IN MEMORIAM : Moulaye Abdoulaye, Communicant, Journaliste…..
Décidemment, ces derniers temps, La Grande Faucheuse a décidé de ne plus nous accorder un seul répit ! C’est ainsi que j’ai été cueilli à froid, très tôt ce mardi matin, par la terrible nouvelle de ta disparition, mon frère Moulaye.
Je n’ai plus le cœur à écrire. L’encre de ma plume n’a même pas eu le temps de sécher depuis la disparition d’Amadou Ousmane, que je suis contraint de la reprendre. Tu as donc, toi aussi, décidé de nous fausser compagnie, à nous tous, ce mardi, à une semaine, jour pour jour, après Amadou Ousmane, toi aussi cousin maternel du côté des Haidara. Je te parlerai directement parce que je sais que tu m’entends, tellement la complicité est grande entre nous.
Non, Moulaye, dis-moi, toi aussi, que ce n’est qu’un mauvais rêve, puisque ces derniers temps, je n’en vis que de mauvais. Ceux de la disparition de proches parents. Le vrai parent n’est-il pas finalement celui avec qui l’on affronte les vicissitudes de la vie au quotidien ?
Tu veux me dire que ton astre, « Le Soleil », ne brillera plus ? Mais est-ce possible ? Je préfère croire qu’il s’est couché et qu’il se lèvera. Avec ta disparition, « une bibliothèque vient de brûler » puisque Amadou Hampathé Ba, ton Sage préféré l’a dit « un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle. Tu es certes jeune par l’âge, mais vieux, très vieux par ta parfaite connaissance du microcosme politique nigérien de l’avant et l’après conférence nationale souveraine qui a vu naître ton astre qui nous éclaira longtemps avant de s’éclipser inexorablement à l’image de la politique au Niger. Amadou Hampâté Bâ, encore lui, disait : « En Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable de sa lignée, qui continue de vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement…..car ce n’est pas un individu isolé que l’on salue, mais, à travers lui, toute la lignée de ses ancêtres. » C’est pourquoi, « les bouts de bois de Dieu que tu as semés », tes frères et sœurs, et nous autres, tes frères de cœur sursitaires, poursuivrons ton œuvre.
Je t’ai connu dans le métier de la plus dramatique des circonstances, il y’a 22 ans, en février 1996 et depuis nous ne nous sommes plus jamais quittés. Depuis les lendemains du 27 janvier 1996, quand tu subis cette agression barbare et que tu compris plus tard que ton agresseur serait le même que celui de ton cousin de président Baré (PSA) que tu ne quitteras plus jamais. Normal ! Etant comme lui de la lignée des Haidara, de « Haidar » signifiant lion en arabe, cette lignée des Cherif de Tombouctou, « la ville aux 333 saints » ou « perle du désert », dont tu ne pouvais qu’être fier. Donc tu es un vrai lion, un vrai de vrai. C’est vérifiable, vérifié et certifié. Ainsi donc, tu es le beau cousin de l’autre lion local. De toutes les manières, qu’on se le tienne pour dit : blancs, noirs, jaunes, nous sommes des parents descendants de « Toumaï » cet ancêtre commun, découvert depuis peu dans le désert du Djourab au Tchad, de l’espèce Sahelanthropus tchadensis, considérée par certains paléoanthropologues comme l'une des premières espèces de la lignée humaine si l’on remonte les sept (7) millions d'années avant le présent. Mais toi, c’est différent, tu es un parent proche de nos illustres ancêtres de Tombouctou, la cité historique.
C’est pourquoi, pas plus tard que la fin d’après-midi du samedi dernier, lors de notre toute dernière entrevue, tu m’avais fait des confidences sur l’œuvre que tu avais entamée avec l’aide de ton talentueux confrère, ton prédécesseur dans l’au-delà d’une semaine, jour pour jour. Cette œuvre c’est l’écriture de l’histoire de ton ancêtre dénommée Halima dite « Chibo », originaire de Chikal non loin de Filingué, promotrice du mouvement du Baboulé ou « Haouka », jugé alors insurrectionnel par le colon. Celle-là même qui opposa une farouche résistante à la pénétration coloniale, et à qui la légende prêta l’anecdote d’avoir pu marcher sur l’eau du fleuve Niger à hauteur de l’actuel Gawèye, ce qui lui a valu plus tard une déportation à Tombouctou d’où elle fera la rencontre ton illustre grand-père Ahmed Moulaye Haidara. Ton prédécesseur, Amadou Ousmane, a tenté de t’aider à réaliser ton vœu cher, puisque, toi comme ton prédécesseur, vous partagez la même passion de l’Ecriture (avec un grand E). Quoi de plus noble !
Ton ami de toujours, acceptera t-il de porter à l’écran cette célébrité à ton honneur ? Nous l’espérons !
Amadou hampathé Ba, dont tu as apprécié la sagesse a prononcé ces mots forts que je te dédie : « …..On ne peut m'annoncer une nouvelle plus grave que celle que le destin m'a assignée au jour de ma naissance en me disant : "tu es entré dans une existence dont tu ne sortiras pas vivant, quoi que tu fasses", et nulle force humaine ne pourra jamais me loger plus étroitement sur cette terre que je ne le serai dans ma propre tombe. C'est pourquoi aucune mauvaise nouvelle ne peut réellement m'assombrir. J'ai appris à voir venir la mort avec le même calme que je vois tomber la nuit quand le jour décline. A chaque réveil, je me considère comme un condamné en sursis. Mais je ne suis pas pessimiste pour autant, ….La vie est un drame qu'il faut vivre avec sérénité. »
Tu seras présent parmi nous. Mais promis juré, nous te rejoindrons. Je te promets de te rejoindre. Moi je te le promets, je te rejoindrais.
Ta vie est pleinement remplie ! Ta douce moitié Haoua, tes enfants Haidara, Salim, Ahmed, Nabila qui ne pourraient qu’être fiers de toi, à tes frères et sœurs Aichatou, Ahmed, Filali, Oumar à qui tu as osé brûler la politesse, toi le cadet de la famille, je ne peux que demander d’accepter la loi divine, à laquelle nul ne peut échapper à la mort, en disant : Innâ lillâhi wa innâ ilayhi râji'ûn-a - Nous appartenons à Allah (SWT)et nous Lui retournerons
Mais Abdoulaye, tu survivras par tes œuvres accomplies sur terre. Puisque tu es un artiste. Et les artistes ne meurent jamais
Repose en paix Abdoulaye !
Djibril Baré
Ton cousin de Tombouctou
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