Mali: avec la menace de boycotter le referendum, les mouvements rebelles accentuent la pression sur les autorités de Transition
Dans un communiqué rendu public le lundi 5 juin 2023 et signé par son porte-parole, Mohamed Elmaouloud Ramadane, le Cadre stratégique Permanent issu du Processus d’Alger (CSP-PSD) a réitéré "son rejet du projet de constitution actuel" conformément à sa décision du 28 mars dernier et a dénoncé le fait qu'il ne prend pas en compte les dispositions clés de l'Accord de Paix d'Alger de 2015. Tout en recommandant aux autorités de la transition le report du référendum du 18 juin 2023, la coalition des mouvements politiques et militaires du nord du Mali, s'est dite disposé aux négociations afin d’aboutir à une résolution heureuse avant la date du référendum. A moins de deux semaines de cette échéance électorale décisive pour la poursuite du processus de transition, cette décision du CSP-PSD accentue la pression sur les autorités de la transition. Ces dernières sont en effet certes tenues par le respect du calendrier convenu avec la médiation internationale pour un retour à l'ordre constitutionnel mais savent également que sans la participation des groupes rebelles, qui contrôlent plusieurs régions du pays notamment Gao et Kidal, le référendum et les élections à venir seront compromises.
Dans le communiqué, le CSP a rappelé que "dans le cadre des efforts continus visant à promouvoir la paix et la réconciliation au Mali", les Mouvements signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali ont tenu une réunion extraordinaire à Kidal, du 3 au 5 juin 2023. Cette rencontre, présidée par Alghabass Ag Intalla, Président du Cadre pour le Suivi de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger (CSP-PSD), avait pour objectif de "discuter des questions clés liées au processus de paix, aux divergences autour du contenu du projet de nouvelle constitution, ainsi qu’aux préoccupations sécuritaires et humanitaires".
Au terme de cette réunion et pour ce qui est du processus de paix, le communiqué note que le CSP-PSD a réaffirmé l’importance de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger comme étant l’outil essentiel pour une paix durable et une réconciliation nationale. Il déplore cependant, "l’absence de volonté politique des autorités de transition pour surmonter les obstacles entravant sa mise en œuvre". Dans son communiqué, le CSP a aussi exprimé sa reconnaissance envers la médiation internationale pour ses efforts visant à détendre la situation et lui a offert son soutien.
Par rapport au Projet de constitution, le CSP-PSD a réitéré son rejet du projet de constitution actuel, conformément à sa déclaration du 28 mars 2023. "Le texte en question ne prend pas en compte les dispositions clés de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger et représente un obstacle à une bonne gouvernance, constituant ainsi un recul démocratique", a dénoncé la Coalition qui ajoute que "face à l’absence d’un consensus national sur le projet et à la difficulté d’assurer une participation large de l’ensemble de la population à travers tout le territoire, le CSP-PSD recommande vivement aux autorités de la Transition de reporter le référendum prévu le 18 juin afin de créer les conditions propices à l’élaboration d’un texte suffisamment participatif".
La panne du processus de paix risque de compromettre la tenue du référendum compromis
Cette décision du CSP a moins de deux semaines de la tenue du scrutin référendaire est de l'avis de plusieurs observateurs, une manière de mettre la pression sur les autorités de transition par rapport à la mise en œuvre de l'accord de paix qui est en panne depuis des mois. Les autorités de transition sont en effet sous la pression de l'ONU, de l'UA et de la Cédéao sur la conduite du processus de retour à l'ordre constitutionnel normal. Un calendrier qui a déjà enregistré un retard considérable du fait justement des concertations pour l'adoption du projet de texte constitutionnel.
En menaçant de boycotter le référendum, le CSP-PSD sait qu'il a un certain avantage car il contrôle une bonne partie du territoire et sans son implication, il sera impossible de ternir le scrutin ainsi que ceux qui viendront dans les régions du Nord du pays où déjà l'insécurité causée par les groupes armées terroristes (GAT) comportent des risques sur la bonne tenue des élections maliennes.
Les prochains jours seront donc décisifs pour la suite des évènements et à l'allure où vont les choses, les regards sont tournés vers la médiation internationale qui seule, peut permettre au CSP-PSD de revenir à de meilleurs sentiments et ainsi ouvrir la voie à la tenue du referendum pour l'adoption d'une nouvelle constitution au Mali.
Pour rappel, le Cadre stratégique permanent (CSP) est une coalition de mouvements politiques et militaires du nord du Mali, qui a été formée le 6 mai 2021 pour leur permettre de coordonner leurs actions.
A.Y.Barma (actuniger.com)