Gabon : Ali Bongo proclamé vainqueur, l'opposition conteste
Le président sortant serait réélu pour un nouveau septennat avec 49,80% des voix, a annoncé le ministre de l'Intérieur. Son adversaire, Jean Ping, dénonce une fraude massive. Des émeutes ont éclaté juste après la proclamation des résultats.
L’annonce aura été maintes fois repoussée depuis vingt-quatre heures, son contenu était pourtant attendu : le ministre de l’Intérieur a proclamé ce mercredi après-midi la victoire d’Ali Bongo, 57 ans, à la présidentielle de samedi. Le fils d’Omar Bongo, qui avait régné sur le Gabon pendant quarante-deux ans, se maintient donc au pouvoir. Son principal rival, Jean Ping, homme du sérail et ex-gendre d’Omar Bongo, avait pourtant revendiqué un score supérieur à celui du président sortant dès le lendemain de cette élection à un seul tour. Ses partisans sont descendus dans la rue dès l'annonce des résultats: des affrontements ont éclaté avec les forces de sécurité.
Selon les chiffres compilés et discutés par la Commission électorale nationale (Cénap) pendant toute la nuit et une partie de la journée, Ali Bongo a remporté 49,80% des suffrages (8 points de moins qu’en 2009), contre 48,23% pour Jean Ping. Soit 5 594 voix d’avance. De son côté, l’opposition a fait ses propres calculs à partir des procès-verbaux récoltés dans les bureaux de vote où elle avait disposé des observateurs : le score de Jean Ping serait de 58%, celui d’Ali Bongo de 39%. S’estimant volé, l’entourage de Ping dénonce une Cénap «inféodée au pouvoir». «Nous n’avons pas confiance dans ce processus électoral, a commenté Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, porte-parole de Jean Ping. Les Gabonais n’accepteront jamais ces chiffres.»
Peu d’illusions
Il est impossible de vérifier de façon indépendante la réalité des scores communiqués par l’un ou l’autre des deux camps. La mission d’observation de l’UE, relayée par la responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a demandé au gouvernement gabonais la publication des résultats «bureau de vote par bureau de vote» dans un souci de transparence. La France a appuyé cette demande, jugeant que «les conditions de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle au Gabon sont une source de préoccupation». Les observateurs de l’UE (ils étaient une soixantaine) n’ont pas pu assister à la séance finale des travaux de la Commission électorale. Selon le porte-parole de Jean Ping,«trois membres de la Cénap ont été achetés par les autorités».
Les délégués du candidat d’opposition à la Cénap ont notamment contesté les résultats dans une des neuf provinces de cet Etat pétrolier de moins de 2 millions d’habitants : le Haut-Ogooué, fief de l’ethnie tékée dont est issu Ali Bongo. Ce dernier y obtiendrait 95,46% des suffrages, avec une participation de 99,93%, d’après le procès-verbal qui devait servir de base aux débats de la Commission électorale, consulté par l’AFP. L’équipe de campagne de Jean Ping a commencé à diffuser ses propres chiffres, dans un fichier détaillé de 41 pages, commune par commune et quartier par quartier.
L’étape juridique suivante, en toute logique, sera la saisie de la Cour constitutionnelle. Mais là encore, l’avocat français de Jean Ping, Eric Moutet, se fait peu d’illusions : «La gestion de l’affaire de l’état civil d’Ali Bongo [l’opposition avait déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle pour contester la légalité de sa candidature, arguant qu’il ne serait pas né gabonais, ndlr] a été surréaliste. Le recours a été balayé. Je crains donc la manière dont sera traité le contentieux électoral.» La plus haute juridiction du pays a quinze jours pour rendre sa décision. «Jean Ping va emprunter le chemin de la légalité, poursuit son avocat parisien. Notre plan B, c’est la communication. La pression internationale devra convaincre les éminents magistrats de la Cour de faire leur boulot.»
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