Révision des textes fondamentaux : Recul, inconstitutionnalité et goût d’inachevé
Par 139 Voix pour, zéro (0) contre et zéro (0) abstention, les députés nationaux ont adopté, le 30 Mai dernier, le projet de révision de certaines dispositions de la constitution traitant de la matière électorale ; l’opposition a boycotté la séance. Dans la même logique, un projet de loi organique portant révision code électoral est sur le bureau de l’Assemblée Nationale pour examen et adoption. Celui-ci vise à réviser et fusionner des lois électorales dans un texte unique.
Selon le Gouvernement cette initiative de révision vise à « tenir compte des lacunes relevées par les différentes évaluations du processus électoral de 2016. » L’opposition politique crie au scandale et dénonce « des manœuvres qui ne laissent aucune place au dialogue et à la concertation et qui tendent, à tailler un système électoral à la convenance du pouvoir en place. » A observer de très près, outre les éléments de recul qu’il présente, le contenu des lois soumises à révision indique, hélas, une occasion ratée de restructurer/équilibrer les rapports de pouvoirs et renforcer le cadre démocratique. Au niveau de la majorité tout comme chez l’opposition politique, le fait partisan prend le dessus sur des véritables enjeux de construction d’un véritable Etat de droit.
Réviser la constitution est une opération constitutionnelle
La révisons de la constitution est prévue par la constitution suivant des conditions qu’elle a elle-même balisées à travers les articles 173, 174 et 175. Elle précise les acteurs ayant pouvoir d’initiative et les matières insusceptibles de révision qu’elle protège rigidement par des clauses d’éternité. Les révisions interdites, conformément à l’article 175 de la loi fondamentale, sont notamment celles pouvant constituer une « atteinte » à l’intégrité du territoire, la forme républicaine de l'État, le multipartisme, le principe de la séparation de l'État et de la religion, la limitation de mandat du Président de la République et l’interdiction de « proroger le mandat (du président de la république s’entend) pour quelque motif que ce soit. » La clause d’impunité contenue dans l’article 185 de la constitution accordant « une amnistie aux auteurs, coauteurs et complices du coup d'État du 18 février 2010 » est également interdite de révision.
En dehors des aspects sus-mentionnés, la révision de la constitution est, en principe, admise sur l’ensemble des autres dispositions qu’elle comporte. Seulement, la lex lata réserve l’initiative de révision aux seuls Président de la République et aux membres de l’Assemblée Nationale ; et pour être pris en compte le projet ou la proposition de révision doit être voté à la « majorité de ¾ des députés composant l’Assemblée Nationale ; » Si elle n’obtient pas ce minimum requis, la procédure de révision est réputée abandonnée/rejetée et s’éteint à ce stade. Lorsque le projet ou la proposition de révision est voté à la majorité de 4/5 des députés, la révision est acquise ; et le texte constitutionnel est ainsi valablement révisé. Cependant, lorsque le nombre de voix exprimées en faveur du projet ou la proposition de révision est supérieur aux ¾ mais inférieur aux 4/5 des membres de l’Assemblée Nationale, ledit texte peut être soumis à référendum sauf abandon dudit projet ou proposition par son initiateur.
Le projet de révision constitutionnelle soumis par le Gouvernement, à l’initiative du président de la république, et voté par les députés avec une majorité légèrement supérieure aux 4/5 requise par la loi fondamentale, reste dans le domaine du permis. A première vue, cette révision n’est qu’une opération de toilettage cantonnée à élargir les délais de processus électoral et à fixer les bases constitutionnelles d’un code électoral unique et harmonisé devant désormais régir les élections présidentielle, législative, locale et référendaire. Désormais, le processus électoral peut s’étendre sur 4 trimestres (120 jours), entre le premier tour des élections présidentielles et la fin du mandat du président de la république ; contre 40 jours maximum anciennement retenus et qui sont se sont révélés très insuffisants ; la lecture combinée des articles 48 nouveau de la constitution et 138 de la future loi organique portant code électoral indique, que le processus électoral risquerait de s’étendre sur plus d’un semestre ; car les 120 jours prévus par la nouvelle disposition constitutionnelle (Art 48), ne courent qu’à partir du premier tour des élections présidentielles ; ce délai ne prend, donc, pas en compte l’intervalle entre la convocation du corps électoral, la composition des dossiers de candidatures, leurs validations, le temps de campagne en vue de scrutin premier tour et autres. Et, au sens de cette disposition, les déclarations de candidatures sont déposées « au moins 50 jours » avant le jour de scrutin. Le ministre chargé des questions électorales a « 5 jours » pour arrêter la liste des candidats et la transmettre à la constitutionnelle qui dispose, à son tour, de « 48h pour se prononcer sur l’éligibilité des candidats », sans compter le délai de composition des dossiers de candidatures qui n’apparaît pas clairement dans le texte. C’est dire qu’à ce rythme, l’année de fin de mandat serait pratiquement réservée aux seules opérations et tensions électorales.
