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« Laisse-moi tranquille avec ton Orient. L’Occident n’a pas dit son dernier mot. Crois-tu que j’abdique, moi ? J’en ai encore pour des siècles. »

Romain Rolland, Jean-Christophe.

Comme à chaque fois qu’une crise d’importance planétaire survient, les futurologues, essayistes du dimanche et autres devins auto-proclamés reprennent du service pour annoncer des « bouleversements », des « transformations radicales » et l’avènement d’un monde nouveau, un monde où plus rien n’aura le sens et l’ordonnance des choses d’antan. Tour à tour, des inventions technologiques, des changements spirituels, des crises économiques ou même des pandémies comme dans le cas qui nous occupe ici, sont annoncés comme des forces qui auraient pour effet de révolutionner l’ordre social, de changer les rapports entre les hommes et entre les nations. Il semble même que nous assisterons bientôt à la chute de l’Empire, à la disparition progressive et irrémédiable de l’hégémonie occidentale, à l’émergence de la Chine comme puissance dominante et de ce qu’on appelait autrefois « les pays du tiers-monde ». C’est le crépuscule de « l’homme blanc » nous dit-on. Voici venus le temps de l’Orient et le temps de l’Afrique. Les signes annonciateurs de ce bouleversement cosmique, on les voit, paraît-il, dans les ravages occasionnés par la pandémie en Europe à l’inverse de « l’étonnante » (au fait, pourquoi « étonnante » ?) résilience de l’Afrique. On les voit aussi dans l’apparente incapacité de l’administration américaine à endiguer la pandémie, dans la récession économique sans précédent qui s’annonce, dans les difficultés de l’Europe à parler d’une seule voix et même dans la faillite des compagnies aériennes. « C’est la fin d’une illusion », proclamait récemment Zyad Limam, dans un éditorial de Jeune Afrique. La fin d’une illusion de grandeur…pour l’Occident s’entend.

Zeyna commission0

Même si ces conclusions hâtives ont pour effet de flatter notre orgueil et le « désir de revanche » qui sommeille en certains d’entre nous, je pense qu’on ne doit leur accorder aucun crédit. Certes, les ravages de la Covid-19 sont réels et ne doivent en aucun cas être minimisés. La récession économique a déjà causé des dommages irréparables tant sur le plan de l’emploi que de l’activité industrielle en général. Il n’y a pas de doute que la Chine s’en sort mieux et pourrait être celle qui récoltera les principaux « bénéfices » de l’après-covid. Il n’y a pas de doute non plus que les Etats-Unis sortiront affaiblis de cette période de pandémie ou même que l’Afrique pourrait bénéficier de sa population croissante de consommateurs et pourrait ainsi « sauver le monde » d’une catastrophe économique.

Cependant, je ne vois pas en quoi tout cela pourrait remettre en cause l’écrasante hégémonie de l’Occident aussi bien sur le plan économique ou politique (sa « place dans le monde » et le partage d’influence planétaire), que sur le plan scientifique, culturel et idéologique. D’autant plus que la domination économique chinoise pourrait ne jamais se matérialiser, principalement en raison du déclin démographique (avec une population rapidement vieillissante) qui guette la Chine. La politique hasardeuse et irréfléchie de « l’enfant unique » a été une erreur historique et dramatique que les dirigeants chinois regrettent aujourd’hui. Ils tentent actuellement d’y faire face en inversant radicalement cette politique mais tout indique qu’il est trop tard et que leurs efforts ne seront pas couronnés de succès.

