La France au Sahel : Pau, une occasion de clarification et de vérité
Le rendez-vous de Pau, pour une clarification des attentes des pays du G5 Sahel vis-à-vis de la France : Faudrait-il dire, enfin, certaines vérités aux peuples sahéliens et… français !
Le Président français Emmanuel Macron, excédé par une campagne orchestrée par certains milieux africains contre la politique française au Sahel, a donc décidé d’inviter les cinq chefs d’Etats du G5 Sahel à venir à Pau afin de clarifier leurs attentes concernant la présence de la France dans ces pays. Le Président français se donne également une occasion de s’interroger enfin, sur l’état d’évolution des liens entre la France et les peuples, dont elle a considérablement orienté le sens de l’Histoire. Cette initiative a soulevé un certain nombre de critiques de la part des tenants d’un patriotisme réactionnaire qui ne s’est toujours pas illustré par la cohésion de son message, la pertinence de son combat pour la construction de ces pays et l’épanouissement de leurs populations.
S’en prendre à la France et critiquer son action ne pourrait convaincre que si, cela était précédé d’une autocritique sans complaisance des élites sahéliennes sur la qualité et l’efficacité des gouvernances dans leurs pays. Autrement, il s’agira uniquement des mêmes complaintes dénuées de tout sens de responsabilité. Attention ! Le peuple malien, le peuple nigérien…sont encore à définir de manière inclusive et consensuelle, avant de vouloir leur prêter une opinion et de les lancer dans une position partagée sur des sujets d’intérêt commun. Au risque d’aller à contrecourant d’une certaine « bien-pensance », l’on ne pourra faire l’impasse sur les fractures récentes causées par des politiques nationales, dont plusieurs communautés tiennent l’Etat pour responsable. En réalité, certains « patriotes » ne seront satisfaits que quand la France ira installer l’Armée malienne à Kidal au risque que cette dernière s’adonne à nouveau aux violations des droits de l’Homme.
Compte tenu des réalités sociopolitiques de ces pays et de la fragilité de leurs architectures étatiques, céder à la démagogie et au populisme rampant, risquerait de mettre la sous-région dans une situation chaotique semblable à celle que connaissent la Centrafrique, la Somalie et la Libye. Cela exigerait encore plus d’efforts de la Communauté internationale qui finirait alors, par mettre certains pays sous une tutelle assumée.
Que font les élites nigériennes et maliennes pour construire un sentiment national partagé ?
Ces pays sont, certes, une création récente de l’administration coloniale française. On pourrait alors, se demander ce que les élites ont fait pour leur donner une réelle consistance favorisant l’adhésion de l’ensemble des communautés que la France a bien voulu y rassembler. Il est irréaliste de penser qu’une constitution rédigée et approuvée dans des conditions discutables, suffirait à créer un Etat et à stabiliser un pays. La Communauté internationale a imposé un état de fait dont elle n’a pas voulu assumer la complexité. Elle a choisi de brimer des peuples pour sauvegarder une « normalité » dont le caractère artificiel constitue un des ingrédients du chaos qui s’installe aujourd’hui en Afrique et au Sahel. La faillite des Etats africains est d’abord celle de leurs élites. Ces dernières n’ont pas été capables de s’émanciper et de se penser par elles-mêmes en dehors des référentiels de leurs puissances de tutelle. La paresse intellectuelle et l’absence d’imagination conduisent à se contenter de singer des institutions qui n’ont à l’évidence aucun rapport avec les réalités socioculturelles des peuples concernés.
Il est illusoire de vouloir mobiliser les citoyens autour de la défense d’un Etat dans lequel certains peinent à se reconnaitre car, constamment confrontés au déni et à la violence. Le sentiment national se limite souvent à l’aune des intérêts de chacune des communautés qui composent le peuple. Dans ces pays, la République n’a pas encore convaincu quant à sa capacité à « fabriquer » des peuples intégrés qui assument et respectent leurs propres diversités. L’instrumentalisation de l’Etat et de ses institutions au profit de certaines communautés a fini par brouiller les esprits sur la définition même de l’Etat et de la place du citoyen.
En effet, la France a des intérêts et une aspiration légitime à les promouvoir dans un monde de compétition économique et géostratégique. Il n’y a pas d’incongruité à cela, dès lors que les relations économiques et stratégiques se font sur des bases saines qui tiennent compte des intérêts des différentes parties. Il est évident que la France se trompe à infantiliser certaines anciennes colonies dont elle continue à couvrir les travers en matière de gouvernance politique et de respect des droits de l’Homme. La France devrait accepter d’affronter certaines réalités de ces pays et y être plus attentive aux conditions de vie de tous les peuples sans exception. Cela est d’autant plus pertinent que les dirigeants de ces pays ont fait la preuve de leur insouciance et de leur incapacité à favoriser la cohésion et le respect mutuel des peuples.
Il apparait en effet, que les dirigeants sahéliens n’ont pas toujours été suffisamment persuasifs quant à leur propre engagement à créer les conditions d’une lutte efficace contre l’insécurité, au-delà de la multitude de rencontres et forums sur la paix et la sécurité. Ceux qu’ils considèrent comme leurs véritables ennemis ne sont pas clairement identifiés et leurs efforts ne sont pas toujours convaincants. En laissant la corruption et la mal-gouvernance atteindre un niveau inédit dans ces pays, on a fini par décrédibiliser le rôle de l’Etat et sa capacité à assumer ses fonctions. Le reproche souvent fait à certains dirigeants sahéliens est d’être en connivence avec des réseaux qui gangrènent les appareils d’Etats et de faire des quêtes auprès des occidentaux pour obtenir des moyens permettant de combattre l’insécurité et de faire fonctionner ces Etats.
Le respect se mérite ! Or, que font les dirigeants sahéliens pour forcer le respect et mériter les égards ? L’hypocrisie de certains et l’opportunisme d’autres forment un cocktail improductif qui maintient certains pays dans un état végétatif indépassable. Les politiques se comportent le plus souvent en petits boutiquiers qu’en hommes et femmes investis d’une mission multidimensionnelle de la vie d’un pays. Ils sont souvent, plus obnubilés par l’accession ou le maintien au pouvoir qu’à l’avenir du pays et au bien-être de ses populations. Il y a une certaine absence de réalisme politique à vouloir toujours critiquer ou rendre responsables les autres, tout en oubliant que les premiers responsables des divisions, de la mal gouvernance et de l’instabilité sont d’abord les élites politiques et intellectuelles de ces pays.
Abdoulahi ATTAYOUB
Président de l’ODTE/TANAT
(Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe)
@attayoub
Lyon, le 10 décembre 2019
Commentaires
Toutes mes condol
Vous ecrivez:"Il est illusoire de vouloir mobiliser les citoyens autour de la d