Le Premier ministre devant les députés pour un vote sans risque en faveur de la présence des forces étrangères au Niger
Le Premier ministre et Chef du gouvernement Ouhoumoudou Mahamadou est, ce vendredi 22 avril, à l'Assemblée nationale pour solliciter la confiance des députés sur la présence des forces étrangères au Niger dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel. A vrai dire, il s'agira pour le gouvernement d'ouvrir la voie au redéploiement annoncé du Mali au Niger, des forces française Barkhane et européenne Takuba, tout en légitimant la présence des bases déjà présentes comme celles accueillant les soldats américains, allemands ou italiens. ce que conteste l'opposition, la société civile et une large partie de l'opinion mais qui est sans risque pour le gouvernement qui dispose d'une majorité confortable au Parlement. Le seul enjeu, c'est de parvenir à rassurer les partenaires et peut-être convaincre les populations, ce qui est loin d'être gagné et promet des débats houleux au Parlement.
Selon les termes du texte adopté par le gouvernement en Conseil des ministres le 22 mars dernier, sur lequel le Premier ministre va solliciter la confiance des députés, cette révision vise à "compléter les dispositions de l'axe 1 de la Déclaration de politique générale du gouvernement en indiquant clairement, tout en restant dans le cadre des dispositions constitutionnelles, la possibilité pour notre pays de nouer des alliances les plus larges possibles pour lutter contre le terrorisme, d'accueillir sur son sol les forces alliées et de les faire participer aux opérations militaires conjointes".
Dans le document soumis aux députés, un document de huit (8) pages et composé de trois (3) paragraphes, le gouvernement motive cette révision de sa Déclaration de Politique Générale, un an après son adoption, par le contexte sécuritaire actuel avec l'amplification des défis sécuritaires et surtout avec le retrait de ces forces du Mali, ce qui va accroitre la pression sur le pays. "Notre pays est quasiment encerclé par les groupes terroristes. Malgré les efforts déployés pour contenir la menace aux abords de nos frontières, le bilan humain et économique est lourd", peut-on ainsi lire. Aussi, le document explique que «l'évolution de la situation sécuritaire requiert un engagement commun des gouvernements de notre pays et d'autres nations pour une lutte efficace contre le terrorisme, dans le cadre de coopérations bilatérales ou multilatérales existantes ou futures».
Une démarche contestée par l'opposition
La procédure est prévue par l’article 107 de la Constitution, qui dispose, entre autre, que: «le Premier Ministre peut après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Le texte est considéré comme adopté s’il recueille la majorité absolue des votes». L'article 108 précise que "lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure, désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement ou lui refuse sa confiance à l'occasion du vote d'un texte, le Premier ministre remet au Président de la République la démission du gouvernement".
Avec sa majorité confortable de 139 députés contre 31 pour l'opposition, le gouvernement a toutes les chances d'obtenir la confiance de l'Assemblée nationale même si, selon l'opposition qui exige un référendum sur la question, cette manœuvre du gouvernement ne vise «qu' à contourner l'obligation de communiquer aux députés nationaux les textes relatifs aux accords de défense et de sécurité, au titre de la régularisation du redéploiement des forces Barkhane et Takuba au Niger».
Il est vrai que les députés ne vont pas débattre ou voter directement sur la présence ou non des forces françaises et alliées dans le cadre d'accords de défense, mais plutôt un texte plus global dans lequel cette possibilité est offerte au gouvernement en terme "d'alliances contre le terrorisme". Comme on le dit, le diable se cache dans les détails...
Une présence contestée par la société civile et par une large partie de l'opinion publique
Pour le gouvernement et sa majorité, cet exercice que l'on qualifie de "démocratique" vise avant tout à donner une dose de légitimité et un semblant de légalité aux accords qui, de toute évidence, vont être paraphés avec la France, les pays européens ainsi que les autres alliés engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. C'est d'ailleurs de Paris que le président français Emmanuel Macron avait annoncé en premier, en février dernier juste après la décision de faire quitter Barkhane et Takuba du Mali, "avec l’accord des autorités nigériennes, des éléments européens seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali". C'est aussi sur la radio française RFI que le Chef de la diplomatie française avait annoncé que l'accord de l'Assemblée nationale sera sollicitée en prélude à la conclusion de ce texte.
Avec ce vote de confiance des "représentants du peuple", le gouvernement va pouvoir rassurer ses partenaires qui ne sont pas sans s'inquiéter de la montée en puissance de la contestation des populations contre cette présence surtout des soldats français. Il faut l'avouer, en plus de l'opposition, dont la position est de principe, une large partie de la société civile ainsi que de l'opinion est contre "la présence des bases étrangères et surtout des soldats de Barkhane au Niger". Les évènements de Téra de novembre dernier où des populations se sont opposés au passage d'un convoi de ravitaillement de Barkhane avec à la clé trois (03) morts et une vingtaine de blessés. Le gouvernement a qualifié ces manifestations de "manipulations", mais à Paris ou Bruxelles, cela n'est pas passé inaperçu et le vent de contestation qui s'amplifie dans la sous-région a de quoi susciter des inquiétudes et pousser à la prudence avant tout nouvel engagement. L'autre enjeu, donc, le vrai au delà du vote qui est de toute évidence acquis, c'est de convaincre l'opinion et cela est loin d'être gagné d'avance. Le gouvernement l'a bien compris et a su bien manœuvrer avec cette démarche et pour se faire, malgré l'avantage du nombre au Parlement, il a bien pris soin de ne prendre aucun risque. le chef du gouvernement Ouhoumoudou Mahamadou à qui incombe la responsabilité de mener la charge ce vendredi au Parlement lors des débats qui s'annoncent des plus houleux, a réuni en milieu de semaine l'ensemble des députés de la majorité pour resserrer les rangs.
Au delà du vote de confiance, donc, les débats au sein de l'hémicycle vont permettre à l'opinion de savoir qui est qui, qui di quoi et surtout permettre à la majorité de consolider ses rangs et d'engager tous les alliés dans cette nouvelle voie où il ne s'agit plus d'accueillir des "partenaires militaires pour la formation, l'équipement et le renseignement au profit de nos forces de défense et de sécurité", mais bel et bien d'accueillir des soldats et des bases sur le sol nigérien pour des opérations conjointes contre les groupes armés terroristes (GAT).
Combien de soldats, de bases et durant combien de temps? Là, il va falloir repasser et cela vaut même pour les députés qui vont pourtant se prononcer pour ouvrir ou pas la brèche...
A.Y.Barma (actuniger.com)
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