Lettre ouverte à M. Olivier Wantz directeur général adjoint en charge du business group mines, membre du directoire du groupe Areva
A l’attention de:
M. OLIVIER WANTZ, Directeur Général Adjoint en charge du Business Group Mines, membre du Directoire du groupe AREVA.
Paris, le 03 Janvier 2014
Monsieur le Directeur général,
Vous vous apprêtez à procéder à la fermeture au Niger, des sites d’exploitations d’uranium sur lesquels vous aviez déjà produit 114.000 tonnes depuis 1971, en l’occurrence le site de la Compagnie Minière d’Akouta (COMINAK) la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR), faisant croire en votre bonne foi et à au respect des clauses contractuelles. En ma qualité de citoyen nigérien, ayant comme beaucoup d’autres, perdu des proches, du fait de l’empoisonnement dont ils ont été victimes et qui n’a de cesse continuer, pour avoir été soumis à votre diktat, en travaillant sur ces chantiers d’exploitation à ciel ouvert sans aucune protection minimum.
A cette occasion, je souhaite attirer votre attention sur la multiplication des violations des droits fondamentaux notamment les droits de l’Homme dont vous vous êtes rendus coupables au Niger et que vous faites semblant d’ignorer.
Au vu de la négligence dont vous a fait preuve dans la gestion de l’exploitation, votre partenariat a été plus destructeur qu’il n’a généré de profits au Niger.
Un rapport publié en décembre 2009 par l’organisation mondiale de la protection de l’environnement Greenpeace, a fait état de risques de contamination radioactive perceptibles dans la ville d'Arlit. En effet, selon le document, les échantillons de sol analysés présentaient une concentration en uranium et autres matériaux radioactifs 100 fois supérieurs aux niveaux normalement mesurés dans la région et dépassant les limites internationales.
Greenpeace a également relevé des taux de radiation jusqu'à 500 fois supérieurs à la normale. En passant moins d'une heure par jour à cet endroit, un Nigérien est exposé à une radiation à la dose annuelle maximale admissible, selon le document. Concernant l'eau potable, selon l'étude, sur quatre des cinq échantillons d'eau potable prélevés dans la région d'Arlit, la concentration radioactive était supérieure à la limite recommandée par l'organisation mondiale de la santé.
Dans l'air, les mesures font ressortir une concentration de radon -un gaz radioactif- trois à sept fois supérieure au niveau naturel. Greenpeace a déclaré aussi avoir découvert des matériaux contaminés sur le marché local d'Arlit, alors qu'Areva, votre organisation qui continue à faire des morts, prétend qu'aucun matériel contaminé ne sort de l'usine. Pourtant les populations s'en servent pour construire des maisons. Devant ces constats, l'organisation internationale de défense de l'environnement a cru devoir alerter l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sur les dangers sanitaires que présentent les déchets radioactifs des mines d'uranium d'Areva dans la région d'Agadez. Des échantillons de sol et de l'eau contaminés par la radioactivité dans les villes d'Arlit et d'Akokan ont été fournis à l'institution onusienne[1].
Faut-il donc vous rappeler, comme vous aimiez bien le chanter lorsqu’il s’agit d’un pays africain, que le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde ? Il se classe au dernier rang de l’Indice de développement humain, établi par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Plus de 40 % des enfants nigériens présentent une insuffisance pondérale, le pays souffre de pénuries d’eau et près des trois-quarts de la population sont analphabètes. Pourtant, les ressources naturelles du Niger permettent à AREVA, sans état d’âmes, d’engranger des milliards de dollars de profits au détriment d’un peuple meurtri. Comment ne pas vous rappeler ce soir du 13 juillet 2012, lorsqu’à 15 heures 27 minutes, je revoyais une dernière fois la dépouille de mon ami, au CHU de l’hôtel Dieu de Nantes ; je n’ai pas pu m’empêcher d’effondrer en larmes lorsqu’une de ses phrases me revenait subitement à l’esprit, « Je suis condamné à vivre dans cette ville, loin de tous ceux que j’aime, du fait de ce cancer de foie » me disait-il un jour au bord de la Loire, à coté de ce géant bateau accosté aux Chantiers navals. Simple coïncidence me direz-vous n’est ce pas ? Et bien non, parce que vous aviez bien conscience de la détérioration de ces organes vitaux notamment son foie, ses reins et que sais-je encore. Ils sont nombreux d’ailleurs des nigériens condamnés à mourir à l’hôtel Dieu de Nantes (spécialisé dans le traitement des organes atteints de la radioactivité), et que vous aviez aidé à s’installer définitivement loin des leurs. Vous les aviez arrachés à leurs familles, leurs amis et leur patrie dans la fleur de l’age.
Ne pensez pas que le Niger est le seul perdant dans cette affaire, si vous devez pliez bagages, n’oubliez pas que vous aurez à rendre des comptes. D’ailleurs le Niger aura moins à perdre de votre départ que de la continuité de cette exploitation sur la base anciens textes, puisque vous aviez fait preuve de votre mauvaise foi. Comment expliquez vous le fait que vous exigez la reconduction tacite d’un contrat sous le régime des anciens textes non actuellement en vigueur en rendant opposable l’application des textes actuellement en vigueur notamment le code minier de 2006 ? N’est ce pas une filiale française, la France de René Cassin, de Jean Jaurès, de Jean Moulin qui veut se soustraire à l’application d’un texte de loi? Patrie des droits de l’homme en Europe, Fossoyeuse des droits humains en Afrique.
