Mali : le Conseil des Ministres enterre la Charte des partis politiques et le Statut de l’opposition
Réuni en session ordinaire ce mercredi au Palais de Koulouba sous la présidence du Général d’Armée Assimi Goïta, Président de la Transition et Chef de l’État, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi abrogeant deux piliers de la démocratie malienne : l’abrogation pure et simple de la Charte des partis politiques (Loi n°05-047 du 18 août 2005) et du Statut de l’opposition politique (Loi n°2015-007 du 4 mars 2015).
Cette décision, qui intervient dans la foulée des consultations nationales des forces vives tenues les 28 et 29 avril au Centre international de Conférences de Bamako (CICB), marque un pas majeur vers la refonte complète de l’architecture politique malienne, sur fond de transition militaire prolongée et de reconfiguration des institutions.
Une volonté affichée de rupture avec l’ancien système
Le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du Soutien au Processus électoral, a justifié ce projet de loi par la nécessité de mettre en œuvre les recommandations des Assises nationales de la Refondation (ANR), organisées fin 2022. Ces assises avaient préconisé une réduction drastique du nombre de partis politiques, la refonte de leurs conditions de création, et la mise au pas de l’opposition dans un contexte de crise prolongée de l’État.
Dans cette logique, le gouvernement entend imposer de nouvelles règles du jeu politique, rompant avec l’héritage du pluralisme instauré au début des années 1990. Parmi les mesures annoncées figurent la dissolution de l’ensemble des partis politiques existants, suivie de leur réorganisation sous une nouvelle législation encore à définir.
Cette refonte s'accompagne d'un durcissement significatif des conditions de création des nouvelles formations politiques. Dans le même temps, le financement public des partis politiques - traditionnellement source de vives polémiques - sera purement et simplement supprimé, obligeant les formations à revoir complètement leur modèle économique.
Autre mesure phare : l'interdiction stricte du nomadisme politique, cette pratique qui voyait régulièrement des élus changer d'allégeance en cours de mandat, au gré des opportunités. Autre mesure de poids : l’abrogation du Statut du chef de file de l’opposition, actée par la suppression de la loi de 2015 qui en garantissait l’existence institutionnelle. Cette décision met fin à l'encadrement officiel de la contestation politique, réduisant encore l’espace démocratique dans le paysage de transition.
Enfin, les travaux des forces vives ont également recommandé la révision de la Charte de la Transition pour permettre l’installation formelle du général Assimi Goïta à la tête de l’État pour un mandat de cinq ans renouvelable, à partir de 2025. Une démarche qui s’aligne sur le modèle défendu par les régimes frères du Burkina Faso et du Niger au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), dont les membres prônent une gouvernance recentrée sur la souveraineté nationale et la stabilité sécuritaire.
Ibrahim Issa (actuniger.com)