G5 Sahel : Quel bilan 6 mois après le sommet de Pau? (Par Tidiane Sahelien)
Le G5-Sahel a été créé en 2014 sur la volonté des chefs d’Etat du Tchad, du Niger, du Burkina Faso, de la Mauritanie et du Mali afin de répondre conjointement à la menace terroriste qui est devenue régionale et ne concernait plus uniquement le Mali ou la Mauritanie. L’objectif ? S’allier pour renforcer la sécurité, ramener les acteurs du développement et devenir autonome en matière de lutte contre le terrorisme et être moins dépendant des grandes organisations (ONU, UA, UE…) ou des alliés historiques des pays africains (USA, UK, France…).
C’est en effet pour lutter contre le crime organisé, le trafic d’êtres humains et la menace djihadiste, mais également pour contribuer à la mise en œuvre du développement que le G5-Sahel a officiellement lancé, en 2017, une force armée conjointe. Transfrontalière, cette force agit principalement dans le Liptako-Gourma, un espace où s’affrontent les deux principaux groupes terroristes que sont le JNIM et l’EIGS, espace où ils commettent leurs exactions envers les populations et qui leur sert de zone de repli.
Le 13 janvier 2020 s’est déroulé le sommet du G5 Sahel à Pau, avec la présence des chefs d’Etats du G5 sahel et du président français. Au cours de ce sommet les acteurs ont réaffirmé la volonté commune de protéger les populations civiles, de défendre la souveraineté des Etats du G5, et de contrer l’expansion de la menace terroriste qui est l’une des conditions indispensables pour restaurer la paix et contribuer au développement. Le 30 juin, ils se sont de nouveau réunis, à Nouackchott (Mauritanie), afin de dresser un bilan.
Aujourd’hui qu’en est –il ?
Six mois plus tard, les opérations dans la zone des trois frontières, Mali-Burkina Faso-Niger se sont multipliées. Des centaines de terroristes, principalement de l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS), ont été mis hors d’état de nuire, de nombreux matériels ont été saisis et des territoires reconquis.
Depuis le début d’année, la situation au sahel semble avoir bien évolué. Les perspectives évoquées lors du sommet de Pau, et lors du sommet de Nouakchott, sont encourageantes. De nombreuses opérations peuvent être qualifiées de succès, elles ont permis de renforcer la sécurisation de certaines zones et selon les experts en défense et sécurité «inverser le rapport de force avec les groupes armés terroristes tels qu’AQMI ou l’EIGS ».
Ainsi, devant un besoin qualifié de « pressant dans la lutte contre le terrorisme » par le président de l’Union Africaine, les actions ne se sont pas faites attendre.
En effet, la France, en plus d’avoir augmenté les effectifs des soldats de la force Barkhane sur le terrain, en passant de 4500 à 5100, un Poste de Commandement Conjoint (PCC) s’est installé à Niamey, au Niger.
Ce PCC a pour objectif « l’harmonisation […], la systématisation des opérations conjointes et coordonnées avec les forces nationales, la force conjointe du G5 sahel (FC-G5S) et la Force Barkhane » précise le commandant nigérien de la FC-G5S, le Général NAMATA. Le travail du PCC permet de gagner en efficacité sur le terrain et de disposer d’une vision globale des opérations en cours, qu’elles soient de la force conjointe, des armées nationales ou de la force Barkhane. Ce mode de fonctionnement contribue ainsi à renforcer et prolonger les succès contre les ennemis communs. En effet, les opérations MONCLAR et SAMA illustrent parfaitement les succès tactiques. L’opération MONCLAR, qui précède l’opération SAMA a été conduite du 3 au 23 mars 2020, par la force conjointe (FC-G5 Sahel), les armées nationales et la force Barkhane. Cette opération aurait mobilisé plus de 5000 soldats provenant des différentes armées. La FC-G5 et les forces armées du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont opéré en parfaite coordination grâce au PCC. Cette opération conjointe a permis de déstabiliser les capacités logistiques des groupes armés terroristes, notamment de l’EIGS, dans la zone des trois frontières.
Quant aux armées nationales, elles ont également connu de nombreuses victoires lors d’opérations conduites en autonomie.
Au Niger le 1er février, les Forces Armées Nigériennes ont neutralisé 120 terroristes dans la région de Tillabéry. Au cours de cette opération « 10 motos et de nombreux équipements servant à la réalisation d’engins explosifs et à l’observation ont été saisis » indique le ministre de l’armée nigérienne dans un communiqué.
Au Tchad, du 31 mars au 8 avril, s’est déroulée l’opération « colère de Bohoma », en réaction à la mort de 98 soldats tchadiens qui ont perdu la vie face à une attaque terroriste surprise dans le camp militaire de Borno le 23 mars 2020. En l’espace de 6 jours, l’armée tchadienne, a neutralisé deux postes de commandement.
