, pour motiver sa requête qu’il a adressé au garde des sceaux, le Procureur de la république s’est simplement contenté de quelques suspicions lorsqu’il affirme que « Monsieur Hama est susceptible d’être arrêté pour les faits de complicité de supposition d’enfants, de complicité de faux et usage de faux et d’association de malfaiteurs au même titre que les époux des autres femmes inculpées ». Or, même si les époux des autres femmes inculpées sont poursuivis, le procureur n’a nulle part relevé dans sa requête que le sieur Hama est poursuivi. En outre, même si l’arrestation d’un député devrait être requise par le Procureur, ce dernier doit être commis par le juge en charge du dossier dès lors qu’une autre procédure le dessaisit d’office du dossier. Or, en l’espèce il n’est jamais fait mention d’une quelconque demande du juge d’instruction. Si ce dernier n’a pas jugé opportun de poursuivre le député en cause, en l’occurrence monsieur Hama Amadou, celui-ci doit jouir de la présomption d’innocence et doit pouvoir continuer à exercer son mandat jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement. Or, selon la requête du procureur, une présomption de culpabilité semble déjà lisible.

A la question de savoir qui a compétence pour ordonner l’autorisation d’arrestation d’un député, le constituant l’a clairement précisé dans le même article 88 en ses alinéas 3 et 4 selon lesquels l’assemblée nationale est la seule habilitée à autoriser l’arrestation d’un député en cas d’intersession. Hors session, c’est l’autorisation du bureau de l’assemblée qui est requise. Ce dernier, conformément à l’article 89, est dirigé par le président de l’institution. Ce qui suppose que, sauf cas de suppléance, la requête devrait pouvoir être adressée au président du bureau, puisque représentant l’institution. Mais, il ressort clairement de la requête gouvernementale, que celle-ci est destinée à tout membre du bureau en dépit de la présence de son président. Or, dans une administration, les correspondances officielles sont adressées au supérieur hiérarchique.

Quant aux éléments substantiels de la requête, les différents textes sont restés silencieux. C’est la Cour constitutionnelle qui autorise le bureau de l’assemblée, lorsqu’il est saisi d’une requête de cette nature, « à statuer sur la base de certains éléments tels que les faits reprochés au député, les circonstances de leur commission, son degré d’implication ou de responsabilité, la qualification pénale donnée aux faits et les mesures notamment privatives envisagées à l’encontre de celui-ci. [4] ». Encore faut-il que les conditions d’une légitimité du bureau soient réunies ?

Sur la légitimité du bureau de l’assemblée

« Quand on chasse le naturel, il revient au galop » dit-on. En effet, on croyait le débat sur la légitimité de l’actuel bureau de l’assemblée nationale révolu, mais il semble encore occuper certains esprits qui n’ont vraisemblablement pas compris l’autorité de chose jugée qui s’attache aux décisions de justice notamment les arrêts du juge constitutionnel. Alors, il nous semble opportun de lever l’équivoque pour mieux comprendre la situation à travers l’esquisse d’une analyse non exhaustive.

Conformément à l’alinéa 1er de l’article 89 de la Constitution qui dispose «l'assemblée nationale est dirigée par un président assisté d'un bureau. La composition du bureau doit refléter la configuration politique de l'Assemblée nationale ». C’est donc sans aucune ambiguïté que le constituant a inscrit ces dispositions. Leur application substantielle ne devrait normalement souffrir d’aucune anomalie. Mais la situation de crise, née lors du renouvellement du bureau de l’assemblée, a amené la cour à se prononcer par un arrêt n°004/CC/MC du 2 mai 2014, où elle expliquait la lettre de cet alinéa en soulignant clairement que le Bureau composé de 11 membres sur les 13 prévus ne reflète pas la configuration politique de l’Assemblée nationale et fait remarquer à son président la nécessité du respect des dispositions de cet article.

La situation de blocage persistante à l’assemblée nationale, qui a amené un groupe de députés de la majorité à introduire une nouvelle requête devant la Cour en « sollicitant de celle-ci une décision en procédure d’urgence au sujet de l’application de l’art. 89 al. 3 qui traite de la vacance de la présidence de l’AN, de l’art. 117 al.2 qui rappelle l’autorité attachée aux décisions de justice en général et l’art. 134 al.1 qui insiste sur l’autorité des arrêts de la Cour constitutionnelle et l’absence des voies de recours contre ceux-ci [5]», a été l’occasion pour le juge de réitérer sa position sur la nécessaire élection des deux membres du bureau manquants. Le malaise est donc réel et pèse lourdement sur l’institution.

Face au mimétisme de certains textes fondamentaux et au non aboutissement du processus électoral; le juge constitutionnel, faisant preuve de témérité et de générosité[6]pour débloquer la situation, a dû se résigner à rechercher des supers pouvoirs en s’inspirant de l’expérience béninoise. Il vole la vedette au président de la République en s’arrogeant les pouvoirs de régulateur du fonctionnement des institutions et des pouvoirs publics (reconnus au président de la République), ce qui lui confèrent d’office des prérogatives supplémentaires, lui permettant d’assurer le bon fonctionnement de ceux-ci.

