Des clés d’une négociation réussie avec AREVA
Depuis quelques jours, le Niger et Areva sont entrés en conclaves afin de renégocier les nouveaux contrats qui lient les deux parties en termes d’exploitation du minerai d’uranium. D’ores et déjà, beaucoup de voix s’élèvent pour demander un rééquilibrage des rapports entre les deux parties afin que le Niger profite pleinement des retombés de ses ressources naturelles. En effet à en croire le gouvernement et certaines organisations non gouvernementales, pendant les quarante années d’exploitation, l’uranium n’a participé qu’à hauteur de 5% au PIB du Niger.
À ce niveau on peut dire que le Niger ne tire pas suffisamment profit de l’uranium. Il y a donc lieu de revoir tout le processus d’exploitation et de vente de ce minerai. Pour commencer, le Niger en commun accord avec Areva a diligenté un audit indépendant de toutes les mines qui produisent l’uranium. Même si les résultats de cet audit ne sont pas connus du public, il est peu probable qu’ils permettront au Niger de voir clair compte tenu d’un certain nombre de points : i) le cabinet qui fait l’audit est français, ii) le Niger ne maîtrise rien en ce qui concerne le circuit de production et de vente de l’uranium.
Etant donné que toutes les cartes sont remises sur table, voici trois points à prendre en compte par notre pays pour une négociation réussie avec le géant du nucléaire.
Souveraineté sur les ressources
Le Niger doit mettre en avant la souveraineté sur son patrimoine minier et être inflexible sur ce point. Il s’agit d’évaluer la ressource à un prix juste avant extraction. En effet, le fait que l’uranium se retrouve sous le sous-sol nigérien ne rapporte rien à notre pays ; c'est-à-dire que le minerai lui-même n’a de valeur que s’il est extrait. De ce fait, la chaine de valeur commence à partir de tous les investissements faits pour extraire le minerai. Etant donné que c’est Areva qui investit dans l’extraction, elle détient le plus grand capital dans la mine. Nous pensons que le Niger doit évaluer son patrimoine minier à au moins 20% du projet global quel que soit le type de mine et le type de minerai. Ensuite le Niger doit imposer un financement supplémentaire de 30% de telle sorte que notre pays se retrouve avec un capital d’au moins 50% dans le projet global. Concrètement, étant donné que le Niger détient environ 34% du capital, alors sa participation doit être réévaluée à 54% en prenant en compte les 20% du patrimoine minier. C’est seulement à ces conditions que le Niger peut avoir un droit de regard suffisant dans les mines (présidence du conseil d’administration, fixation du prix…).
Transfert de compétences
Si le Niger ne maîtrise pas grand-chose dans l’exploitation de l’uranium c’est parce qu’elle dispose de peu de compétences dans le domaine. C’est pour cette raison que quel que soit le nombre d’audits que le Niger va diligenter, il ne verra pas clair car la majorité d’entreprises qui sous traitent avec Areva sont françaises. Pour mettre fin à cela, il faut que le Niger exige, dans le nouveau contrat, un transfert de compétences de telle sorte que le Niger puisse être le plus autonome possible dans le domaine de l’exploitation de l’uranium. Le but final c’est de se préparer à une éventuelle production d’énergie nucléaire. Mais pour ça il faut que les nigériens maîtrisent toutes les technologies de pointe du domaine de l’énergie nucléaire et créer des entreprises solides et fiables qui puissent sous-traiter avec Areva. Ces compétences vont nous rendre crédible et fiable vis-à-vis de la communauté internationale ce qui va nous faciliter l’écoulement de notre part d’uranium.
Seulement il faut que l’orientation ou la sélection de ceux qui vont suivre cette filière soit la plus objective possible car pour l’instant on a l’impression que travailler dans les mines d’uranium s’hérite. Il y a même des gens sans scrupule qui chantent sur tous les toits que ce sont eux qui composent la majorité des cadres qui travaillent dans ces mines. Sans doute pour avouer sans le savoir qu’ils sont les plus forts dans le PAC au Niger.
Diversification des partenaires
A travers la diversification des partenaires, nous voyons un moyen pour exiger la suppression des avantages fiscaux accordés à Areva sans subir de chantage. En effet, la plupart des multinationales qui veulent investir chez nous miroitent le montant d’investissement et le nombre d’emplois qu’ils vont créer dans le pays pour demander des exonérations fiscales. Mais s’il y a beaucoup d’investisseurs qui se font concurrence, alors on peut être catégorique et être inflexible sur certains points. De toutes les façons Areva n’est pas un investisseur inconnu au Niger. On peut penser qu’en 40 ans d’activité, elle a eu le temps de se stabiliser financièrement. Sans compter que dans la plupart des cas, les entreprises françaises bénéficient des primes à l’exportation de la part de leur gouvernement. Donc le fait de demander des avantages fiscaux au Niger, Areva a l’intention de ne rien céder à notre pays. En effet, elle passe toutes ses commandes en France et de plus elle ne veut pas payer des taxes d’importation au Niger.
Si le Niger arrive à détenir au moins 50% du capital des mines d’uranium sans investissements supplémentaires, négocier un transfert de compétences et tirer le maximum des taxes liées à l’exploitation de l’uranium, alors on peut dire qu’il a réussi ses négociations avec Areva.
Adamou Kokary