Offensive contre Boko Haram: le Niger présente le plan de bataille
Après l'attaque meurtrière de Boko Haram sur la ville de Bosso il y a une semaine, la riposte se met en place. Le Niger et le Tchad vont lancer, en coordination avec le Nigeria et le Cameroun, une contre-offensive dans les plus brefs délais.
L’attaque de Bosso n’est rien d’autre qu’une opération miliaire montée par des professionnels de Boko Haram. Ainsi s’exprimait le ministre de la Défense nationale Hassoumi Massoudou, qui a démenti tout pillage de la ville. Quant aux deux autres postes militaires, ils sont complètement partis en fumée : « Les camps militaires, comme vous voyez le feu qui s’est abattu dessus, vous voyez les véhicules broyés, les véhicules et tout ce qui restait en place est complètement broyé ».
Depuis l’attaque de vendredi dernier des renforts arrivent dans la zone, des forces spéciales du nord du pays et de l’intérieur convergent sur Bosso : « Là, actuellement, à Bosso ce sont des forces spéciales qui sont là-bas. Nous avons fait partir du nord de la région de Tilia d’autres forces spéciales. Aujourd’hui elles sont avec le chef d’état-major des armées qui est actuellement à Bosso avec ces forces spéciales là. Nous avons des forces spéciales de la garde nationale qui ont quitté, qui sont en route ».
Combattre au Nigeria
La stratégie exposée par le ministre nigérien de la Défense est claire. Elle est de porter durablement le combat au nord du Nigeria, dans le bastion des insurgés, a expliqué Hassoumi Massaoudou lors d’une conférence de presse ce jeudi 9 juin.
Car il s'agit de tirer les leçons du passé. En mars 2015, le Niger et le Tchad avaient déjà mené une opération conjointe dans cette zone. Plusieurs villes nigérianes avaient alors été reprises à Boko Haram. Les deux forces avaient fini par se retirer, sans être remplacées par celle du Nigeria. Les insurgés étaient alors rapidement revenus dans leurs fiefs du nord-est nigérian, une région d'où ils continuent aujourd'hui de lancer des attaques sanglantes dans les zones frontalières. Cette fois-ci, a prévenu le ministre nigérien de la Défense, « quand nous irons avec l’armée tchadienne, nous ne reviendrons plus. »
Pour Hassoumi Massaoudou, il faut donc que les troupes nigériennes et tchadiennes « occupent » le nord du Nigeria, pour former un cordon de protection qui permettra de sécuriser les populations des zones frontalières. « Cela va permettre à nos populations qui sont déplacées dans la zone de revenir dans leurs villages, parce que la guerre sera portée de l’autre côté. Nous aurons ce qu’on appelle une profondeur stratégique », a précisé le ministre nigérien de la Défense. « Quand on était là-bas, il n’y avait pas eu d’attaque au Niger », a-t-il fait valoir.
Mais l'opération ne s'arrêtera pas là, explique le ministre de la Défense : le Nigeria lancera un mouvement depuis le sud, et le Cameroun depuis le flan est pour prendre les insurgés en tenaille.
Cette offensive conjointe se fera sous le commandement de la force mixte des pays riverains du lac Tchad dirigée par le général nigérian Lamidi Adeosun. Hassoumi Massaoudou a par ailleurs rappelé que l'autorisation d'occuper le nord du Nigeria est acquise depuis longtemps à travers divers accords multilatéraux.
? Au Niger, l’opposition divisée sur l’aide tchadienne
Mardi, le président Mahamadou Issoufou a rencontré à Ndjamena Idriss Déby Itno pour lui demander son aide. Comment ce soutien tchadien est-il perçu par l'opposition nigérienne? Une partie de l'opposition se sent frustrée, humiliée tandis qu'une autre comprend ce coup de main tchadien.
Ousseini Salatou, président du Rassemblement des démocrates nigériens, le RDN-Labizé, et porte-parole de l’opposition, explique ce double sentiment de soulagement et de frustration : « C’est un soulagement, mais en même temps nous sommes frustrés. Le Niger a toujours su se défendre et l’armée nigérienne a une certaine autorité dans la sous-région. Par ricochet, c’est tout le peuple nigérien qui subit cette humiliation ».
Que le président Issoufou se rende à Ndjamena pour demander le soutien d'Idriss Déby reste en travers de la gorge d'Issoufou Bachard, le président de l'Alliance pour la démocratie et le progrès : « Qu’il aille au Tchad pour demander l’appui des Tchadiens, ça veut dire que les militaires nigériens sont incapables. C’est une humiliation contre l’armée nigérienne. En fin de compte, on verra que plus de la moitié de l’argent dépensé a été détourné, c’est sûr ».
« Sachons raison garder », dit Ali Sabo, le vice-président du MNSD. Pour lui, le Niger a un accord avec le Tchad, il le fait jouer, c'est normal : « Dans la démarche globale et dans le cadre des accords que nous avons avec le Tchad, je ne vois pas quel problème il y a à ce que des Tchadiens ou des Nigériens participent de part et d’autre à des combats contre un adversaire commun. Puisque nous avons une alliance commune, nous avons une organisation commune dans ce sens-là ».
Certaines voix pourraient s'élever pour réclamer un débat à l'Assemblée nationale.
RFI
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Q'Allah b