Le statut du personnel de l’Administration Territoriale ou la fin de la dégénérescence de l’Etat au niveau déconcentré (Deuxième partie)
Pour mieux comprendre la situation de dégénérescence actuelle que vit l’Administration Territoriale du Niger, il s’avère nécessaire de procéder à un rappel historique par l’analyse des différents profils des représentants de l’Etat au niveau de l’Administration régionale et locale. Dans cette perspective, s’impose une analyse des différents décrets de nominations du personnel de commandement durant la gestion du pays sous le régime du Président Seyni Kountché, sous la gestion de l’Alliance des Forces pour le Changement (AFC), durant la 5ème République du Président Mamadou Tandja et la 7ème République sous le règne du Président Issoufou Mahamadou.
En effet, dès l’arrivée du Conseil Militaire Suprême(CMS) au pouvoir le 15 avril 1974, le Chef de la junte le Lieutenant-colonel Seyni Kountché avait vite diagnostiqué le véritable problème lié à la qualité des hommes en charge de la gestion des départements, des arrondissements, des communes et des postes administratifs. Pour cela, il fit le choix d’une nouvelle politique très ambitieuse pour le Ministère de l’intérieur en général et pour l’Administration Territoriale en particulier afin que l’Etat soit représenté partout qualitativement et dignement. Ce choix permit au Niger de passer d’un paradigme de nominations de complaisances du personnel de commandement à un paradigme basé essentiellement sur la nomination des professionnels de l’Administration générale ayant la capacité d’ assurer gestion administrative de développement de nos territoires et promouvoir l’excellence.
En effet, contrairement au régime de la première République où c’était des moniteurs d’élevage ou d’agriculture, des certifiés sachant à peine lire et écrire et des enseignants qui furent nommés au postes de préfets, sous-préfets, maires et chefs de postes administratifs, le régime du Président Kountché avait priorisé les nomination d’un personnel de commandement majoritairement produits de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Ainsi, les promotions en Administration générale en fin de formation à l’ENA, du niveau moyen étaient systématiquement promues adjoints aux sous-préfets et leurs majors adjoints aux préfets (aujourd’hui Secrétaire Général de préfecture) tandis que ceux sortis du niveau supérieur étaient généralement promus aux postes d’adjoints aux sous-préfets ou directement sous-préfets pour les finissants issus du concours professionnel. D’ailleurs, tous les meilleurs de la section Administration étaient tous orientés sans exception vers le Ministère de l’intérieur quel que soit leur Ministère d’origine pour les professionnels. Ce Ministère était devenu un véritable creuset d’excellence, de compétence et de talents. Cette politique avait permis à ce dernier d’être doté de cadres extrêmement compétents permettant du coup à l’Administration Territoriale de relever les multiples défis au quotidien sur l’immense étendue du territoire nigérien dans l’accomplissement de sa mission de rapprocher le citoyen du centre de décision du pouvoir. Les résultats furent très patents et incontestables, ce qui peut laisser supposer que l’une des clés de la bonne gestion du pays par le Président Seyni Kountché était indubitablement liée à la culture de l’excellence promu au niveau d’un ministère structurant et de souveraineté à l’instar du Ministère de l’intérieur.
Aussi, pour plus d’efficacité dans l’atteinte des objectifs de développement de notre pays, les postes de Secrétaires généraux adjoints (SGA) des préfectures furent cumulativement confiés aux cadres du Ministère du Plan avec leurs postes de direction des services départementaux du Plan car ils devraient s’occuper de la coordination du développement au niveau territorial. Ces SGA étaient des inspecteurs principaux de promotion Humaine c’est-à-dire des spécialistes en planification, sortis des écoles de référence en la matière. Quant au poste de secrétaire général (SG) de préfecture, il échoit toujours à un administrateur civil formé à l’ENA. Il faut signaler également que même les Préfets militaires de l’époque bien qu’étant des officiers supérieurs avaient suivi un cycle spécial de formation administrative à l’ENA pour être imprégnés de la science administrative, afin de les outiller pour une meilleure gestion des différentes entités dont ils avaient la charge.
En outre, lorsqu’il s’agissait de nommer les différents personnels du commandement à savoir les sous-préfets ou leurs adjoints, les chefs de postes administratifs, les administrateurs avaient toujours été privilégié parce qu’ils ont été formés pour cette mission combien noble auprès des populations de notre pays. Pour s’en convaincre assez rapidement il suffit de parcourir tous les décrets portant nomination d’adjoints aux préfets ou secrétaires généraux de préfecture, de sous-préfet, d’adjoints-à sous-préfets, de maires et de chefs de postes administratives sur la période 1976-1987.
En 1976, il y avait eu plusieurs décrets de nominations de cadres de commandement, notamment les décrets 76-3 et 76-4/PCMS/MI du 05 janvier 1976 portant nomination des personnels de commandement, les décrets 76-41 et 76-42/PCMS/MI du 23 mars 1976 portant nomination des personnels de commandement, le décret 76-137/PCMS/MI du 12 août 1976 portant nomination d’adjoints aux préfets, le décret 76-138/PCMS/MI du 12 août 1976 portant nomination de sous-préfets, le décret 76-139/PCMS/MI du 12 août 1976 portant nomination d’adjoints aux sous-préfets, , le décret 76-140/PCMS/MI du 12 août 1976 portant nomination de chefs de postes administratifs, et les décret 76-171 et 76-172/PCMS/MI du 24 septembre 1976 portant respectivement nominations de sous-préfets et d’adjoints aux sous-préfets. Seul, moins de 1% des personnes chargées de représenter l’Etat au niveau régional et local n’étaient pas administrateurs et ceux qui furent nommés sans être des administrateurs étaient le plus souvent des militaires.. Tous ceux qui occupaient les postes d’adjoints aux préfets étaient tous des administrateurs, c’était quasiment pareil pour les sous-préfets et leurs adjoints.