Une évidente inconstitutionnalité de la CENI « permanente »
Dès la première lecture du contenu des lois électorales ayant fait l’objet de révision, en particulier, le code électoral, plusieurs aspects peuvent retenir l’attention, parmi lesquels la dimension manifestement inconstitutionnelle, au stade actuel du droit nigérien, du caractère « Permanent » de la CENI, que les auteurs d’une telle révision ont prétendu « créer » à travers une loi organique ; alors que celle-ci (CENI) est déjà crée par l’article 6 de la constitution, la norme immédiatement supérieure, encore en vigueur et qui ne l’a pas voulu « permanente ». Or, cette disposition constitutionnelle n’a pas été concernée par la révision pour prendre en compte ce besoin de « permanence ». Mais on se rend compte, au même moment, d’un curieux article, art 9, du projet de code électoral prétendant ériger la CENI en institution permanente en ces termes : « Il est créé une commission électorale nationale indépendante. (…) Elle est permanente. »
La logique juridique, dictée par le principe de validité par conformité à la norme immédiatement supérieure, oblige, si telle est la volonté de l’Exécutif, de procéder d’abord à la révision de l’article 6 de la constitution pour y intégrer le besoin d’ériger désormais la CENI en institution permanente et indépendante de tout pouvoir, autorité ou organisation ; et la loi n’interviendra que pour déterminer les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette Commission.
Un tel conflit entre une disposition constitutionnelle et législative risque fatalement et malheureusement de se dénouer en défaveur de la norme législative. Le bébé risque d’être versé avec l’eau de bain ; car une CENI permanente et véritablement indépendante, à l’image des autres institutions de la république, est une des recommandations fortes formulées par la plupart des organisations et organismes ayant observé le déroulement du processus électoral passé. Mais, par la faute des techniciens et du Gouvernement, une telle attente peut ne pas survivre au futur contrôle-à-priori de constitutionnalité auquel ne peut échapper toute loi organique ; Sauf si les détenteurs de pouvoir d’initiative de révision de la constitution s’en saisissent à nouveau pour prévenir un tel gâchis.
Peut on croire, que les auteurs de la révision des lois électorales ont dû ‘oublier ‘ l’existence de l’article 6 de la constitution ? ou bien, s’agit-il d’une œuvre de sabotage consistant à donner l’impression d’accéder aux multiples revendications et recommandations de divers acteurs pour finalement ne pas en tenir compte ; avec l’excuse que c’est le juge constitutionnel qui aura rendu impossible la satisfaction de ces attentes exprimées ? Dans un cas comme dans l’autre, l’intelligibilité d’une telle opération est peu compréhensible lorsqu’elle n’écorne pas tout simplement la crédibilité de ses auteurs ; car l’erreur sur les faits peut être excusable ; mais celle portant sur le droit fondamental ne peut vraiment pas l’être, chez des personnalités agissant au nom de l’Etat et de la nation ; du moins, si on n’est pas au « Gondouwana ».
Vers une inféodation manifeste de la CENI au pouvoir Exécutif
Outre le problème d’inconstitutionnalité sus-relevé, le contenu du projet de loi organique portant code électoral laisse planer de graves inquiétudes sur le devenir même de « l’indépendance » de la CENI. Tant les ingrédients d’une inféodation de cette institution au pouvoir exécutif sont assez manifestes. En effet, au sens de l’article 15 du projet de code électoral, le président et le vice président de la CENI sont nommés par décret pris en conseil de ministres suivant des modalités de « sélection » définies par décret lui-même pris sur proposition du ministre de l’intérieur en charge des questions électorales ; ils sont choisis, suite à un appel à candidature et consultation des partis politiques, parmi les personnalités ayant au moins 15 ans d’expérience en matière électorale. Le texte reste timide sur le contenu de la « consultation » des partis politique ; implique-t-elle un consensus ou une consultation formalité ? aucune indication ne filtre ; le seul pouvoir réel observable est réservé au seul président de la république qui détermine les modalités de candidature et de choix de la direction de la CENI permanente, flanqué du ministre en charge des élections, dans un contexte légal désormais de totale liberté de choix ; car il n’y a plus l’obligation, dorénavant, de nommer les professionnels de droit (magistrat et avocats) à la tête de cette Institution. Tout comme le président et le vice président de la CENI, le directeur et le directeur adjoint de la direction technique chargée de l’informatique et du fichier électoral biométrique (difeb) seront également nommés par le président de la république sur proposition du ministre en charge des élections, et là, sans consultation des partis politiques, principaux acteurs du jeu électoral.
