Après la volte-face de Jammeh, la Gambie plongée dans l'attente et l'incertitude
En Gambie, la population et le nouveau président Adama Barrow sont suspendus au possible recours annoncé par le parti de Yahya Jammeh, l'APRC. Après avoir rejeté le vote, demandé un nouveau scrutin, l'ex-président serait en passe de déposer un recours devant la Cour suprême, seule institution en mesure de décider si le scrutin est valide ou pas. En attendant, le pays est donc plongé dans l’inquiétude.
Les Gambiens contactés au téléphone à Banjul ne savent pas lequel, mais tous estiment que Yahya Jammeh tente un nouveau coup de poker. « L'ambiance est étrange » explique Idrissa Baldé, boutiquier : « On est dans une période floue, tout le monde craint Jammeh ». Car l'ex-président l'a déjà prouvé, il est imprévisible, « prêt à tout pour garder le pouvoir » estime Abdoulaye, étudiant à la fac de droit.
Son parti va-t-il déposer, comme annoncé samedi soir, un recours devant la Cour suprême ? La date limite, c'est aujourd'hui lundi 12 décembre, un jour férié en Gambie, un délai de 24 heures pourrait donc être instauré. Yahya Jammeh reviendrait ainsi dans la légalité constitutionnelle mais l'opposition a toujours critiqué la Cour suprême, qu'elle considère aux ordres de celui qui a dirigé le pays durant 22 ans.
Samedi, le président élu, Adama Barrow, a rappelé à Jammeh qu'il n'avait aucun droit constitutionnel pour demander un nouveau scrutin. Ce nouveau rebondissement créé par l'ex-président, ce retour possible à un processus constitutionnel, lui coupe l'herbe sous le pied et l'oblige à attendre avec les Gambiens.
Souffler le chaud et le froid
« Yahya Jammeh est dans une logique qui consiste à souffler le chaud et le froid, à jouer avec les nerfs des Gambiens et les nerfs de la communauté nationale, explique le journaliste et analyste politique Yoro Dia. Les juges sont nommés par Yahya Jammeh et ont toujours été aux ordres. Et cette fois-ci encore ils peuvent le faire en le proclamant Yahya Jammeh vainqueur ou bien décider de demander de nouvelles élections qui ne seront ni libres ni transparentes. Si la Cour donne raison à Yahya Jammeh, ses partisans vont s’accrocher à ça en disant : "vous ne pouvez pas d’un côté demander de respecter les décisions de justice et de l’autre les contester". »
Yoro Dia estime donc que ce recours est « sa dernière arme », mais une arme à double tranchant, désormais. « Il y a un risque partagé. Le risque c’est que les juges, vu le contexte, le vent de la liberté, les pressions de la communauté internationale, soient déliés de la peur et décident, au moins une fois dans leur carrière, de dire le droit. Et de dire que la requête de Jammeh est irrecevable. Et c’est pourquoi la Gambie est aujourd’hui dans une grande incertitude. »
Une donne a changé, en effet : Yahya Jammeh n'a plus aucun soutien à l'extérieur. Lamine, chauffeur de taxi, joint sur Facebook conclu : « On va attendre mais on ne se fera pas voler notre démocratie, notre nouvelle Gambie ».
RFI