A l’échelle mondiale, la Chine n’exerce aucune influence culturelle ou idéologique. La langue dominante reste l’anglais et on ne voit pas comment le mandarin pourrait le remplacer de sitôt d’autant plus qu’en Chine même les élites inscrivent par centaines de milliers, chaque année que Dieu fait, leurs enfants dans les universités américaines. Il y a près de 400.000 étudiants chinois aux Etats-Unis et même plus de 40.000 élèves du secondaire.  Plus que dans n’importe quel autre pays au monde, en Chine, les familles qui en ont les moyens préfèrent donner une éducation occidentale à leur progéniture. On dit souvent que les élites africaines sont « aliénées ». Ce qu’on ne sait pas, c’est que par certains côtés les élites chinoises et asiatiques en général sont encore plus « aliénées » que nous. Toutefois, elles ont l’avantage sur nous d’avoir des nations réellement indépendantes et c’est peut-être cela l’essentiel. Bien qu’il y ait des centaines de langues différentes en Asie, dans tous les pays, c’est principalement leurs langues qui sont enseignées à leurs enfants. Chez nous au contraire, d’ores et déjà, dans des pays comme le Gabon, près du tiers des enfants ne parlent aucune des langues nationales. Il semble même que les enfants éprouvent une certaine honte à parler la langue maternelle de leurs parents. Même dans des pays comme le Niger, encore relativement épargné des ravages de l’hégémonie culturelle occidentale, il semble que de nombreux parents préfèrent parler français à leurs enfants à la maison pour, paraît-il, les aider à mieux réussir à l’école. Ce qui est bien évidemment stupide, comme démontré par toutes les études scientifiques à ce sujet. Parler la langue maternelle à la maison est le meilleur moyen de développer l’intelligence de votre enfant et même, paradoxalement, le meilleur moyen de l’aider à mieux comprendre le français.

D’une manière ou d’une autre, le français est appelé à demeurer l’une des langues les plus parlées au monde du fait de la croissance démographique dans ses anciennes colonies ou dans les anciennes colonies belges. La République Démocratique du Congo est le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique et la croissance démographique est la plus rapide du monde dans les pays sahéliens francophones. Le français et l’hégémonie française ont donc un bel avenir devant eux. Les Français n’ont rien à faire pour cela. Juste se coucher et attendre que le temps fasse son œuvre, car aucun signe ne montre que les dirigeants africains ont l’intention de changer le cours des choses. Ils n’en ont ni la volonté (étant eux-mêmes le produit du système), ni le courage.         

Il faut aussi rappeler ces faits d’évidence : la supériorité militaire des Etats-Unis et du « bloc occidental » n’est en rien entamée par ce qui se passe sur le plan sanitaire. Même si la mortalité due au coronavirus est relativement importante, elle reste insignifiante sur le plan démographique. L’Occident, et notamment la France, règnent en maîtres absolus sur les pays africains (et donc sur une bonne partie des ressources minières mondiales) et ce n’est pas la pandémie qui changera ce rapport de force. Si la Chine a récemment fait incursion et s’accapare progressivement de parts de marché importantes, à la différence de pays comme la France, elle n’a cependant aucune influence politique déterminante. Dans tous les pays africains, la France a installé des valets dont la préoccupation quotidienne, constante, est de donner des gages de servilité à l’Hexagone et de veiller à ne jamais rien lui refuser. Il faut d’ailleurs dire que, tout comme les esclaves de maison d’autrefois, ces valets s’acquittent avec une certaine « fierté » de cette tâche. Ce dont s’assure aussi un proconsul français installé dans chacun de ces pays et à qui les « présidents » rendent régulièrement compte lors de ses visites mensuelles.