Placée sous l’autorité du président de la CENI, cette direction a pour mission notamment « d’élaborer, gérer, réviser et mettre à jour le fichier électoral, réaliser un recensement électoral en vue de la mise en place d’un fichier électoral biométrique, veiller à l’élaboration d’une liste électorale permanente, informatisée et garantir la régularité de l’opération de recensement électoral, établir les cartes électorales biométriques. » C’est dire que le président de la république et le ministre de l’intérieur s’arrogent le plein pouvoir leur permettant de contrôler les principales institutions en charge de la conduite du processus électoral et de production des outils stratégiques d’élections.
La participation des acteurs présumés indépendants comme la société civile est également entamée dans le nouveau code. Le poste de deuxième vice présidence de la CENI traditionnellement réservé aux collectifs des associations féminines légalement reconnues est purement et simplement supprimé. Les organisations féminines ne comptent plus qu’une (1) seule représentante parmi les membres lambda de la CENI en lieu et place de trois (3) places qui leur sont anciennement consacrées. Les représentants des centrales syndicales, des syndicats non affiliés, des médias privés ainsi que les partis politiques non affiliés ne sont plus admissibles au sein de la CENI.
Ainsi sur les 13 membres qui composent désormais la commission, 6 sont des partis politiques dont 3 de la majorité et 3 de l’opposition, deux (2) autres choisis par le Président de la République, trois (3) cadres du niveau supérieur ayant des compétences avérées en matière des statistiques, de finances publiques et d’administration désignés par l’administration publique et deux (2) représentants de la société civile dont un (1) venant des organisations de défense de droits de l’homme et une (1) des associations féminines. En terme clair, sur les 13 membres, il n’est pas exagéré de soupçonner très fortement que l’exécutif exerce un contrôle sur plus de 60% des membres de la CENI ; étant entendu que les cadres désignés par l’administration, les deux personnalités nommées par le Président de la République et les trois représentants de la majorité n’en font qu’un, soit 8/13. Autrement dit, les seuls acteurs réputés indépendants sont les deux (2) représentants de la société civile. Il faut sauver la CENI de l’anthropophagie débordante de l’Exécutif !
Pourtant, en 2009, au fort temps de la lutte anti-tazartché, Bazoum Mohamed, alors opposant, a su identifier et mettre en relief « ce qui fait la force et la singularité de la CENI nigérienne, construite sur la base des acquis de la conférence nationale souveraine. La force de notre CENI, insistait-il, c’est qu’elle est animée principalement par la société civile (magistrat, avocat, les organisations de défense des droits de l’homme) ; les partis politiques sont relégués au second plan. Nous l’avons voulu autonome de l’administration parce que nous ne faisons pas confiance au Ministère de l’Intérieur. »
C’est Bazoum Mohamed, aujourd’hui ministre de l’intérieur de son Etat, qui préside le Comité de révision des lois électorales ayant décidé d’une telle réforme déconsolidant les acquis de la conférence nationale souveraine en matière de construction d’une institution électorale véritablement indépendante : reléguer la société civile et les professionnels de droit au second plan et mettre la CENI pratiquement sous coupe réglée, au bénéficie quasiment exclusif de l’exécutif. On se serait attendu que l’esprit de suite et la constance qui doivent caractériser les personnalités de haut rang imposent à Bazoum le respect de sa propre pensée/conviction, est-on tenté de dire. Hélas ! Les délices de pouvoir changent l’homme, selon certains ; elles le révèlent, plutôt, selon d’autres !
