REJET DU CHRONOGRAMME ELCTORAL PAR L’OPPOSITION NIGERIENNE : Jeu trouble sur les rives du Niger
A six mois de la tenue de la présidentielle au Niger, le chronogramme électoral cristallise déjà toutes les attentions au pays de Mahamadou Issoufou. A peine rendu public par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) que l’opposition nigérienne le rejette en bloc, estimant qu’il n’y a pas eu de consensus autour de ce calendrier électoral. En effet, ce chronogramme électoral fixe la tenue de la présidentielle avant celle des élections locales et législatives. Or, l’opposition souhaite le contraire. Elle va même plus loin en émettant des doutes sur la sincérité du recensement électoral.
Et pour ne rien arranger, elle récuse également la Cour constitutionnelle. Pour Mahamane Ousmane, leader de l’opposition, la CENI semble avoir perdu la lettre « i », car elle n’est pas si indépendante à ses yeux. «Si tant est qu’on veuille avoir des élections qui soient libres, transparentes et honnêtes, la base doit être claire », estime-t-il. L’opposition nigérienne serait-elle piquée par le virus de l’opposition guinéenne? Elle qui réclame à cor et à cri la tenue de la présidentielle avant les locales.
En tout cas, tout laisse croire que l’exemple de l’opposition guinéenne fait des émules. Et l’on pourrait comprendre le combat de l’opposition nigérienne, même s’il pourrait manquer de base juridique, contrairement à celui de l’opposition guinéenne qui est fondé sur un accord politique signé en 2013. Sous nos tropiques, les résultats de la présidentielle ont généralement un effet d’entraînement sur les autres scrutins. Il est de notoriété publique que le parti qui remporte la présidentielle est celui qui engrange ensuite le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale.
On a le sentiment que le combat de l’opposition est beaucoup plus fondé sur des calculs politiciens que sur une base objective
En tout cas, tous les partis présidentiels travaillent à ce que le président élu soit conforté par une écrasante majorité au Parlement, de façon à lui permettre de gouverner sans trop de difficultés. Et les oppositions africaines ont bien compris cela. C’est pourquoi, de plus en plus, certaines exigent la tenue des élections locales avant la présidentielle. Et pour le bien de la démocratie, c’est le chronogramme idéal. Il permet d’éviter les calculs politiciens, les retournements de veste pour ne pas dire le nomadisme politique qui a pignon sur rue en Afrique. Toutefois, s’il y a des points d’achoppement sur les calendriers électoraux, c’est bien parce que nos textes en la matière comportent bien des lacunes. Des insuffisances parfois créées de façon délibérée pour permettre au prince régnant de ruser avec les textes. Des lacunes qui permettent aussi à certains opposants de plonger plus facilement leur barbichette dans la soupe du prince régnant. C’est lorsque le pouvoir s’en sert pour opprimer le camp d’en face que des opposants montent sur leurs grands chevaux pour crier à la forfaiture. Sinon, comment comprendre que de telles questions ne puissent pas être réglées par nos Constitutions ? Dans les Etats où la démocratie est avancée, de telles questions ne se posent pas, car les textes sont assez clairs et précis sur l’organisation des scrutins. Cela dit, l’opposition nigérienne doit d’abord s’en prendre à elle-même, pour n’avoir pas fait constitutionnaliser le chronogramme électoral.
D’ailleurs, on est en droit de s’interroger sur le bien-fondé de sa récusation de la Cour constitutionnelle qui, jusqu’à preuve du contraire, aura fait preuve d’indépendance et de responsabilité sous les précédents régimes. On se rappelle que c’est cette même Cour qui s’était opposée par trois fois, au projet de référendum de Mamadou Tandja, pour modifier la Constitution en vue de briguer un troisième mandat pour, avait-il dit, achever ses chantiers. Un courage rarissime sur le continent noir, qui lui avait d’ailleurs valu d’être dissoute par le tyran nigérien. Que reproche l’opposition à cette Cour? Peut-elle être défendable ? En vérité, on a le sentiment que le combat de cette opposition est beaucoup plus fondé sur des calculs politiciens que sur une base objective. Cela est d’autant vrai qu’elle rejette pratiquement toutes les principales institutions chargées d’organiser et de valider les élections.
En tout état de cause, son attitude ressemble à une sorte de prolongation du bras de fer qui opposait l’ancien président de l’Assemblée nationale, Hama Hamadou, au régime de Mahamadou Issoufou. Et si tel était le cas, il faudrait bien le déplorer, car le Niger n’a pas besoin de cela, dans le contexte actuel où le pays fait face au péril djihadiste. Toutefois, il ne coûte rien au pouvoir en place d’accéder à la requête de l’opposition. Car, quels que soient les résultats des locales, ils ne peuvent pas bloquer le fonctionnement des institutions de la République, étant donné qu’il ne s’agit pas des législatives. Tout le mal que l’on peut souhaiter à l’opposition nigérienne, est que le président Mahamadou Issoufou n’emboîte pas le pas au président Alpha Condé qui, jusque là, est resté sourd aux revendications et aux supplications de son opposition.
Dabadi ZOUMBARA
Le Pays
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