Journée d'action citoyenne (JAC) du 11 mars : Déclaration des organisations de la société civile
Déclaration des organisations de la société civile à l’occasion de la manifestation du 11 mars 2018
Chers frères et sœurs,
Chers camarades,
Permettez moi tout d’abord de saluer votre extraordinaire journée d’action citoyenne d’aujourd’hui, la sixième du genre, qui montre que le peuple nigérien est effectivement résolu, comme le souligne le préambule de notre Constitution, à bâtir un État de droit garantissant l’exercice des droits collectifs et individuels, la liberté, la justice, la dignité, l’égalité, la sureté et le bien-être comme valeurs fondamentales de notre société.
La mobilisation d’aujourd’hui témoigne de votre attachement aux principes de la démocratie pluraliste et aux droits humains tels que définis par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981.
Cette mobilisation est une preuve supplémentaire non seulement de votre attachement indéfectible au principe fondamental de la souveraineté du peuple, au caractère démocratique et social de la République, mais aussi de votre opposition absolue à tout régime politique fondé sur la dictature, l’arbitraire, l’impunité, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, l’ethnocentrisme, le népotisme, le pouvoir personnel et le culte de la personnalité.
Ça fait aujourd’hui des mois que des milliers de personnes, des hommes et des femmes de tous les âges, manifestent, régulièrement, dans les rues des principales villes de notre pays ; et ce n’est ni le plaisir de manifester, ni pour les beaux yeux de quelques figures de la société civile ou de l’opposition, et surtout pas pour créer la fitna et la discorde dans le pays.
C’est contre l’injustice que nous manifestons, ayant la conscience claire que c’est elle, qui ouvre la voie à la fitna et à la discorde, chaque fois que des hommes et des femmes de bien, plutôt que de l’empêcher par leurs mains, de la condamner ouvertement par leurs bouches ou de la décrier dans leurs cœurs, l’observent impassiblement et la laissent se déployer partout jusqu’à devenir une norme.
Depuis des mois que nous manifestons, comme la Constitution de notre pays nous en donne le droit, les autorités en place n’ont jamais montré le moindre signe d’une disponibilité au dialogue auquel certains en appellent aujourd’hui. La semaine dernière, à cette même place de la Concertation, les principaux responsables des partis membres de la majorité présidentielle, ainsi que la quasi-totalité des ministres, étaient tous vent-débout, martelant que rien ne sera cédée sur la loi de finances 2018, qui est un des sujets de nos manifestations.
A la face du monde entier, le Président du PNDS Tarayya, Monsieur Bazoum Mohamed, parlant au nom de toute la majorité présidentielle, s’est évertué à nier les conséquences négatives de cette loi de finances sur la situation des ménages nigériens, en particulier les ménages les moins nantis, ceux qui peinent à manger à leur faim, à se soigner ou à éduquer leurs enfants. Cette loi ne comporte rien, affirme-t-il, qui puisse justifier la contestation dont elle est l’objet de la part de la société civile et de l’opposition.
Nous rappelons cela pour dire à nos respectables associations islamiques combien nous avons été surpris par leur déclaration d’hier à travers laquelle elles affirment, je cite : « Nous sommes les proies d’une diversion nationale d’envergure ayant pour but de détourner notre attention du vrai problème que constitue l’occupation du territoire national ». Nous sommes surpris parce que tout le monde sait que nous, organisations de la société civile, sommes depuis longtemps en première ligne pour dénoncer cette occupation, qui n’est pas le résultat d’une guerre de conquête, mais d’accords secrets signés par les autorités en place.
Chers camarades,
Vous qui avez l’habitude de répondre à chaque fois à l’appel de la société civile, vous qui suivez attentivement nos déclarations depuis au moins une année, vous savez que la défense de la souveraineté nationale est au cœur de notre combat ; tout comme d’ailleurs la sauvegarde de notre cohésion nationale au nom de laquelle certains veulent que nous cessions de manifester. La lutte que nous menons contre la loi de finances 2018 est une lutte contre l’injustice ; et face à l’injustice, il n’y a rien de plus légitime que d’user de son droit de manifester.
Cette loi de finances 2018 est une injustice grave disons-nous ; car, elle accorde des cadeaux fiscaux aux compagnies étrangères et aux opérateurs du secteur des hydrocarbures, alors que les contribuables les moins nantis sont accablés d’impôts et de taxes. Comme l’ont souligné les associations islamiques dans leur déclaration d’hier, « ce que la loi de finances 2018 pourrait apporter comme ressources au budget de l’État, une gestion efficiente de nos ressources naturelles en apporterait surement plus ».
Cette vérité, c’est une tradition des organisations de la société civile de la rappeler sans cesse ; et cela depuis plusieurs années que nous dénonçons les accords léonins signés par les princes qui nous narguent avec les compagnies étrangères. C’est pourquoi, nous ne comprenons pas qu’on nous dise que notre devoir de citoyens est de ne pas nous insurger contre les dirigeants même s’ils sont injustes ou refusent de nous accorder nos droits. La résignation à laquelle certains nous invitent ne fait partie ni de nos croyances religieuses, ni de nos convictions intimes.
