Pourquoi la retraite à 65 ans ?
Selon une rumeur de plus en plus persistante le gouvernement de la 7ème République compte allonger l’âge de la retraite à 65 ans. Certainement c’est dans cette perspective que la Caisse Autonome des Retraites du Niger (CARENI) avait procédé récemment à un plaidoyer devant le parlement pour démontrer le bienfondé de la démarche. Ainsi, il se susurre de plus en plus que la loi visant à fixer désormais 65 ans serait adoptée à la session dite des lois du mois mars.
Avant toute analyse de la question il serait très utile de se poser la question suivante : pourquoi veut on porter l’âge de la retraite à 65 ans et au nom de quel impératif ?
Il s’avère très important de préciser que l’argumentaire de la CARENI et du gouvernement pour défendre une telle initiative repose principalement sur un seul alibi selon lequel un nombre important de ceux qui cotisent beaucoup à travers leurs salaires seraient très bientôt à la retraite alors pour éviter de tomber dans une situation où il serait difficile à l’Etat de payer les pensions de retraités, l’âge de retraite doit urgemment doit être porté à 65 ans. L’on est tenté de se demander que fera l’Etat lorsque ces cotisants auraient atteint 65 ans si c’est la seule solution ? Une nouvelle prolongation à 70 ans ?
Le recrutement massif de jeune à la fonction publique permet évidemment de démonter très facilement l’argument principal du gouvernement et la CARENI. En effet, par exemple, si nous avons 10.000 agents de la catégorie A1 qui cotisent 100.000.000 FCFA et qui iront à la retraite bientôt, pourquoi l’Etat n’envisage pas la possibilité de recruter 25.000 jeunes dans toutes les catégories de la fonction publique afin de combler le gap de 100.000.000 FCFA que ces supposés 10.000 agents pourraient éventuellement cesser de cotiser par leur départ à la retraite si brusque soit elle. Ceci aura l’avantage naturellement de permettre à l’Etat de faire un triple coup.
D’abord dans la réduction du chômage des jeunes qui s’amplifie chaque jour du fait de manque de perspectives pour une jeunesse de plus en plus diplômée. De plus, cela contribuera significativement dans l’atteinte de l’objectif visant à créer 50.000 emplois par an conformément à la promesse du Chef de l’Etat. Enfin, ce recrutement permettra à l’Etat de beaucoup rajeunir l’effectif de la fonction publique dans un premier et surtout d’ajuster dans un second temps la pyramide actuellement totalement déformée.
A moins que d’autres intentions soient cachées au peuple nigérien sinon à l’heure actuelle rien ne pourra justifier cette démarche qui par ailleurs ira forcement à l’encontre des intérêts de notre pays au vu de la situation de dégénérescence de l’Administration Publique et du chômage endémique de la jeunesse.
C’est un truisme de dire que l’Administration Publique est malade de ses agents, une maladie qui s’empire par leur refus systématique d’accomplir leurs différentes missions ou charges, ils ont majoritairement cesser de travailler pour l’intérêt général, un renoncement collectif à l’effort caractérise l’Administration Publique, une administration extrêmement lourde et paresseuse dont les agents se livrent sans état d’âme et à ciel ouvert à la corruption, au trafic d’influence, au gaspillage inutile, à cela s’ajoute l’indiscipline et autres excès interdits par les dispositions réglementant la fonction publique de servitude hélas pervertie par les attitudes des uns à vouloir toujours se sucrer au détriment et sur le dos du contribuable.
Ainsi, prolonger l’âge de la retraite à 65 ans reviendrait à prolonger dans le temps les mêmes tares empêchant à l’Administration d’être efficiente, cela reviendrait à infliger les mêmes supplices à l’endroit de notre pays qui verrait davantage son développement retardé car l’administration doit être le moteur et ses agents le carburant du développement d’un pays surtout avec la jeunesse et sa parfaite maitrise des technologies de l’information et de la communication (TIC).
Déjà à 60 ans bon nombre de ces agents passent plus de temps à dormir dans les bureaux, leur efficacité doit être démontré ainsi que leur rémunération constituant une pure perte sèche pour l’Etat. Si c’est pour aider les agents à supporter le coût de la vie de plus en plus cher, prolonger l’âge de la retraite n’est aucunement la solution, puisque c’est au dépriment de l’Etat et des nigériens et particulièrement la jeunesse. Dans ce cas, l’Etat ferait mieux de rendre la vie après la retraite plus attractive à travers des mesures sociales et des politiques publiques volontaristes et ambitieuses parce c’est une évidence que les retraités souffrent énormément, ce qui suscite la peur chez ceux qui sont dans l’antichambre de la retraite actuellement et qui œuvrent inlassablement pour la retraite à 65 ans. Cette loi si elle venait à être adoptée, elle constituera une faute morale dans la mesure où des grands pères préfèrent occuper la place de leurs petits-enfants condamnés au chômage, dans le même temps elle consacrera indubitablement l’avènement d’une administration de dormeurs aux antipodes de l’administration de développement indispensable à l’heure actuelle.
Par ailleurs, dans un pays où 75% de la population a moins de 25 ans par conséquent une population extrêmement jeune, comment peut-on imaginer porter la retraite à 65 ans, cela relève de la pure l’hérésie parce que les pays où cette option avait été portée par les gouvernements sont confrontés à un vieillissement de leurs populations. Ce qui est très loin du cas de notre Niger, surtout à cette heure de compétition entre les Etats, un pays avec des cadres compétents et jeunes peut d’une part être à la hauteur de cette compétition et d’autre part répondre présent au grand rendez-vous de l’intégration.
Il est clair que notre Administration Publique n’a nullement besoin d’un prolongement de l’âge de la retraite à 65 ans mais a davantage besoin d’une véritable modernisation à travers des vraies réformes visant à améliorer la gouvernance, l’efficience et la qualité des prestations. Cette modernisation passera forcement par le rajeunissement de l’effectif de la fonction publique. Cependant, si cette loi venait à être adoptée, elle ne doit pas être généralisée à tous les secteurs et à tous les agents de l’Etat, on pourrait par exemple faire une exception strictement encadrée pour certains métiers où le Niger d’aujourd’hui a besoin d’avantage d’agents plus expérimentés comme le secteur de la santé, l’éducation et dans une certaine mesure la diplomatie à conditions que ces agents manifestent le désir ce qui est à l’opposé de la motivation liée à la cotisation aux fonds de retraite évoquée par la CARENI.
Pour toutes ces raisons, la jeunesse nigérienne doit se mobiliser plus que jamais comme un seul homme pour faire échec à ce projet funeste, peu importe son appartenance politique car il s’agit purement et simplement de la préemption à la fois de son avenir et du rôle qu’elle doit impérativement jouer dans le développement de notre pays
SOUMAILA ABDOU SADOU
Administrateur Civil.
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La fonction publique ne peut pas absorber tous les flux de demandeurs d