Niger-Nigeria : après les Sénateurs, les gouverneurs des Etats du nord contre toute intervention militaire au Niger
Une délégation des Gouverneurs des Etats fédérés du nord du Nigeria, principalement ceux frontaliers du Niger, a été reçue en audience hier dimanche 06 août à Aso Rock, par le Président Bola Ahmed Tinubu. Au centre des échanges, la situation politique au Niger ainsi que la perspective d’une intervention militaire de la Cédéao, sous l’égide du Nigéria, pour restaurer l’ordre constitutionnel suite à la destitution, par une junte militaire (CNSP), du régime du Président Bazoum. A cette occasion, les gouverneurs des Etats de Jigawa, Katsina, Kebbi, Sokoto et Yobé, ont fait part au président en exercice de la Cédéao des conséquences négatives qu’une telle option pourrait engendrée pour leurs Etats et ont donc prôné la voie du dialogue et de la diplomatie. Une position qui rejoint celle déjà exprimée par les Sénateurs du nord du Nigeria alors que s’estompait l’ultimatum donné par les Chefs d’Etat de la Cédéao à la junte militaire qui a pris le pouvoir à Niamey, pour restaurer l’ordre constitutionnel, au risque d’un usage de la force pour ce faire comme annoncé par l’organisation sous-régionale qui y semble déterminée.
La délégation qui a été reçue en audience par le Président Tinubu était conduite par les Gouverneurs des Etats fédérés de Jigawa Malam Umar Namadi et de Katsina Dr Dikko Umaru Radda et composée de leurs homologues de Kebbi, Sokoto et Yobé. Les échanges ont porté sur la décision de la Cédéao d’user de la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger après le renversement du pouvoir de Bazoum Mohamed par un groupe de militaires réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
Au cours de l’entretien, les gouverneurs ont fait part de leurs inquiétudes sur les conséquences de cette option militaire, dont le Nigeria est censé en assurer le leadership, particulièrement pour leurs Etats qui sont voisins du Niger. Selon eux, toute intervention militaire au Niger va affecter les populations de leurs entités ainsi que les activités dans leurs Etats qui entretiennent de très bonnes relations avec les régions voisines du Niger. C’est pourquoi, ils ont plaidé auprès du Président du Nigeria, d’envisager d’autres alternatives notamment la voie diplomatique afin de conduire ce processus de retour à la légalité au Niger.
Quelques jours plutôt, ce sont les sénateurs des Etats fédérés du Nord qui se sont insurgés contre les velléités va-t-en guerre du Président Tinubu. Ils ont été par la suite rejoints par l’ensemble du Sénat qui, vendredi dernier, a formellement déconseillé l’usage de la force pour intervenir au Niger. Les Sénateurs nigérians ont plutôt prôné des solutions pacifiques notamment le dialogue pour résoudre cette nouvelle crise dans le pays voisin.
Des relations de bon voisinage mise à rude épreuve
Le Niger et le Nigeria partagent une frontière longue de plus d’un millier de kilomètres avec de partir et d’autres, des communautés qui partagent les mêmes réalités socioculturelles. Les autorités nigérianes ont été les premières à mettre en exécution les sanctions édictées par les Chefs d’Etat de la Cédéao à l’issue de leur sommet du 30 juillet 2023 à Abuja. En plus de la suspension de la fourniture de l’électricité, le Niger s’approvisionnait jusque-là à hauteur de 70% de ses besoins en énergie, les frontières entre les deux pays ont été fermées. Des décisions qui ont eu des conséquences néfastes pas seulement au Niger mais également au Nigeria, tant les échanges économiques entre les deux voisins sont interdépendants.
Il reste à attendre si le Président Ahmed Bola Tinubu, président en exercice de la Cédéao, va tenir compte de ces mises en garde qui proviennent de son propre pays. Ce qui est certain, toute intervention militaire au Niger aura indéniablement des conséquences même au Nigeria en plus d’affecter les relations de bon voisinage entre les deux Etats. Le Niger accueille, en effet, des centaines de milliers de réfugiés nigérians dans les régions de Diffa et de Maradi et ce sont les forces nigériennes qui sont au premier front dans les opérations militaires de la Force Militaire Mixte (FMM) contre Boko Haram et l’ISWAP dans le bassin du Lac Tchad. Pour la petite histoire, il convient de souligner qu’au plus fort de la lutte contre Boko Haram, en 2016, c’est sous le commandement des généraux Moussa Salaou Barmou (alors commandant de la zone 5 de Diffa) et de Mohamed Toumba Boubacar que les soldats nigériens et tchadiens se sont engouffrés jusqu’en territoire nigérian pour libérer des villes comme Malam Fatori et Damassak, alors aux mains de Boko Haram. Les deux officiers de l’armée nigérienne sont actuellement membres de la junte qui a pris le pouvoir à Niamey. Il faut noter aussi que deux des nouveaux patrons de l’armée de terre nigérienne, le chef d’état-major colonel-major Mahamane Sani Kiaou et son adjoint le colonel-major Abdourahmane Abou Zataka, étaient tout récemment au front dans le Bassin du lac Tchad aux postes respectifs de chef d’état-major du secteur 4 de la FMM et de commandant de la zone 5 de Diffa.
Autant dire qu’en plus des répercussions sur les échanges socioéconomiques entre les deux pays, toute confrontation militaire entre les deux pays affecterait la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT) dans le bassin du Lac Tchad mais aussi contre les Groupes armés criminels dans les Etats du nord du Nigeria. Une lutte que les forces de défense et de sécurité (FDS) mènent jusque-là conjointement avec d’éclatants succès et dont la suspension ne profiterait qu’aux groupes terroristes et criminels…
A.Y.Barma (actuniger.com)
Commentaires
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Parmi les facteurs qui ont contribu
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