Mandat d’arrêt international contre Kemi Seba : l’activiste défie la justice béninoise et charge frontalement Patrice Talon et Emmanuel Macro

Trois jours après l'annonce d'un mandat d'arrêt international à son encontre, l'activiste franco-béninois Kemi Seba, également conseiller spécial du président nigérien Abdourahamane Tiani, a riposté dans une vidéo virulente publiée ce dimanche sur son compte X. Dans son intervention, il défie ouvertement la justice béninoise et accuse frontalement le président Patrice Talon et son "parrain" Emmanuel Macron.
Le mandat d'arrêt avait été émis le jeudi 12 décembre, cinq jours après la tentative de coup d'État déjouée contre Patrice Talon. La justice béninoise reproche à Seba, président de l'ONG Urgences Panafricanistes, "apologie du terrorisme" et "incitation à la révolte". Selon une source judiciaire, il encourt entre deux et cinq ans de prison, assortis d'amendes pouvant atteindre dix millions de francs CFA.
À l'origine de cette procédure, une vidéo publiée le 7 décembre, dans laquelle Seba se félicitait du prétendu renversement du président béninois et laissait entendre qu'une nouvelle tentative pourrait être envisagée si Talon ne « se remettait pas en question. » « Le Bénin libre ou la mort », déclarait-il, dénonçant humiliation et oppression économique du peuple béninois.
Dans sa réplique, Seba adopte un ton railleur, moquant le mandat : « Quelle erreur stratégique monumentale du camp néocolonial ! », dit-il, affirmant que cette décision n’aura « strictement aucune incidence » sur lui. Selon lui, il agit depuis longtemps avec toutes les précautions nécessaires dans ce qu’il appelle son « combat géopolitique » contre les « esclaves dociles de la plantation néocoloniale néolibérale ».
Accusations et contexte politique
L’activiste entreprend ensuite de replacer, selon ses mots, la situation dans son contexte. Il dresse un réquisitoire sévère contre Patrice Talon, qu’il qualifie de "prédateur économique absolu". Kemi Seba affirme que le président béninois aurait, bien avant son accession au pouvoir en 2016, exercé un contrôle économique sur le pays, avant de s’engager, une fois élu, dans une "vendetta politique". Il rappelle qu’en octobre 2012, Patrice Talon avait lui-même fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour tentative de coup d’État et d’empoisonnement présumés contre l’ancien président Thomas Boni Yayi.
Dans sa vidéo, Kemi Seba accuse le chef de l’État béninois d’avoir instauré un régime d’exclusion politique systématique, affirmant que depuis 2016, aucune opposition crédible n’aurait été autorisée à se présenter aux élections présidentielles. Il va plus loin en l’accusant d’être responsable de la mort de "plusieurs centaines de Béninois" lors des violences électorales de 2019 et 2021, des citoyens qui, selon lui, ne réclamaient que le droit de voter librement.
Comparant la gouvernance du Bénin à celle d’une entreprise, il décrit Patrice Talon comme un dirigeant soucieux de "présenter une belle vitrine à l’extérieur" tout en persécutant la population à l’intérieur du pays. « Il ne dirige pas le Bénin comme un président qui protège ses concitoyens, mais comme un patron qui considère la population comme des sujets soumis », affirme-t-il, évoquant arrestations massives, exils forcés et interdiction quasi totale des manifestations syndicales.
Kemi Seba dénonce également ce qu’il qualifie de "coup d’État constitutionnel". Il accuse Patrice Talon d’avoir violé la Constitution en mettant en place un Sénat sans référendum, composé de membres non élus, destiné selon lui à permettre au président sortant de conserver une influence décisive sur les institutions, l’Assemblée nationale et le futur chef de l’État. Il fustige par ailleurs la prolongation des mandats électifs de proches du pouvoir, sans consultation populaire, et une "ostentation de richesse" d’une élite vivant "une vie de Miami" pendant que la majorité de la population serait plongée dans la précarité économique et sociale.
Défi personnel à Talon et Macron : "Le Bénin libre ou la mort"
Revenant sur les événements du 7 décembre, Kemi Seba estime que la tentative de coup d’État était une conséquence directe de cette situation. Il invoque un proverbe selon lequel « celui qui engendre un coup d’État constitutionnel récoltera un coup d’État militaire. » Selon lui, la joie exprimée ce matin-là sur les réseaux sociaux, notamment via WhatsApp, traduisait le ras-le-bol d’une large frange de la population béninoise. Il affirme que l’intervention de la France, et en particulier du président Emmanuel Macron, aurait permis de sauver Patrice Talon et de faire échouer ce qu’il qualifie d’"opération de restauration de l’État" menée par le colonel Tigri.
Dans un passage particulièrement offensif, l’activiste s’en prend directement au président français, qu’il présente comme le "maître" de Patrice Talon. Il promet de "chasser" Emmanuel Macron du Bénin, comme cela aurait déjà été fait, selon lui, dans d’autres pays africains. Il met en garde le président béninois, l’appelant à une "introspection" et à la convocation d’"assises nationales", faute de quoi, prévient-il, les tensions ne pourront que s’aggraver.
Assumant sans détour ses propos antérieurs, Kemi Seba revendique avoir "félicité" la tentative de renversement du pouvoir. « Quand quelqu’un fait un coup d’État constitutionnel, je me donne le droit de féliciter ceux qui vont empêcher ce coup d’État constitutionnel », affirme-t-il, estimant que ces actions militaires constituent, dans ce contexte, des tentatives légitimes de restauration de l’État.
La fin de sa déclaration prend des allures de défi personnel lancé au président béninois. « Tu as lancé un mandat d’arrêt contre nous, mais tu es tombé sur le mauvais noir », déclare-t-il, assurant que Patrice Talon "ne pourra jamais" l’arrêter. Il affirme qu’un jour, les rôles seront inversés, promettant un retour "sur la terre de nos aïeux" pour communier avec la population béninoise.
Se présentant comme un "esclave rebelle" face à des "esclaves dociles de la plantation néocoloniale", Kemi Seba conclut en invoquant Dieu comme seule autorité à laquelle il se soumet. « Ce combat, nous le mènerons jusqu’au bout », martèle-t-il, avant de reprendre ses slogans : « Le Bénin libre ou la mort. L’Afrique libre ou la mort. Nous vaincrons. »
Une sortie médiatique explosive qui, loin d’apaiser les tensions, promet de durcir davantage le bras de fer entre l’activiste panafricaniste et les autorités béninoises.
Abdoulkarim (actuniger.com)




