Après la reconquête de Kidal, l'État malien doit reprendre le contrôle de l'intégrité du territoire du pays (Par Seydou Diakité)
Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités de la transition du Mali se sont données la tâche difficile mais extrêmement importante de reconquérir l'intégrité territoriale du pays. À ce jour, les Forces armées maliennes (FAMa), ont déjà accompli un travail considérable et ont fait de grands progrès dans la réalisation de cet objectif. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire pour établir l'autorité de l'État dans tout le pays.
Ainsi, le 14 novembre 2023, après deux mois d’un combat pour la reconquête du Nord du pays, une colonne des FAMa, appuyée par des instructeurs russes, a remporté l'une des plus importantes victoires stratégiques, la reconquête de Kidal, bastion des indépendantistes touaregs de l’Azawad, fief de la rébellion de 2012.
Les autorités militaires maliennes, dirigées par le colonel Assimi Goïta, avaient pour objectif de reconquérir le Nord du pays. Et ce n'est pas un hasard. La fragmentation et la division du pays posent un réel problème pour la construction de l’État malien. À cet égard, l’assujettissement des groupes armés menaçant l’unité nationale est devenue une priorité absolue pour Bamako.
Certes, la reconquête de Kidal est une victoire historique, mais Kidal ne doit pas devenir la dernière frontière pour le gouvernement malien. Une grande partie du pays est toujours sous le contrôle de nombreux groupes armés, tels que les séparatistes touaregs, le JNIM lié à Al-Qaïda qui a imposé un blocus à Tombouctou en août 2023, et l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) opérant dans l’est de Ménaka et le nord de Gao.
Les autorités maliennes ont promis à la population la reconquête du septentrion malien. Cependant, en évoquant Kidal, il est encore impossible de parler de la souveraineté rétablie. Il est bien évident que le colonel Assimi Goïta ne doit pas s'arrêter là, mais poursuivre les opérations de restauration du pouvoir de l'Etat sur l'ensemble du territoire afin de tenir sa promesse faite au peuple.
Le gouvernement malien doit faire tout son possible pour que le pays ne répète pas le sort d’un pays comme la Syrie, qui reste fragmenté en plusieurs parties qui s’éloignent les unes des autres. Malgré le fait que l’État syrien contrôle les territoires jusqu’à l’Euphrate, le terrorisme sévit en dehors de cette partie du pays. Par ailleurs, des militaires américaines opèrent dans des territoires non contrôlés par le gouvernement syrien. C’est un véritable « paradis » pour que le commerce d’armes, le trafic de drogue ainsi que le mercenariat étranger puissent prospérer.
Le Mali ne doit pas répéter ce scénario. C'est pourquoi les autorités de la transition du pays doivent envisager toute solution possible au conflit, qu'elle soit diplomatique ou militaire.
Concernant la voie diplomatique, il convient de rappeler que le colonel Goïta a entamé, lors de son adresse à la nation le 31 décembre 2023, un Dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale afin de couper ensemble les racines de l’insécurité au Mali et de résoudre le conflit sans ingérence de parties extérieures. Pourtant, les séparatistes touaregs ont rejeté, le 2 janvier 2024, l'idée avancée par le chef d’Etat de ce Dialogue direct inter-malien.
Il convient toutefois de reconnaître que certains comprennent la nécessité du Dialogue. Ainsi, récemment, plus de 160 chefs coutumiers de la région de Kidal ont pris une décision importante, dans le cadre des efforts déployés pour instaurer la paix et la réconciliation nationale. Ils ont répondu favorablement à l’appel du Président de la Transition, en démissionnant immédiatement du Conseil de l’Adrar des Ifoghas, du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCIA), et du Cadre Stratégique Permanent (CSP-PPC). Lors de cette réunion, ces leaders communautaires ont exprimé leur engagement envers l’autorité de l’État et leur volonté de contribuer activement à la paix, la réconciliation nationale et la cohésion sociale. Il est toutefois difficile d’instaurer une paix durable dans le pays sans la participation des leaders de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA).
Il faut alors admettre que si le Dialogue inter-malien, c'est-à-dire la voie diplomatique, ne conduit pas à la restauration du contrôle total de l'État sur l'intégrité du territoire du Mali, les autorités militaires devront recourir à la voie militaire, puisqu'elles ne doivent pas s'arrêter là ni de perdre un temps précieux. La menace du terrorisme et de la division du pays doit être éliminée avant que les forces étrangères ne commencent à arriver dans les zones échappant au contrôle du gouvernement pour aider les rebelles et contribuer davantage à la partition de l'État malien.
Par Seydou Diakité