Lettre citoyenne ouverte à Son Excellence Emmanuel Macron, président de la République Française (Par Djibrilla Mainassara Baré)
Djibril Bare signant le livre de condoléance de Chirac à l’ambassade de France au Niger le 30/09/2019
Excellence, M. le président de la République,
Suite à une série d’évènements, nous nous retrouvons à la veille de votre très prochaine visite tant attendue sur notre terre bénie du Niger, au cours de laquelle vous rendrez hommage aux soixante (71) héros de nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité sur lesquelles vous m’autoriserez, j’en suis sûr, à vous exposer mon point de vue sur l’attente de mes compatriotes. Ce, d’autant plus que je ne puis m’offrir le luxe de laisser le terrain aux spécialistes de la désinformation et de la propagande, qui sont à la base de ce prétendu désamour passager, entre nos deux Etats, qui fait couler tant d’encre et de salive et qu’ils tentent, vaille que vaille, de récupérer, si ce n’est déjà fait, par des procédés plus qu’abjects. Vous avez en effet invité les présidents des cinq pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) à Pau le 13 janvier prochain, pour réclamer un appui plus clair face à la montée d’un sentiment antifrançais au Sahel. Je ne vous parlerai que du cas de mon pays, le Niger.
Avant tout propos, soyez assurés que moi-même et mes compatriotes, toutes générations et tous bords confondus, avons été heureux du choix porté sur la personne d’un jeune Français pétillant d’intelligence, le plus jeune de la Cinquième République, et reconnu pour incarner les deux bords politiques qui se relayaient à la tête de l’Etat depuis l’avènement de ladite 5ème République qui inspire notre propre système politique. Je m’assume.
Soyez également assuré que nous aimons tous en secret, le pays de la déclaration universelle des droits de l’homme, de Victor Hugo, de voltaire et de Johnny Halliday, de la Tour Eiffel. Quel nigérien n’a pas rêvé de se retrouver sur Les Champs Elysées, « la plus belle avenue du monde », à la Tour Eiffel ? Dans notre subconscient à tous, chacun d’entre nous reconnait que votre pays et ses habitants, malgré les vicissitudes de l’histoire, nous a légué sa riche langue qui nous permet d’exprimer nos émotions les plus profondes et nous insérer dans l’universalisme. Mais il s’agit ici pour des patriotes, ceux de la société civile, de défendre la souveraineté de leur pays qu’ils ont le devoir d’aimer et de défendre plus que tout autre. Le célèbre journaliste Raymond Cartier n’avait-il prononcé la formule, « a Corrèze avant le Zambèze » sans être taxé d’anti africaniste.
Si j’ai décidé de vous écrire, c’est parce que les évènements de ces derniers temps et les lieux auxquels ils sont associés, à savoir Inatès, la Base Aérienne, la ville de Pau, nous parlent, et parlent aux Nigériens qui sauraient bien les décrypter. Ne serait-ce que tout d’abord par la symbolique de cette ville mythique de Pau, bien connue des militaires Nigériens, et dont le défunt président Baré aimait tant parler, où vous venez d’inviter nos Chefs d’Etat à se rendre pour clarifier leur position sur la présence des troupes françaises au Sahel. C’est bien dans cette ville de Pau que le défunt président Baré a eu à séjourner à deux reprises durant sa carrière militaire de para commando pour y effectuer le Stage d’Officiers Troupes Aéroportées (TAP) et s’y perfectionner en 1980 et 1984.
Ensuite par la symbolique de cette localité d’Inatès qui a été le théâtre de la plus sanglante attaque enregistrée par les Forces Armées Nigériennes depuis 2015 avec 71 de nos militaires assassinés, où l’hélicoptère prévu pour transporter le président Baré devait être abattu « accidentellement » par une roquette, le 09 avril 1999, conformément au premier scénario de « l’Opération Scier le baobab », conçue par les comploteurs connus de la République, prévoyant l’élimination physique du président.
Et enfin, ces évènements nous parlent par la symbolique de la base Aérienne où l’hommage officiel a été rendu aux 71 victimes où le président Baré aura finalement été abattu à bout portant à l’arme lourde, où vous avez décidé de vous rendre le 22 décembre prochain, pour rendre hommage aux victimes de la tragédie d’Inatès.
Si je devais continuer à évoquer la symbolique, je parlerais du Secrétaire Permanent du G5 Sahel « un ami » du général Baré qui avait en son temps inspiré et rédigé le célèbre discours sur « l’accident malheureux » lu sur les ondes nationales le 09 avril 1999, quelques heures après le lâche assassinat du Président Baré par le premier ministre de l’époque, autre « ami » de la victime, Cette invitation/convocation a été perçue par les populations sahéliennes, connues pour leur fierté à fleur de peau, comme un manque d’égard à leur endroit. Ce qui a autorisé notre président à marteler : « Ceux qui jouent leur jeu de manière consciente ou inconsciente, ceux qui s’attaquent à nos alliances, ceux qui veulent les défaire font pire qu’attaquer nos troupes. » Notre président, en fin de mandat, a tenté de souffler le chaud et le froid pour redorer son blason terni par tant de compromissions de son régime, dénoncées depuis plusieurs années par la société civile et l’opinion nationale. Puisque Dieu est Omniscient et Omnipotent, que peut–on attendre d’un individu qui a trahi tous ses bienfaiteurs dans le seul but de se réaliser ? En toute chose nous croyons à la justice divine, même si elle est plus lente que celle des hommes. Méfiez-vous de ceux qui se servent de la guerre, de la haine entretenue entre les peuples pour se réaliser. Ceux-là sont les véritables terroristes, puisque nous avons bien lu des analyses plus que pointues de spécialistes accusant certains de nos responsables locaux d’être au centre du « business du terrorisme » et ils n’ont jamais été démentis. Alors qui sont les véritables terroristes : ceux qui les dénoncent ou ceux qui se réalisent à travers le terrorisme ?
