Dialogue politique : Le pouvoir tend la main, l’opposition décline et pose ses conditions
L’opposition politique a une fois de plus boycotté le Dialogue politique en préférant la stratégie de la chaise vide à la réunion préparatoire de la prochaine session du Conseil national de dialogue politique (CNDP) qui devrait se tenir hier dimanche dans la soirée au cabinet du premier ministre.
Le chef du gouvernement, président du CNDP, avait pourtant adressé, le vendredi 15 décembre, une convocation au chef de file de l’opposition politique avec comme principal objet, « la reprise du dialogue politique ». Selon la lettre du premier ministre Birgi Raffini, laquelle n’a pas nommément cité son destinataire autrement dit le chef de file de l’opposition en question, la rencontre devrait permettre à la majorité et au pouvoir d’accorder leurs violons sur les conditions de la reprise du dialogue politique. Cinq membres de la majorité et cinq autres de l’opposition devraient y prendre part à la réunion préparatoire qui devrait également se pencher sur des sujets relatifs à la prochaine session ordinaire de l’Assemblée nationale, la session budgétaire qui va s’ouvrir en octobre prochain.
A vrai dire, l’absence de l’opposition à la rencontre du dimanche n’était vraiment pas une surprise car en plus du fait que depuis fort longtemps, le dialogue a été rompu entre les deux parties, la réponse du « chef de file de l’opposition » à la convocation du premier ministre présageait son boycott. Moins de 24 H après réception de la lettre, le président du Front pour la Restauration de Démocratie et la Restauration de la République (FRDDR), Amadou Djibo Ali qui agissait par délégation du « chef de file de l’opposition », a en effet répondu à Birgi Raffini. « L'opposition salue cette initiative qui traduit notre volonté commune de créer les conditions d'un dialogue politique sain et inclusif dont la nécessité est apparue à tous à l'occasion de notre précédente rencontre » avait souligné de prime abord la lettre de réponse. Cependant, a rappelé le président du FRDDR à l’attention du président du CNDP, « il vous souviendra que nous avions rappelé que votre gouvernance a mis à mal les libertés publiques et la démocratie au Niger. C'est pourquoi nous avons jugé utile d'un commun accord, que soit trouvé ce cadre inclusif dans lequel il serait possible de procéder à des échanges francs et sincères et qui, sur base d'un état des lieux consensuel devrait nous amener à convenir des modalités appropriées pour restaurer la démocratie et la confiance entre nigériens ».
« Nous pensons que ce cadre de dialogue inclusif doit nécessairement être conçu et mis en service en présence de témoins sincères et crédibles » a fait part l’opposition dans sa lettre qui fait savoir que c’est à l'issue de cette rencontre que la mise en œuvre d’un dispositif de suivi garantissant la mise en œuvre des conclusions de ces assises devrait être créé et doté d'un chronogramme bien établi sous la haute attention des témoins. « A l'évidence, le format tel que suggéré par votre lettre est non conforme aux conclusions de notre rencontre, parce que non inclusif » a fait remarqué l’opposition pour qui, « c'est seulement lorsque cette phase aura été franchie, qu’il serait alors loisible aux acteurs politiques de se retrouver en toute sérénité nu sein du CNDP et de débattre profitablement des questions soumises à son examen ».
La messe est dite donc et l’opposition n’entend point participer à un quelconque dialogue avec la majorité dans les conditions actuelles c'est-à-dire sous l’égide d’un CNDP qu’elle a déjà accusé de jouer le faire-valoir du pouvoir notamment lors des sessions ayant portées sur la réforme du code électoral que l’opposition avait boycotté laissant libre cours à la majorité qui est passée outre.
Cependant, à travers cette main tendue qui suscite bien des commentaires au sein des opposants sur son opportunité, il y a des signes qui montrent que peut-être on s’achemine progressivement vers la reprise du dialogue bientôt. A quel fin ? Rien n’est sûr pour le moment mais en politique rien n’est fortuit également et l’opposition le sait plus que quiconque. Cependant, à l’heure actuelle, c’est la volonté de la majorité à réunir les conditions d’un dialogue sincère qui est mise à rude épreuve. Le premier ministre va-t-il tenir compte des exigences de l’opposition pour l’amener enfin à la table des négociations ou cette dernière finira-t-elle par revoir ses ambitions à la baisse ? L’un dans l’autre, il va falloir y faire des concessions de part et d’autre si réellement la volonté de rependre le dialogue exprimée par les deux parties dans leurs missives est sincère. A moins qu’il ne s’agisse, comme le supposent certains, d’une manœuvre de la majorité pour montrer qu’elle est ouverte au dialogue en sachant bien que l’opposition n’y participera pas en l’état actuel des choses car depuis le divorce entre les deux parties, rien n’a évolué dans le sens de l’apaisement que revendique l’opposition, c'est-à-dire entre autres la fin des arrestations qui visent particulièrement leurs militants. Les prochains jours seront édifiants avec le débat que cette volonté affichée du premier ministre de reprendre langue avec l’opposition a suscité au sein de l’opinion…
A.Y.B