Pire, aucun de ces pays n’a encore pris la voie de l’indépendance et d’un véritable développement économique, en mesure « d’inquiéter » l’Occident. Tenez ! Au Niger, le bilan de dix années du régime de Mahamadou Issoufou se résume à « l’embellissement » de la ville de Niamey, à quelques kilomètres de route par-ci, quelques autres ponts par-là, etc. Les efforts de « développement » sont orientés vers les services et non vers l’accroissement des capacités productives du pays (par exemple la construction d’usines). Tout est importé, principalement de France, et l’extraversion est toujours la règle. 60 ans après les indépendances, le Niger ne produit toujours pas une seule aiguille. Les 24 millions de Nigériens consomment essentiellement français et travaillent donc à enrichir les Français et ceci ne vient pas que du pillage de nos richesses. Ceci vient principalement du fait que ce que nous gagnons en travaillant, nous le dépensons pour acheter des biens de consommation français, des biens produits par l’industrie française pour qui nous sommes un marché captif, un marché de plusieurs centaines de millions de consommateurs qui achètent d’abord et avant tout français. Et même quand nous n’achetons pas français, l’argent que nous dépensons va quand même dans les coffres des banques françaises par le biais du système mafieux du franc CFA. Le développement chez nous est comme un tonneau percé qu’on essaye de remplir d’eau. On a beau s’échiner, l’eau que nous y versons va ailleurs, y compris parfois dans les poches des dirigeants. Toutefois, les élites intellectuelles françaises préfèrent toujours dénoncer ce dernier aspect (la corruption de nos dirigeants) mais se montrent relativement discrets quand il s’agit de situer la responsabilité de leur propre pays dans la misère que nous vivons. Ce qui est peut-être hypocrite mais constitue une attitude toute humaine qui se comprend parfaitement. Quant à nos propres élites politiques et intellectuelles, soucieuses de capter la rente de l’aide internationale, elles évitent soigneusement toute critique ouverte envers la France. Dans toute l’Afrique francophone, à l’exception notable du Malien Oumar Mariko, on ne connaît aucun leader politique d’importance assez « courageux » pour dénoncer ouvertement l’impérialisme français en Afrique. Chacun d’entre eux est sous tutelle d’un lobby français et ceux qui ne le sont pas cherchent désespérément à se faire adouber par des hommes d’influence en France. De ce point de vue, un changement de régime n’aura aucune signification positive pour les populations dans la mesure où le personnel politique est interchangeable : Hama Amadou n’aspire à remplacer Mahamadou Issoufou que pour faire ce que Mahamadou Issoufou faisait, en mieux ou en pire.     

Sur le plan économique, le système installé sous la colonisation et qui consistait à nous réduire au rôle de « marché » pour la production industrielle française est toujours en vigueur. Comme nous sommes en temps de pandémie, songez par exemple aux produits de l’industrie pharmaceutique française. Entrez dans n’importe quelle pharmacie nigérienne. Tous les produits, sur tous les rayons, sont français. Songez au nombre de malades à qui on tend chaque jour, dans tous les pays francophones, des ordonnances pour acheter des médicaments et qui donc, invariablement, achètent des produits de l’industrie pharmaceutique française. En dehors de la France, aucun autre pays au monde n’a, hors de son propre territoire, un marché captif de plusieurs centaines de millions de consommateurs qui chaque jour que Dieu fait, n’achètent que des produits de son industrie ; et pourtant l’industrie pharmaceutique n’est qu’un exemple parmi bien d’autres. Songez par exemple à un problème aussi simple que de réunir quelques enseignants nigériens pour concevoir et confectionner des manuels scolaires aux millions d’élèves et d’étudiants nigériens. Bien sûr, il y aura des imperfections, car l’imperfection est de ce monde, mais ce ne sera pas EDICEF, ce sera nigérien, Eh bien non, nous ne sommes pas capables de concevoir et confectionner des manuels scolaires pour nos enfants. Nous devons dépenser chaque année des milliards de francs pour importer de France de simples manuels scolaires que nos propres enseignants sont capables de produire en un tournemain comme cela se fait chez tous nos voisins anglophones. Visitez le Nigeria. Vous verrez, partout, des centaines et des centaines de manuels scolaires, tous portant des noms d’auteurs nigérians et qui sont les seuls utilisés dans les écoles nigérianes.

Bref ! Il n’y a aucun signe que l’hégémonie occidentale, notamment française, aussi bien sur le plan économique, militaire que politique ou culturel ait été en quoi que ce soit entamée pour nous permettre de penser que le déclin de l’Occident, périodiquement annoncé pour susciter des espoirs d’émancipation et donner un répit passager aux consciences opprimées, est pour demain. Les pays sur lesquels règne l’Occident, notamment en Afrique, n’ont pas pris la voie de leur indépendance. La pandémie n’annonce aucun changement majeur dans les rapports entre nations du monde.

Pr. Gado Alzouma



Commentaires

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Taway
3 années ya
Parfaitement d'accord avec cette analyse. L'occident en sortira affaiblie, mais cela changera
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Toujani
3 années ya
Analyse valide. Et comble de malheur, ceux qui, en Afrique, tentent de montrer la voie sont toujours d
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Kirah
3 années ya
La pand
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