C’est dans cette logique de générosité évoquée par monsieur ISSOUFOU Adamou, que le juge dans son arrêt 006 du 15 mai 2014,  a sans ambages, sommer les présidents des groupes parlementaires concernés de rétablir la situation de vacance de deux postes, au risque pour eux de renoncer temporairement à leur droit. La cour va plus loin et estime par conséquence que les autres membres du bureau jouissent de la légitimité reconnu au bureau de l’assemblée nationale, pour conduire le fonctionnement régulier de l’institution. En d’autres termes, le bureau de l’assemblée nationale, quoique ne reflétant pas la configuration politique de l’assemblée, jouissent de la légitimité constitutionnelle que lui a désormais reconnu le juge, ces décisions ne peuvent donc souffrir d’aucune nullité même relative.

Même si tous les juristes ne sont pas aussi impressionnés par les « audaces » jurisprudentielles de la Cour constitutionnelle, il ressort clairement, au regard des différents développements, que la légitimité accordée au bureau de l’assemblée nationale ne peut faire l’objet d’aucune contestation. Le risque est simplement que, le bureau de l’assemblée ne puisse utiliser cette garantie pour atteindre ou enfreindre d’autres garanties fondamentales telle l’immunité parlementaire du député, même opposant.

L’imminence d’un risque d’entorse à la garantie fondamentale d’immunité parlementaire.

Même si le juge constitutionnel semble anticiper cette situation, dans l’interprétation qu’il en a faite de l’article 88 de la Constitution dans son avis n°19/CC du 23 mai 2013, il n’en demeure moins rester en marger de l’évolution de la situation actuelle. Sa traditionnelle pédagogie qu’on lui reconnaît dans ses motivations, semble lui avoir permis de sceller des soupapes de sécurité autour du principe fondamental d’immunité parlementaire (A), ce qui permettra d’affirmer déjà que le sort de la requête du PAN est connue d’avance (B).

Le juge constitutionnel, semble-t-il poser des soupapes de sécurité autour de l’article 88 ?

Le juge constitutionnel nigérien, dans un style élégamment pédagogique, semble amorcer l’économie d’une telle crise. En effet, dans l’avis n°19 du 23 mai 2013 est à cet égard très significatif et l’on ne saurait s’arrêter aux maladresses répétées des députés interprétant de façon tendancieuse les arrêts de la Cour. Cette dernière semble désormais anticiper certaines questions afin d’obtenir pour acquis le principe de la protection du représentant de la nation.

Répondant à une requête gouvernementale en interprétation de l’article 88 de la Constitution et un avis sur la question des rapports entre la justice et l’assemblée nationale en matière d’arrestation d’un député, la Cour s’est attardée sur l’interprétation des dispositions constitutionnelles de l’article 88 précitée qui consacre l’immunité parlementaire.

Dans l’interprétation qu’elle en a faite de cet article, la cour souligne que l’immunité parlementaire revêt deux aspects : l’irresponsabilité et l’inviolabilité du parlementaire.

En procédant à une interprétation détaillée, le juge espérait sans doute poser des garde-fous autour de la question de l’immunité parlementaire et des effets qui l’entourent. Dans un contexte peu favorable au parlement, la Cour constitutionnelle se pose, pour reprendre l’expression du doyen G.Vedel, en défenseur ultime de la transcendance des droits de l’homme.

Evoquant pour la première fois l’irresponsabilité à l’alinéa 2 de l’article 88 de la Constitution qui dispose « Aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. », la cour soutient que cette disposition protège le député dans l’exercice de ses fonctions de façon absolue, c'est-à-dire que le député ne répond ni pénalement ni civilement des opinions qu’il a émis en plénière. Il bénéficie à ce titre d’un régime d’irresponsabilité pour tout ce qui se rattache à l’exercice de ses fonctions. Mais cette irresponsabilité se limite strictement à l’exercice de la fonction parlementaire à l’exclusion des actes qui en sont détachables. Le juge privilégie donc la fonction de parlementaire et conclue que son immunité est absolue. Cette protection fonctionnelle est perpétuelle et reste valable même à la fin du mandat du député. L’immunité fonctionnelle étant admise et ne constituant pas l’objet de notre analyse, nous n’allons donc pas nous y attarder.