C’est pourquoi, nous avons, depuis décembre 2016, établi une plate-forme revendicative citoyenne à travers laquelle nous avons clairement pris la résolution de ne pas rester impassibles face à :
-L’arbitraire, l’impunité, l’injustice, la corruption, la concussion et le népotisme, qui ont pris une ampleur jamais égalée dans le pays, et sont même en passe d’être érigées en « normes » dans la gestion des affaires publiques à tous les niveaux ;
-Les atteintes aux droits économiques et sociaux des citoyens à travers notamment des mesures de déplacement forcé de populations, l’interdiction et la criminalisation d’activités économiques légales, la confiscation et la destruction sans indemnisation des biens privés, la destruction sans indemnisation des installations commerciales dans les centres urbains, les obstacles et restrictions à la libre circulation des personnes, l’expropriation sans indemnisation préalable, etc. ;
-La dégradation des conditions de vie des populations nigériennes, tant dans les villes que dans les campagnes, en raison de l’extrême vulnérabilité des systèmes de production aux chocs climatiques, de la persistance du chômage de masse, en particulier chez les jeunes et les femmes, de la cherté des denrées de base, de la déliquescence et de la marchandisation des services essentiels ;
-La déliquescence progressive des systèmes d’éducation et de santé, la faible qualité et la marchandisation des prestations, et l’aggravation des difficultés d’accès pour les plus pauvres, qui résultent du faible niveau de financement public ;
-La dégradation de la situation sécuritaire dans le pays, qui entraine une véritable catastrophe humanitaire, d’énormes pertes en vies humaines dans les rangs des forces de défense et de sécurité, des violations graves des droits humains, une augmentation sans précédent des dépenses militaires et de sécurité, ainsi qu’une présence militaire étrangère accrue portant atteinte à la souveraineté de notre pays.
Chers camarades,
Comme nous l’avons répété dans toutes nos déclarations antérieures, notre lutte n’a fait que commencer ; elle va se poursuivre et s’intensifier au cours des prochains jours. Elle fait peur, et nous savons maintenant que ce n’est pas seulement à ceux qui nous narguent, ceux qui ont ruiné et vendu le pays et qui veulent aujourd’hui que nous acceptions les mesures antisociales contenues dans la loi de finances 2018 pour leur permettre de garder leur train de vie. Cette lutte fait peur à tous ceux qui veulent voir le pays se figer, l’histoire s’arrêter ; ceux qui ne veulent pas voir le peuple se battre pour ses droits, qui considèrent que les marches entravent le développement plus que le pillage auquel s’adonnent nos princes, plus que les injustices qui prospèrent partout.
Le 28 février 2018, le Ministre des finances, Monsieur Hassoumi Massaoudou, l’homme au cœur de l’affaire de l’uraniumgate, celui-là même qui a parrainé les négociations qui ont permis à AREVA de bénéficier d’un soit-disant accord de partenariat stratégique, lui permettant d’exploiter notre uranium à ses propres conditions, a déclaré devant un parterre de partenaires techniques et financiers que le gouvernement ne cédera rien sur la loi de finances 2018. Le 4 mars 2018, le Ministre Bazoum Mohamed, a déclaré, au cours d’un meeting tenu ici même à la Place de la Concertation, que le gouvernement ne reculera pas face à notre mouvement.
Eh bien, nous disons qu’à partir d’aujourd’hui les ténors du régime en place n’ont plus qu’un seul choix : réviser leur loi de finances 2018 ou dégager.
Nous savons qu’ils fiers d’avoir réussi, au cours des sept (7) dernières années, à briser tous les tabous, à commencer par la sacralité de la vie humaine. Jamais aucun régime au Niger n’a tué autant de personnes au cours de manifestations de rue ; jamais aucun régime n’a arrêté et détenu, de façon arbitraire, autant de personnes que ces dernières années; jamais aucun régime n’a aliéné autant la souveraineté du pays en invitant des forces étrangères à venir s’installer dans le pays ; jamais aucun régime ne s’est montré aussi servile face aux compagnies minières et pétrolières, et aux multinationales des télécommunications ; jamais aucun régime n’a osé mener une guerre aussi cruelle contre les petits commerçants dont les kiosques sont démolis, contre les petits orpailleurs déguerpis des sites aurifères partout, contre les migrants traqués et spoliés ; jamais aucun régime n’a osé entreprendre un déplacement forcé de milliers de personnes comme ce fut le cas dans le bassin du lac Tchad ; jamais aucun régime n’a réussi à caporaliser et instrumentaliser autant la justice ; jamais aucun régime n’a réussi à semer autant la discorde partout et dans tous les domaines, y compris la religion.
Ça serait fastidieux de citer ici toutes les choses que le régime en place a réussi et qu’aucun autre n’a parfois même pas osé envisager ; permettez moi seulement, en votre nom à tous et toutes, de transmettre aux ténors du régime en place ce petit message : « Les Nigériens et Nigériennes ont enduré trop d’injustices depuis sept (7) ans, vous leur avez imposé trop d’épreuves et de mesures impopulaires en usant de la force ; cette fois-ci, vous allez devoir ravaler votre orgueil et vous plier devant leur mobilisation contre cette satanique loi de finances 2018 et le bradage de la souveraineté nationale. Si cela ne vous est pas possible, alors dégagez, dégagez vite».
En tout cas, rendez-vous est pris pour le 25 mars 2018, pour une nouvelle Journée d’action citoyenne. Le 15 mars 2018, journée internationale des consommateurs, nous invitons tous les citoyens à observer une journée ville morte sur l’ensemble territoire nationale.
Tous unis nous vaincrons !
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