Faut-il d’ailleurs vous rappeler l’expulsion par arrêté du ministre de l’intérieur, de la Sécurité publique et de la décentralisation en date du 25 juillet 2007 de votre prédécesseur M. Dominique Pin quelques jours après celle de l’expert en sécurité de votre groupe,, Gérard Denamur pour leurs liens supposés avec les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ)[2].
Si les autorités nigériennes essaient de satisfaire certaines des revendications des populations de manière ponctuelle et fragmentée, c’est parce que les circonstances ont permis de connaître les situations sociales dramatiques que vous les infligées quotidiennement depuis plus de 40 ans. Puisque vous vous êtes montrés incapables d’entretenir un véritable dialogue avec les autorités nigériennes et les forces sociales et de contenir les mouvements sociaux qui, de manière de plus en plus coordonnée, s’efforcent d’attirer votre attention sur les souffrances des populations. Le harcèlement à l’égard des dirigeants légitimes, le recours à des pratiques administratives abusives entravant l’enregistrement et le fonctionnement des associations de défense des droits des employés de votre société, les tentatives de corruption de certains acteurs impliqués, élèvent des obstacles considérables à l’action de la société civile nigérienne. Ce type de violations constitue une atteinte aux dispositions des conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ratifiées par le Niger.
Outre la mauvaise foi et les manoeuvres, votre guéridon commercial comporte un troisième pied : le mensonge. Pas l’à peu près du mensonge commercial, oh non ! Mais le vrai, le bon gros mensonge de celui qui ne dit pas du tout la vérité. Et vous y êtes aidés efficacement par certains de vos dirigeants. En témoigne le déplacement en 2009, du président français Nicolas Sarkozy au Niger. Cette phrase vous la connaissez, « nous volons un partenariat équilibré, un partenariat gagnant-gagnant avec nos partenaires africains ». Résultat, le partenaire s’est avéré gagnant pour vous et gagné (perdant) pour nous. Vous pouvez donc partir sans que le pays en soi ému, ce ne sont pas des partenaires qui en manquent à cette heure de la mondialisation que vous confondez vraisemblablement avec la colonisation. Votre rôle consiste à garder le monopole de la presse et à crier que tout va bien, que tout se passe bien, que tout ce qui est arrivé était prévu, qu’il n’ y a pas à s’inquiéter, que vous, en tout cas vous voyez le bout du tunnel. Je crois d’ailleurs que vous ne vous rendez pas compte des contrevérités que vous débitez en tranches, ni les risques de démentis que vous infligent aussitôt les faits. Puisque nous y sommes laissez moi vous confronter aux faits. Si tant est que vous oeuvrez pour le bonheur des populations, n’aurait-il pas été modeste de votre part, puisque vous bénéficiez depuis fort, d’un paradis fiscale, de prendre en charge la construction du tronçon Tahoua-Agadez-Arlit conduisant à votre site d’exploitation, et qui depuis plusieurs décennies se trouve dans un état chaotique, faisant chaque année des dizaines de morts?
Croyant la partie gagnée, vous venez de décider de l’arrêt de l’exploitation de l’Uranium dans les deux sociétés : la COMINAK et la SOMAÏR. Par cette décision, vous pensez tenir une arme, celle de la pression économique, tendant à vous désengager et ainsi nous dresser les uns contre les autres, comme à vos habitudes, avec en arrière plan les syndicats du secteur des mines contre le gouvernement. Eh bien ! L’astuce est connue et comprise, le tour est déjoué. Notre peuple a atteint un seuil de maturité certain pour comprendre ce qui relève de la fatalité et ce qui est le fait d’une politique sournoise et méprisante de l’humain !
La permissivité de nos gouvernements n’est plus d’actualité, seul nos intérêts nous tiennent à cœur et pour lesquels nous sommes prêts à nous dresser comme cela n’était jamais arrivé contre quiconque osera nous expolier.
On peut profiter de l’hospitalité des nigériens, mais à condition de ne pas se moquer d’eux. Il y a une tradition française qui remonte à la colonisation. Sa Bible c’est l’île au trésor ; son fantasme initial explorer la caverne d’Ali Baba dans les anciennes colonies. Dès lors au Niger, il y en a de l’uranium pour tout le monde, on va le prendre et le gérer. Vous en avez assez pris, maintenant vous allez l’acheter et très cher ! Si vous ne voulez pas partez !
Il y a un peu plus d’un an, la France, pays ami, faisait la chasse aux fortunes des chefs d’Etats africains pour avoir piller leurs peuples. C’est donc tout naturellement si à notre tour, nous faisons la chasse aux évadés fiscaux qui veulent faire la loi en Afrique.
Par conséquent, nous vous demandons en particulier de :
Vous conformez aux dispositions des conventions de l’Organisation internationale du travail ratifiées par le Niger et la France,
Vous soumettre aux obligations internationales, en particulier le Pacte international pour les droits civils et politiques (PIDCP).
Confiants de la légitimité de l’action que mène le peuple du Niger, nous nous rassemblons autour de cet objectif commun que nous poursuivons, celui de voir le peuple bénéficier des retombés de ce minerai et de voir amorcer le développement économique et social du Niger.
En vous souhaitant une bonne réception et une bonne lecture, je vous prie, monsieur le Directeur Général de recevoir mes sincères solutions!
M. AMADOU ADAMOU Bachir
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