Le deuxième aspect évoqué par le juge constitutionnel est la protection personnelle du député. Celle-ci s’identifie dans ce que la Cour a appelé l’inviolabilité du député. Elle s’analyse selon la Cour comme « une immunité de procédure garantissant le député, pris en sa qualité d’individu, contre des poursuites pénales abusives ou vexatoires intentées contre lui en raison de faits étrangers à l’exercice du mandat ». Ce sont les alinéas 3 et 4 qui traitent de cette question, selon que l’Assemblée soit en session ou hors session. Cette protection, quoique relative, parce qu’elle n’est valable que dans deux cas : le flagrant délit d’une part, et d’autre part, l’assemblée nationale ou son bureau peut, sur réquisition du gouvernement, y mettre fin, protège le député contre certains abus de procédure.

Il se dégage de l’avis de la Cour, que celle-ci s’octroie dans certains cas la liberté non d’appliquer la Constitution ou de l’interpréter même de façon constructive, mais sous quelque nom que ce soit de la compléter sinon de la corriger par des règles qui sont sa propre création, fussent-elles débordantes de bonnes intentions. En conséquence, on peut déjà se faire une idée presqu’évidente de la décision du juge constitutionnel en réponse à la requête du Président de l’Assemblée Nationale (PAN).

Le sort de la requête du PAN, l’évidence d’une décision connue d’avance.

Dans son recours en interprétation et en application de l’article 88 de la Constitution qui dispose : « Les membres de l'Assemblée nationale jouissent de l'immunité parlementaire.

Aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

Sauf cas de flagrant délit, aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière correctionnelle ou criminelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale.

Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du bureau de l'Assemblée nationale, sauf cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnations définitives », le requérant a formulé quatre demandes tendant à :

Déclarer non-conforme à la Constitution, notamment son article 89, le bureau de l’Assemblée national à l’état actuel, puisque ne reflétant pas la configuration politique de l’institution. A cette demande, la Cour pourra opposer une fin de non-recevoir. En effet, l’arrêt du 15 mai 2014 a admis que le bureau actuel puisse assurer le fonctionnement régulier de l’institution en reconnaissant le droit de l’opposition à renoncer à son droit de siéger.

Déclarer le bureau de l’assemblée incompétent pour statuer sur l’autorisation d’arrestation. Que le bureau n’est compétence que pour autoriser l’arrestation. C’est habile, la frontière entre l’examen de l’autorisation d’arrestation et l’autorisation d’arrestation est mince certes, mais peut être intéressante. Mais, selon l’esprit et la lettre de l’article 88 de la Constitution, l’autorisation d’arrestation peut émaner aussi bien de l’assemblée nationale que de son bureau, selon que celle-ci en intersession ou pas.  Quant à l’examen de l’autorisation, elle se heurte à un vide juridique, car ni le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ni la loi de 2011 portant statut de député ne déterminent la procédure à suivre. Cependant, le juge constitutionnel est venu compléter ce vide en autorisant le bureau à statuer sur la base de certains éléments tels que les faits reprochés au député, les circonstances de leur commission, son degré d’implication ou de responsabilité, la qualification pénale donnée aux faits et les mesures notamment privatives de libertés envisagées à l’encontre du député.

Invoquer l’absence de procédure pour la mise en œuvre de l’autorisation d’arrestation d’un député hors session. Pourtant l’alinéa 4 de l’article 88 de la constitution permet l’arrestation du député hors session dans le cas de poursuites autorisées. Il ressort de l’avis de la cour, on parle des poursuites autorisées  lorsqu’une arrestation envisagée entre dans le cadre d’une procédure pour laquelle l’Assemblée nationale a déjà levée l’immunité du député visé par la mesure d’arrestation ou lorsque le bureau de l’Assemblée a donné, hors session, l’autorisation de procéder à son arrestation.

Distinguer l’acte de poursuite de l’acte d’arrestation afin de combler le vide juridique préalablement à la mise en œuvre de toute procédure d’arrestation. Et invoque en appui le principe d’interprétation stricte lié au caractère pénal des dispositions en cause. L’article 20 de la constitution qui dispose :

« Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées.

Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas une infraction d'après le droit national. De même, il ne peut être infligé de peines plus fortes que celles qui étaient applicables au moment où l'infraction a été commise » est à cet égard édifiant. En effet, la présomption d’innocence pourrait être invoquée pour être opposable à l’objet même de la requête gouvernementale. Une demande d’autorisation d’arrestation du député sans aucune invitation de comparution aurait l’effet d’une présomption de culpabilité.

On est bien entendu très loin des réserves de Montesquieu qui affirme « que les jugements doivent être fixes à un tel point qu’ils ne soient jamais qu’un texte précis de loi. S’ils étaient une opinion particulière du juge on vivrait dans la société dans savoir précisément les engagement qu’on y contracte[7]

Aujourd’hui, tout conduit au secret de l’élaboration de la décision du juge constitutionnel. L’opinion est les pouvoirs publics n’ont plus qu’à s’incliner et à s’exécuter.

AMADOU ADAMOU Bachir, Doctorant en droit public, Attaché de recherche au Centre de Droit et de Politique comparés J.-C.Escarres (UMR  CNRS 7318  DICE -  Droits International, Comparé et Européen).



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