Ensuite, en 1977 la lecture des décrets n° 77-11, 12,13 et 77-14/PCMS/MI du 10 janvier 1977 portant nomination respectivement d’adjoints aux préfets, sous-préfets, adjoints aux sous-préfets et chefs de postes administratifs et des décrets n° 77-105, 106,108 et 77-109/PCMS/MI du 05 septembre 1977 portant respectivement nomination d’adjoints aux préfets, de sous-préfets, d’adjoints aux sous-préfets, d’adjoints aux sous-préfets et de chefs de postes, permettre constater la même tendance avec exclusivement comme adjoints aux préfets, plus de 99% d’administrateurs nommés comme sous-préfets et adjoints aux sous-préfets et quelques officiers au niveau des postes administratifs.
Cette logique fut respectée lors du mouvement des cadres de commandement en 1979 par les décrets n° 79-126, 127,128 ,130et 79-131/PCMS/MI du 29 août 1979 portant nomination des sous-préfets, adjoints aux sous-préfets et chefs de postes administratifs.
De plus, cela est confirmé en 1981, notamment par le décret n° 81-140/PCMS/MI du 31 août 1981, portant nomination de Secrétaires Généraux des préfectures où tous étaient des administrateurs de très grandes qualités ainsi que le décret n°81-141 /PCMS/MI du 31 août 1981 portant nomination de sous-préfets et du décret n°81-172/PCMS/MI du 25 septembre 1981 portant nomination d’adjoints à sous-préfets.
Ce fut le cas également en 1982, concernant le décret n° 82-115 /PCMS/MI du 06 septembre1982 portant nomination des secrétaires généraux de préfecture, le décret n°82-116/PCMS/MI du 06 septembre 1982 portant nomination de sous-préfets, décret n° 82-117/PCMS/MI du 06 septembre1982 portant d’adjoints à sous-préfets et le décret n°82-118/PCMS/MI du 06 septembre 1982 portant nomination de chefs de postes administratifs.
De même en 1983, le décret n°83-110/PCMS/MI du 08 août 1983, portant nomination de secrétaires généraux de préfecture, décret n°83-111/PCMS/MI du 08 août 1983, portant nomination de sous-préfets, le décret n°83-112/PCMS/MI du 08 août 1983, portant nomination d’adjoints à sous-préfets et le décret n°83-113/PCMS/MI du 08 août 1983, portant nomination de chefs de postes administratifs. Décret n°83-125/PCMS/MI du 05 septembre 1983 portant nomination d’adjoints à sous-préfets.
Ce fut pareil en 1984 à travers le décret n° 84-138/PCMS/MI du 27 août 1984, portant nomination de secrétaires généraux de préfectures, le décret n° 84-139/PCMS/MI du 27 août 1984, portant nomination de sous-préfets, le décret n° 84-140/PCMS/MI du 27 août 1984, portant nomination d’adjoints aux sous-préfets et le décret n° 84-140/PCMS/MI du 27 août 1984, portant nomination de chefs de postes administratifs.
En 1986, la même logique fut appliquée lors du mouvement des cadres de commandement avec le décret n° 86-128/PCMS/MI du 29 septembre 1986 portant nomination des secrétaires généraux de préfectures, le décret n° 86-129/PCMS/MI du 29 septembre 1986 portant nominations de sous-préfets, le décret n° 86-131/PCMS/MI du 29 septembre 1986 portant nominations d’adjoints aux sous-préfets, le décret n° 86-132/PCMS/MI du 29 septembre 1986 portant nominations de chefs de postes administratifs.
Enfin, ce même paradigme avait été respecté en 1987 par le décret n°87-105/PCMS/MI du 07 septembre 1987 portant nomination de sous-préfets, le décret 87-107/PCMS/MI du 07 septembre 1987 portant d’adjoints à sous-préfets.
Cependant, au niveau de tous les différents décrets l’on pouvait noter un nombre infime de sous-préfets ou d’adjoints à sous-préfets ou de chef de postes administratifs n’ayant pas le profil d’Administrateur parce que le Président Kountché avait à cœur une discrimination positive à même de permettre à toutes les composantes ethniques de se retrouver au sein de l’Administration Territoriale. Ainsi, pour les minorités n’ayant pas d’Administrateurs, étaient nommés des instituteurs de valeurs ou d’autres agents de l’Etat ayant une expérience en gestion. Des militaires étaient nommés au niveau de certains postes administratifs ou sous-préfectures afin de sécuriser d’avantage le territoire national car le plus souvent ces entités se situent non loin des différentes frontières de notre pays où sévissaient régulièrement avec acuité des problèmes d’ordre sécuritaire.
Aussi, lorsqu’un sous-préfet ou un adjoint au sous-préfet, un maire ou un chef de poste administratif était bénéficiaire d’une mesure individuelle, il était remplacé par un autre administrateur de qualité pour la bonne poursuite de la mission à la tête de ladite circonscription. De plus, ils étaient en perpétuel mouvement suite à des affectations régulières pour une raison d’efficacité. Il était régulièrement mis fin aux fonctions des indélicats. (A suivre)
Soumaila ABDOU SADOU
Administrateur Civil
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