Au Mali, le 14 mai 2020, les Forces Armées Maliennes, ont neutralisé une vingtaine de terroristes à la frontière du Burkina Faso. Du matériel a également été saisi.
Au Burkina Faso le 19 mai, dans la localité de Wariberé, l’armée, plus précisément les GARSI (Groupe d’Action Rapide, Surveillance et d’Intervention) ont lancé l’assaut sur deux bases terroristes. Selon un communiqué, « cette attaque surprise, dans la province de Kossi a causé de lourdes pertes côté ennemi. 47 terroristes ont été abattus et une importante quantité de matériels a été détruit/saisi. Coté ami, deux gendarmes ont malheureusement perdu la vie et trois autres ont été blessés ».
Un autre succès majeur est sans doute la neutralisation du leader d’AQMI le 3 juin 2020, Abdel Malek Droukdel. Ce dernier était « membre du comité directeur d’Al-Qaida et commandant de l’ensemble des groupes djihadistes d’Afrique du nord et de la bande Sahélienne, dont le JNIM l’un des principaux groupes terroriste actif au sahel ». L’arrestation du vétéran djihadiste, Mohammed al Mrabat, un important cadre de l’EIGS, le 19 mai 2020 constitue également une victoire dans la déstabilisation de l’adversaire.
Dans l’ensemble, les opérations nationales et conjointes au cours des six derniers mois ont permis la neutralisation de plus de 480 terroristes, et l’arrestation de plus d’une centaine de combattants dans la zone des trois frontières. Les succès se mesurent aussi par l’importante quantité de matériels et de véhicules saisis perturbant ainsi la logistique des groupes armés terroristes et illustrant la professionnalisation et l’efficacité des « armées du Sahel ».
Il n’y a pas que sur le plan tactique et militaire que les victoires se succèdent. Le volet développement a également fait l’objet d’initiatives fructueuses. Le G5 sahel a encadré de nombreux projets visant à améliorer les infrastructures et les accès aux ressources, tout comme l’Alliance Sahel. Cette dernière entend aider les pays sahéliens à restaurer les bases de sociétés stables en faveur d’un développement et d’une paix durable.
Le développement de la région est ralenti par les problématiques sanitaires et socio-économiques que génère la pandémie de COVID-19, problématiques aggravées par la crise sécuritaire et humanitaire que connaît le Sahel. Malgré l’inquiétude de certains acteurs locaux d’une détérioration du volet humanitaire, les actions entreprises sont multiples et réelles:
- Au Burkina Faso, le Luxembourg et le Danemark cofinancent un projet WASH/EAH (Eau Assainissement et Hygiène) qui permet d’améliorer les conditions d’approvisionnement en eau propre et potable et qui fournit un dispositif d’assainissement amélioré, en partenariat avec l’UNICEF (853,18 millions de FFCA);
- Au Niger, via le projet ProGEM financé par EUTF et le Ministère fédéral de la coopération économique et du Développement (BMZ), des équipements de prévention ont été remis à 25 centres de santé et hôpitaux, 100.000 gants, 96.000 bavettes chirurgicales, 21.000 savons, 300 dispositifs de lavage de main et 250 thermomètres ont été distribués à différentes communes du pays ;
- Au Mali, au Niger et au Burkina, l’Agence Française de Développement (AFD) participe au financement de laboratoires locaux pour favoriser le dépistage de la maladie, la livraison de masques et autres matériels nécessaires à la sécurité et aux besoins sanitaires des populations.
En parallèle sont maintenus des projets d’envergure tels que l’électrification des centres urbains et ruraux du Mali et du Burkina-Faso. L’électricité étant une problématique majeure au sein des pays du G5 sahel, elle est un vecteur essentiel pour le développement socio-économique.
En résumé au cours de ces 6 derniers mois, les Armées du Sahel ont su faire preuve de courage et d’audace, elles en ont parfois payé le prix du sang mais elles continuent le combat. Aujourd’hui, « la victoire est possible » a déclaré une source étatique à l’AFP. Effectivement, que ce soit sur le plan sécuritaire ou en matière de développement, les acteurs de la lutte contre le terrorisme ont enregistré de très bons résultats : des centaines de terroristes arrêtés, mis en déroute ou tués, saisies importantes de matériels, sécurisation de nouveaux espaces n’en sont que quelques exemples. Les armées locales se sont illustrées par leur professionnalisme et la mise en application des formations dispensées par les pays partenaires. Le bilan du prochain point d’étape sera très certainement encore meilleur !
Tidiane Sahelien
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