En termes d’aménagement du territoire, nos dirigeants sont politiquement aveugles
De tout temps au Niger, nous n’avons connu que des dirigeants dont la vision politique reste à désirer. Si le comportement des dirigeants des régimes d’exception peut se comprendre compte tenu de leur nature, il est inadmissible de constater que la tendance ne s’inverse pas aujourd’hui. Le Niger a un système politique hyper centralisé au niveau de la capitale, système hérité sans doute de la France.
Si la France tente tant bien que mal de corriger ce tir, le Niger continue à s’enfoncer aveuglement dans cette erreur. Par exemple, les sièges de toutes les institutions nationales sont basés uniquement dans la capitale parfois sans avoir de véritable branche dans les régions de l’intérieur du pays. Malgré la démocratisation du pays et la décentralisation poussée, le Niger continue donc sa politique de « tout capitale » avec la complicité des politiques qui pour la plus part sont des villageois venus de l’intérieur du pays. A travers quelques exemples, nous montrerons que nos décideurs sont politiquement aveugles d’un point de vue d’aménagement du territoire.
$11. Une injustice dans les services publics
Il y a des services administratifs qui ne sont accessibles qu’à Niamey alors que tous les citoyens sont censés être égaux. Par exemple, en dehors de Niamey tu ne peux pas te faire établir un passeport. Même s’il n’existe que deux aéroports internationaux dont un à Niamey, il est inadmissible qu’il faut obligatoirement venir à Niamey pour se faire établir un document de voyage. Le passeport normal coute environ 30 milles francs, mais un habitant de Diffa ou Agadez doit dépenser environ 90 milles pour en avoir, un habitant de Zinder 60 et celui de Tahoua ou Maradi au moins 50 milles. N’est pas une injustice ?
Dans le domaine de transport, si un automobiliste de Zinder (à ne pas souhaiter) fait un accident, après constat de la gendarmerie dont la décision est le retrait de son permis, son cas ne peut être jugé qu’à Niamey. N’est-ce pas une autre injustice ?
Dans le domaine de l’éducation, toutes les grandes écoles du supérieur sont basées à Niamey. Si ce n’est par la clairvoyance et la détermination du Ministre Laouali Dan Da, les universités de Tahoua, Maradi et Zinder ne verront sans doute jamais le jour.
$12. Infrastructures sociaux de base
Les autorités de la dernière transition avaient décidé de construire un hôpital national de référence à Niamey à coût de plusieurs milliards. Cette décision a été entérinée par le régime de la septième République. Ceci est une autre preuve d’une injustice et d’un aveuglement politique car dans tout le Niger il n’y a que trois hôpitaux nationaux: deux à Niamey et 1 à Zinder ; il n’y a que deux scanners médicaux : 1 à Niamey et 1 à Zinder (s’ils fonctionnent encore). Sachant que tous les centres de santé nigériens manquent crucialement d’équipement et de médicaments, pourquoi ne pas les équiper avec cet argent ? Mais à la place on préfère construire un nouvel établissement sans doute sous équipé qui ne résoudra jamais le problème de faible capacité d’accueil des services de santé. Mais si les bailleurs s’obstinent à voir du béton, pourquoi ne pas faire cet établissement dans une autre région qui n’en a pas. Ça évitera à ses patients d’affluer toujours vers Niamey et diminuer la surcharge des établissements de la capitale.
Les grands travaux de construction
Comme l’injustice ne suffit pas, le gouvernement actuel a engagé un projet d’embellissement de la capitale. Dans sa folie, il décide aveuglement de construire des échangeurs sans que ça réponde à un réel besoin. La seule et bête justification c’est qu’il y a des échangeurs dans beaucoup de capitales africaines sauf Niamey. Mais à quel point peut ont être aussi aveugle ?
Le problème de Niamey ce ne sont pas les échangeurs mais plutôt un véritable plan d’urbanisme et d’assainissement. Dans toute la vile, en dehors de quelques quartiers autour de la présidence, il n’y a pas de réseau d’évacuation d’eau usée. Il n’existe aucun plan d’évacuation d’ordures ménagères. Conséquences, ce sont des eaux stagnantes partout, des décharges sauvages en plein cœur de la capitale. Comment pouvez-vous embellir une ville alors qu’elle est sale ?
Mais si ce régime est obstiné à faire de grands travaux, il n’a qu’à construire des routes plus utiles pour le pays ou bien utiliser cet argent pour construire des classes en matériaux définitifs. Avec cet argent on peut aussi construire des centres de santé (si c’est la construction qui les intéresse) dans des zones rurales très reculées. Mais pour l’amour du ciel, arrêter la construction d’autres échangeurs à Niamey car c’est du gaspillage d’argent et c’est une injustice sociale.
$13. Conséquences de « tout capitale »
Il est grand temps à ce que les autorités nigériennes songent à une réelle politique d’aménagement de territoire qui va garantir un développement harmonieux du pays. Dans le cas contraire, on risque de créer un déséquilibre démographique et social dans notre pays qui risque de saper tous les efforts du développement. Si ça continue ainsi, presque tout le monde va vouloir s’installer dans la capitale ce qui va engendrer des problèmes de logement, une incapacité d’assurer les services de base (santé, éducation, eau, énergie) et un accroissement de la criminalité. Aussi, cette hypercentralisation accroit la vulnérabilité de notre pays de sorte que si ça ne va pas dans la capitale, rien ne va. Il suffit donc d’un petit problème et toute la République s’effondre.
Les autorités actuelles doivent rompre avec cet aveuglement politique et songer à créer des pôles de compétitivité dans toutes les régions du Niger. Car si les entreprises ne peuvent se développer durablement que dans la capitale, alors plus personne n’investira dans les régions. Les autorités nigériennes doivent savoir que le développement ou l’embellissement d’une ville ne se décrète pas, ça se construit en ayant une économie compétitive et un peuple harmonieusement développé.
Adamou Kokary