Les autres faits marquants du projet de code électoral
Chaque député est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelables. Avant la révision, lorsque le député titulaire est décédé ou nommé à un autre poste, il est automatiquement et définitivement remplacé par son suppléant. Et lorsque le poste de suppléant devient vacant pour diverses raisons (décès, nomination, déchéance), « il est pourvu au siège vacant par élection partielle », à l’exception d’une vacance de poste intervenue au cours de la dernière année de législature ;
Sur ce plan deux principales ‘‘innovations‘‘ sont apportées par le projet de code électoral. La première indique, au sens de l’article 148, la « suppression d’élection partielle » et son remplacement par la latitude donnée au parti politique titulaire de la liste « ayant gagné l’élection » de pourvoir au poste vacant. « S’il advenait que la liste sur laquelle le député déchu a été élu, est épuisée, la même opération s’étend à la liste qui est venue en second dans la circonscription. » Mais le code électoral en cours de révision ne donne aucune indication sur les limites acceptables d’un tel jeu de remplacement. Jusqu’à quelle proportion des postes vacants peuvent être pourvus par ce procédé sans y voir une substitution rampante du peuple par les partis politiques en matière de dévolution de pouvoir législatif ? wait and see.
Visiblement, les exigences de légitimité sont sacrifiées sur l’autel du souci d’économie budgétaire et sur fond de consolidation de l’emprise des partis politiques sur les membres de l’Assemblée Nationale. Dans l’immédiat certains observateurs y voient un subterfuge visant à éviter l’élection partielle devant se tenir, le 30 juillet prochain, dans la circonscription ordinaire de Maradi en vue de pourvoir à la vacance d’un siège de député ; élection que le Gouvernement trouve trop coûteuse dans un contexte de sècheresse financière puisqu’elle est budgétisée par la CENI à un peu plus d’un milliards FCA.
Par contre, le recours aux élections partielles reste valable pour pourvoir à la vacance de poste de député intéressant « une circonscription spéciale » ; tout comme « lorsque des vacances se produisent par annulations des opérations électorales dans une ou plusieurs circonscriptions, des élections complémentaires sont organisées dans un délai de 40 jours. »
La seconde petite nouveauté témoigne de lobbying des « ministrables » pour sauvegarder leur « mangement » voire leur immunité en cas de pépin. En effet, lorsque l’article 146 du même texte dispose, de façon péremptoire, que « le député appelé à une autre fonction cède définitivement son siège à son suppléant » ; les lobbyistes ont vite fait d’y ajouter une singulière exception en ces termes : « toutefois, le député nommé membre du Gouvernement peut regagner son siège en fin de mission.» histoire, peut-on dire, de se protéger des effets d’éventuelle disgrâce au sein de l’équipe gouvernementale pouvant surgir au gré de diverses contingences politiques.
Une occasion ratée de faire des avancées démocratiques significatives
De toute évidence, le processus de révision de ces textes fondamentaux a particulièrement souffert du poids du fait-partisan et autre petit calcul quelque peu mesquin ; faisant de cette révision des textes fondamentaux, une opération superficiellement centrée sur les élections, loin de toute volonté de renforcer le cadre démocratique et l’Etat de droit. C’est regrettable !
Pourtant, bien d’intellectuels et des groupes organisés, conscients des enjeux de l’heure ne cessent d’appeler à une révision des normes fondamentales pour prendre en compte le besoin de plus en plus pressant de redynamiser/revitaliser le jeu de séparation et de contre-pouvoirs et contrer les les convulsions hégémoniques de l’Exécutif ; jeu de séparation de pouvoirs et de contre-pouvoirs sans lequel, il n’y a point de démocratie. Et lorsque, la séparation des pouvoirs devient factice, elle se traduit par la radicalisation hypertrophique de pouvoir Exécutif ; les premières victimes sont indubitablement les libertés et les droits fondamentaux des citoyens.
Dans cette quête d’équilibre des pouvoirs pour déradicaliser l’Exécutif, renforcer la démocratie et sauvegarder les droits fondamentaux, un collectif d’organisations de la société civile nigérienne, à travers une plate-forme revendicative, a fait des propositions qui devaient être prises en compte lors du processus entamé de révision des textes fondamentaux au Niger, au lieu de le cantonner aux seules questions électorales. Cette plate-forme citoyenne traite de l’urgence de revitaliser l’indépendance des principales poutres de la démocratie (Pouvoirs Judiciaire, Exécutif, Législatif), de leur nécessaire démocratisation pour en faciliter l’accessibilité aux citoyens ainsi que de l’accroissement des espaces de libertés.
