PREMIERES DAMES AU NIGER, REINES D’UN JOUR, REINES DE TOUJOURS !
À partir d’une constatation, celle des débuts de la reconnaissance et de l’institutionnalisation de la figure d’épouse de président au niveau international et africain, il m’a semblé pertinent de lancer le débat sur le cas des premières dames au Niger, sous deux angles. Le premier est d’analyser les Premières dames comme des acteurs, au même titre que d’autres, formels ou informels, de la vie politique. Le deuxième est relatif à la détermination des modalités de fonctionnement et des sources de financement de leurs actions.
Comme dira Christine Messiant, la position des Premières dames au cœur même d’un pouvoir d’État qui se veut démocratique est aujourd’hui privilégiée mais reste intrinsèquement ambiguë. Si elles n’en font pas formellement partie, elles le complètent, en revanche, en lui donnant une dimension ou une image apolitique, féminine et caritative. En le rapprochant du peuple, elles dotent le pouvoir présidentiel d’une face cachée, méconnue et humaine, deviennent des représentantes des femmes (notamment de leur émancipation) et sont l’expression de la promotion politique de la « société civile». Les Premières dames suscitent ainsi des représentations sociales et des attentes dans tous les secteurs de la société, au sein des élites comme parmi les couches populaires. Ces attentes touchent à des domaines extrêmement différents et ne sont en rien liées aux trajectoires personnelles des épouses de président. C‘est pourquoi, il convient de s’interroger sur les devoirs du pouvoir étatique envers la société, les sources et conditions de sa légitimité, et la place de la première dame dans la société et la politique.
Si nos premières dames (pour la plupart) n’exercent pas formellement de mandat politique quelconque, elles agissent dans l’informel politique, et ce à deux niveaux: d’un côté, la forte médiatisation de leur bienfaisance (Par exemple au Niger, pas un jour ne se passe sans qu’on ait une communication sur les actions d’une première dame en faveur des couches populaires) a un fort rendement politique d’autant que celle-ci s’inscrit dans les objectifs présidentiels ; de l’autre, plus discrètement mais de manière croissante, elle s’impliquent dans les luttes de clans et de personnes au sein du club des courtisans allant jusque dans la majorité présidentielle, se transformant en influentes et redoutables alliées. Ainsi, en 2009, on n’a pu voir une première dame martelée des pas de danse, au cours d’une manifestation culturelle de soutien à l’action politique de son époux.
Malgré une image apolitique qu’elles semblent refléter, traduisant une absence d’ingérence dans la chose politique, les premières dames se placent en tête de peloton dans la stratégie de communications en faveur de leur époux. Au Niger, la télévision publique et les sites officiels des multiples associations qu’elles patronnent ne cessent de valoriser les contributions de ces épouses modèles pour réduire les « souffrances du peuple ». Se pose évidemment la délicate question de l’intérêt de ces premières dames dans la conduite de toutes ces bonnes œuvres. Ainsi, On se rappelle de la fondation de Mme Clémence Aïssa Baré sous la IVéme République, la fondation « Magama » de Mme Laraba Tandja sous les Vème et VI ème Républiques et actuellement de la fondation « Tatali N’yali » de Mme Malika Issoufou. Le but commun de toutes ces fondations est d’être au centre des actions humanitaires en faveur des couches défavorisées et vulnérables. Mais ces œuvrent de bienfaisance semblent être limitées dans le temps, d’où la question de l’intérêt réel qu’elles procurent à leurs auteures. A l’évidence, ce ne sont que des moyens leur permettant une plus grande visibilité sociale et une façon cachée de battre campagne au profit de leurs époux. Ainsi, à la fin de la IVème République, la fondation de Mme Clémence Baré a disparu des projecteurs, il en est de même de la fondation « Magama » dont on entend plus parler. Il en sera certainement de même pour la fondation « Tatali N’yali » à la fin de la présidence d’issoufou. Car ces fondations se créent au gré des victoires électorales des époux. Le cas de Laraba Tandja et Malika Issoufou en est l’illustration éloquente. Aussi longtemps que leurs époux étaient à l’opposition, ces bonnes dames se sont gardées de toute action fut-elle humanitaire jusqu’à la consécration.
Notons enfin que les modalités concrètes du fonctionnement et du financement de ces actions, sont généralement laissées dans le flou. Pourtant, cette question mérite un intérêt certain, en vertu de la transparence dans la gestion des affaires publiques et la nécessité d’une séparation du domaine public des actions privées.
Ce billet suscite de nombreuses questions, en particulier celle de la polygamie comme c’est le cas au Niger avec deux premières dames. Ainsi, très souvent une certaine division du travail semble s’être imposée entre épouses sous la houlette du chef de l’État (Par exemple sous les Vème et VIème Républiques, une première dame était la marraine de lutte contre le Sida et l’autre marraine de lutte contre le Paludisme. Comme c’est le cas dans plusieurs domaines aujourd’hui). Même si parfois, on assiste à l’évitement de l’une ou l’autre épouse, telle que c’est fut le cas sous l’ère Tandja où Laraba était celle dont les actions étaient les plus médiatisées et aujourd’hui, Malika semble être plus présente sous les projecteurs médiatiques.
Il est à se demander, si, au regard de l’important dispositif budgétaire dont elles disposent, il n’est pas plausible au Niger, d’encadrer l’institution ou du moins le statut de la première dame en lui donnant un cadre légal d’action. En effet, par souci de transparence, la gestion d’une telle institution (qui est faite aujourd’hui dans une totale opacité) devrait prendre une forme comptable afin d’en dresser un bilan régulier, soumis annuellement au jugement de la Cour des comptes. Car qu’on veuille le reconnaître ou non, la fonction de première dame (puisque ça en est une) demeure dans l’informel, politique. En témoigne les déclarations de la première dame ivoirienne en 2001, «Mon mari a une très forte personnalité, moi aussi. Ce qui me donne un certain poids. Il m’écoute, c’est normal, sans pour autant que j’intervienne dans la formation du gouvernement. Tous les ministres ont du respect pour moi. Et on me situe souvent au-dessus d’eux. J’ai la trempe d’un ministre.»
Cette problématique ne se limite évidemment pas au cas Nigérien, puisque, ailleurs, sur le Continent, en Europe, en Amérique latine ou en Asie, une dynamique de même nature a pris forme faisant passer la Première dame de l’effacement à une visibilité accrue grâce à l’action humanitaire ou sociale et lui octroyant un rôle politique manifeste.
Bachirou Amadou
{jathumbnail off}
Commentaires
ce qui est dommage c'est monopoliser tout le temps d'antenne ce qui fait que t
C'est donc normal que ces organisations disparaissent car quand le pouvoir change de main, comme des mouches, les "bons" donateurs changent de camps!
Au finish, ces dames en acceptant les cadeaux empoisonnes rendent beaucoup plus vulnerable leur epoux a la coruption, il sera oblige de donner en contre partie certaines facilities qui ne sont generalement pas toujours en accords avec les lois de la bonne gouvernance!