Alpha, de Guinée Conakry, 16 ans : "J’ai passé trois mois dans un camp à Sabratha, j’ai vu des gens mourir de faim"
Je m’appelle Alpha, j’ai 16 ans. Je viens d’arriver en France à Grenoble après avoir passé plus d’un an sur la route. Aujourd’hui, je suis fatigué. Je veux arrêter de marcher, tout ce que j’ai traversé, c’est trop lourd. J’aimerais reprendre mes études en France.
Je suis parti de Guinée Conakry, fin 2015, pour des raisons politiques, je viens d’un quartier assez connu là-bas, Hamdallaye, connu pour être un fief de l’opposition. J’ai traversé le Mali, le Burkina Faso puis j’ai rejoint le Niger. Je n’avais plus d’argent quand je suis arrivé à Agadez, j’ai dû travailler pendant un mois pour payer les passeurs. J’avais peur de faire le trajet vers la Libye depuis le Niger. J’avais entendu parler des pick-up dangereux qui traversaient le désert et dans lesquels les gens mourraient de soif, de faim.
Alors j’ai préféré passer par l’Algérie. J’ai réussi, puis je suis allé en Libye, ça n’a pas été facile de passer la frontière mais je me suis bien débrouillé. Là-bas, en Libye, ce fut l’horreur. Je suis resté trois mois dans un camp à Sabratha. J’ai vu des gens mourir de faim sous mes yeux. On ne nous donnait rien à manger ou si peu. On ne faisait que nous frapper.
J’ai tenté une première fois de traverser la Méditerranée. Je me rappelle qu’il faisait nuit. A 1h du matin, quand nous avons été au large, des hommes armés ont volé notre moteur. Nous avons dérivé. Il a fallu attendre 13 heures dans l’eau avant d’être sauvés. C’est un bateau de pêche qui nous a trouvés. Il nous a ramené en Libye. J’ai retenté le passage deux semaines après. Cette fois c’est un navire militaire avec un drapeau espagnol et un drapeau de l’Union européenne qui nous a sauvés.
Je suis arrivé à Syracuse, en Sicile [dans le sud de l’Italie], puis on m’a transféré dans un centre d’accueil à Bologne, et ensuite à Reggio d’Emilia. Je suis resté 6 mois là-bas, sans rien faire. Il n’y a avait rien à faire. Je ne voulais pas demander l’asile. J’étais logé dans un hôtel. Un matin, j’en ai eu marre et je suis parti. J’ai pris le train pour aller à Vintimille [à la frontière italo-française].
J’ai essayé quatre fois de passer en France par le train. Quatre fois, je me suis fait reconduire en Italie. La cinquième fois, j’ai réussi. Le train m’a emmené directement jusqu’à Marseille. J’ai dormi trois jours dans la gare, je ne savais pas quoi faire. Puis j’ai rencontré un inconnu, par hasard. Il m’a conseillé d’aller à Grenoble et de contacter l’association Adate. C’est ce que j’ai fait. Je suis logé dans un hôtel, comme en Italie. J’attends. Pour l’instant il ne se passe rien. Tout ce que je veux, c’est rester ici maintenant. Et reprendre mes études.
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