Lettre ouverte à M. Bazoum Mohamed, Président du PNDS Tarayya (Par Djibrilla Mainassara Baré)
M.le président,
Pour justifier votre manifestation du 4 mars prochain visant à contrer la société civile dans ses dénonciations de la loi de finances 2018 renfermant des mesures impopulaires, la mouvance MRN-APR a déclaré le 14 février dernier : « La loi de finances 2018 a effectivement été l'occasion de la mise en œuvre d'une directive de l'UEMOA datant de l'année 1998 que seul notre pays n'avait pas encore appliquée. En appliquant cette Directive, notre pays se met en règle vis-à-vis de ses autres partenaires. Avec un taux de pression fiscale de moins de 15% en 2017, notre pays est à la traine de tous les autres pays de notre communauté économique sous-régionale, juste devant la Guinée Bissau, loin de l'objectif des 20% projeté pour l'année 2019. »
Par votre déclaration, vous laissez entendre que la Directive de 1998 serait à l’origine de votre loi de finances ? Pourquoi une fixation sur l’année 1998 ? Pourquoi insistez-vous pour servir cette version, puisque, comme vous le savez, ladite Directive a été profondément modifiée par la Directive 02/2009 portant TVA. Et, point important, l’application cette Directive sur la TVA de 2009 modifiant celle de 1998 est insécable de celle, stricte, du Code de Transparence instauré par la Directive 01/2009 du 27 mars 2009.
Me taire, c’est contribuer à accréditer votre thèse ! c’est pourquoi je me trouve dans l’obligation de livrer à l’opinion ma part de vérité pour permettre aux citoyens non avertis, l’écrasante majorité, de mieux participer au débat sur la loi de finances, du reste, très encouragé par les Directives de l’Uemoa.
Il me plait de vous rappeler que dans sa note introductive, le guide didactique de la directive n°06/2009 du 26 juin 2009 portant lois de finances au sein de l’Uemoa dont vous avez certainement pris connaissance, précise qu’« après une évaluation en 2004 sur la mise en œuvre de ces six (6) premières directives, la Commission a décidé de proposer au Conseil des Ministres une réécriture des directives de 1997, 1998 et 2000 en six nouvelles Directives rénovant le cadre harmonisé des finances publiques au sein de l'Union, toutes adoptées par le Conseil des Ministres en mars et juin 2009. »
Dès lors, pourquoi omettre de mentionner que l’application de ces mesures fiscales est encadrée par l’application strict du Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’Uemoa instauré par la Directive n°01/2009 du 27 mars 2017, abrogeant la précédente devant entrer initialement en vigueur seulement au 1er janvier 2012 . Ce Code a mis « l’argent public au cœur de l’Etat de droit et de la démocratie » et « la collecte et l’utilisation des fonds publics respectent les principes de l’Etat de droit : la légalité, la transparence, le contrôle démocratique et la responsabilité ».
Pourquoi ne pas jouer de la transparence en vous conformant aux exigences dudit code notamment au volet « Information du public » dont le point le plus important est « L’information régulière du public sur les grandes étapes de la procédure budgétaire et l’encouragement au débat public sur la gouvernance et la gestion des finances publiques …»
Du reste, la mise en œuvre de la Directive sur la loi de finances est fondée sur la Déclaration de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement du 28 janvier 1999 sur « le renforcement de la convergence et l’accélération de la croissance économique dans les Etats membres de l’UEMOA » et le Code de transparence de 2009 et il n’a été nullement fait cas de cette Directive de 1998 sur la TVA.
En quoi la hausse des tarifs de l’électricité, du prix du m2 dans les agglomérations et les communes, l’exigence des timbres fiscaux sur chaque page pour les légalisations des documents, l’imposition d’une taxe d’habitation y compris pour les utilisateurs de panneaux solaires sont-elles liées à la Directive de l’Uemoa de 1998 ?
De même, quand vous évoquez la faiblesse de la pression fiscale de notre pays, je dois préciser que sur la période 2011-2016, notre pays, avec un taux de pression fiscale moyen de 19, 9% caracole en tête des huit (8) pays de l’Uemoa de +3,6%. Le taux de 15% de 2017, avancé pour justifier ces mesures drastiques, est certainement lié à une contreperformance, puisqu’en 2015 et 2016, il était de 21,5 et 18 %, loin devant celui de la Guinée Bissau établi à 8,8 %.
Pourquoi alors le gouvernement ne réajusterait-il pas les charges pour les rendre plus conformes aux ressources provenant de mesures fiscales supportables et acceptables par les contribuables, au nom des principes de la bonne gouvernance comme il a été procédé dans certains pays de la zone ?
Enfin, vous rappelez-vous de ces opposants du « Gondawna » démocratique qui prônaient l’incivisme fiscal de 1996 à 1998 et faisaient le tour des institutions financières internationales pour demander de bloquer les aides et les programmes financiers de leur pays ? Ou alors qui incitaient les syndicats des impôts à des grèves cycliques pour affaiblir le gouvernement ? Aux dernières nouvelles, il semblerait qu’ils aient positivement évolué et reconnaissent à présent les vertus des impôts dans un pays. Un de leurs partenaires avait dit : « seuls les …ne changent pas.
M.le président, transmettez tout de même mes remerciements fraternels au puissant Ministre des Finances pour nous avoir fait la faveur de ne pas avoir fiscalisé le « Garin rogo » (farine de manioc. En souvenir du séjour au Lycée National ?
Salutations distinguées.
Djibrilla Mainassara Baré
Ancien Conseiller Spécial du président Baré,
Chargé des Questions Economiques et Financières
Ancien Auditeur Interne au Siège de la BCEAO, Membre de l’IIA Sénégal
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