Selon ces organisations, l’indépendance du pouvoir judiciaire passe par exemple par le renforcement de l’indépendance de la cour constitutionnelle, la popularisation de la saisine de celle-ci, ou tout au moins accorder cette possibilité aux organisations de la société civile légalement reconnues. Elles ont également demandé le renforcement de l’indépendance du conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour en faire une institution soustraite de l’Exécutif, permettre à tout justiciable de saisir directement le CSM sur des aspects disciplinaires, réviser les critères de nomination au Conseil d’Etat et en faciliter l’accès de ses services aux citoyens et groupes organisés, soustraire le parquet de l’emprise de l’Exécutif, accroitre l’indépendance de la Cour des Comptes ; en gros, séparer la puissance de « poursuivre et de juger » de la « puissance Exécutrice. »
En vérité, une telle revendication s’inscrit dans une dynamique globale de nécessaire garde-fou pour une transformation profonde du cadre démocratique en Afrique, au regard de ce que le professeur Abdoulaye SOMA, agrégé en droit public, appelle « l’alignement des puissances législative, exécutive et judicaire ». Dans un article scientifique publié, en juillet 2014, dans la Revue du droit public et de la science politique en France et à l'Étranger, dont le litre est assez évocateur (Peuple Comme contre-Pouvoir), SOMA fait constater que « en Afrique, la séparation des pouvoirs est érodée. Les contre-pouvoirs se sont dissipés. Ni le parlement, ni le juge ne servent de contre-pouvoir à l’exécutif, dont les actes et décisions sont parfois entérinés quasi automatiquement et qui devient immodérément hypertrophique. » On chercherait le contre-pouvoir dans les partis politiques d’opposition qu’on se rendrait compte que l’opposition politique est tellement fragilisée qu’elle est incapable d’apposer des freins et contrepoids conséquents à l’excroissance des autorités de la majorité. « C’est le déclin du principe de la séparation des pouvoirs et du rôle des contre-pouvoirs. »
Pour lui, la principale cause est à chercher dans les constitutions africaines qui ont « ont réparti le pouvoir de telle sorte que le déséquilibre en faveur de l’exécutif est souvent manifeste dans la norme constitutionnelle elle-même. »
Dans un tel contexte, préconise-t-il, « l’équilibre doit plutôt être réalisé entre l’exécutif et le peuple, de sorte que le second remplace le législatif face au premier dans la mise en balance des pouvoirs. » Et ce nécessaire équilibre peut valablement être réalisé à travers l’institution d’un « dédoublement fonctionnel du peuple » pour laisser émerger, à coté du peuple-pouvoir, le peuple contre-pouvoir. Le peuple qu’il appréhende, non pas nécessairement comme l’ensemble des citoyens d’un État ; mais le peuple conçu comme le collectif des personnes jouissant de la capacité juridique d’action politique dans un État. Une telle recommandation vise à contrer « l’expansion assombrissante de l’exécutif et la léthargie étourdissante du législatif et du juridictionnel. »
Dans cette optique, il appelle, donc, le néo constitutionnalisme africain à donner un ancrage et un essor au peuple comme contre-pouvoir structurel. Ce dispositif constitutionnel doit avoir pour objectif de doter le peuple, à l’instar des contre-pouvoirs inspirés de la théorie de la séparation des pouvoirs par Montesquieu, de la « faculté de statuer et de la faculté d’empêcher. » La faculté de statuer est définie comme « le droit d’ordonner par soi-même, ou de corriger ce qui a été ordonné par un autre ;» tandis celle d’empêcher signifie « le droit de rendre nulle une résolution prise par quelque autre. » Ces facultés peuvent prendre la forme de diverses initiatives populaires et référendaires.
Professeur SOMA est convaincu que « la simple conscience de l’existence d’un contre-pouvoir du peuple amènerait les autorités politiques à se soumettre d’office aux règles constitutionnelles du jeu politique. La représentation psychologique d’un possible et décisif empêchement par le peuple contraindrait automatiquement les autorités politiques à une autolimitation, un refoulement personnel d’éventuelles tentations despotiques. Le contre-pouvoir du peuple serait comme une épée de Damoclès, qui par sa seule existence inspire la retenue, l’autodiscipline et l’autocensure politiques. »
DIORI Ibrahim
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