Alors qui alimente le sentiment anti français que vous évoquez dans vos discours ? Dans le cas de mon pays, qui sont les bénéficiaires réels du crime ?
- le président de la République,
Ceux d’entre mes compatriotes auxquels notre gouvernement tente de faire porter le chapeau de la propagande anti française n’ont en réalité rien à y voir. Les véritables responsables de cette débâcle militaire sont ceux-là qui prétendent consacrer, bon an mal an, près de 20 % de nos ressources budgétaires à la sécurité alors même que la réalité est toute autre. Ce sont ceux-là qui pour masquer leur insuffisance et justifier leur échec n’hésitent pas, en privé, à indexer….les troupes étrangères. Comme si ces troupes pouvaient à elles seules combler les lacunes liées à leur absence de sens de responsabilités en matière de renseignements humains plus qu’indispensables dans ce genre de conflits asymétriques et qui font hélas cruellement défaut. En effet que peuvent ces troupes quand le renseignement humain qu’on sait déterminant dans ce type de conflit asymétrique fait défaut ? Un drone, aussi intelligent soit-il, peut-il détecter les intentions malveillantes d’un groupe d’individus s’approchant de leur cible par petits groupes après avoir parcouru des centaines de kilomètres sur le territoire national sans être repéré ? Pourquoi compter sur des troupes étrangères alors même que le rôle des troupes n’a pas été clairement défini dans la stratégie offensive et défensive et les règles de leur engagement n’ont pas été définies. M le président, je suis également dans l’obligation de vous révéler certains actes de gouvernance à même d’alimenter le sentiment anti français dans notre pays, notamment le fait pour nos autorités, avec la compréhension de votre gouvernement :
1- de faire classer et maintenir notre pays doté de tant de richesses minières depuis plusieurs années au dernier rang du classement de l’Indice de Développement Humain (IDH) du PNUD, derrière des pays en guerre, du fait d’une gestion catastrophique du système éducatif et de santé ;
2- faire réaliser des dizaines de kilomètres de rails à « petits écartements », entre Niamey et Dosso, par une entreprise, qui, il est vrai, n’a rien demandé, en violation d’accords internationaux préalablement souscrits, pour lesquels des centaines de milliards de nos francs sont réclamés à notre pays au titre de dommages et intérêts par la société ;
3 - Dépenser près de 450 milliards de nos francs pour l’organisation d’un sommet de l’Union Africaine tenu au de juillet dernier dont l’opportunité reste à prouver, dans un pays où tout reste à faire en matière de santé et d’éducation uniquement pour satisfaire son égo ;
Pour ne citer que ces actes de gouvernance les plus scandaleux.
Par ailleurs, ce qui anime ce sentiment prétendument anti français qui vous révolte tant, parce qu’incompris de part et d’autre, c’est le soutien implicite que l’Etat Français semble apporter à un système politique responsable de la situation économique et sociale catastrophique que traverse notre pays après près de 59 ans d’indépendance et qui, vraisemblablement, alimente le terrorisme. Que pourraient changer même des succès militaires, si les populations continuent de se paupériser avec une jeunesse désœuvrée et sans perspectives ? En définitive, ce que mes compatriotes sont tentés de vous reprocher c’est de ne pas vous inspirer de la prescription de l’éminent Albert Einstein, qui a dit que : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent et laissent faire ». En d’autres termes, mes compatriotes reprochent au gouvernement français, depuis 2011, de laisser prospérer des actes de mal gouvernance de nos gouvernants, qui font et refont ce qu’aucun gouvernant n’a osé faire en 59 ans d’indépendance et qui nous plongent au dernier rang du monde en termes de développement humain. De surcroit, contrairement aux pays voisins où la guerre s’est imposée, notre champion, par désir de grandir et par calcul, s’est obstiné à provoquer les djihadistes du Mali et Boko Haram par des déclarations tapageuses que les archives pourraient retracer. On s’en souvient, Aboubakar Shekaou s’était fendu en son temps d’un communiqué pour protester suite à ces provocations gratuites.
Que dire de plus, sinon de porter assistance à un peuple en danger à la merci d’un « champion » de la démocratie, qui a fini par décoder votre grille de lecture en matière de gouvernance démocratique et qui s’en sert pour asservir son peuple comme bon lui semble.
Monsieur le président de la République,
Vous disposez des moyens de pression pour soulager le peuple Nigérien de souffrances multiformes sur le plan de la mal gouvernance économique et politique, alors nous souhaitons qu’il vous plaise d’agir au nom du devoir d’ingérence humanitaire et vous verrez le résultat.
Veuillez, agréer, Monsieur le Président de la République Française, l’expression de ma très haute considération.
A Niamey, le 21 décembre 2019
Par Djibrilla Mainassara Baré, Citoyen Nigérien - Amoureux véritable de la France et des Français et en particulier de la riche langue de Molière - Ancien Conseiller Spécial du président Ibrahim Mainassara Baré
Le Capitaine Ibrahim Bare en stage commando a PAU 1980
Commentaires
Confus et partag
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Chers Nig