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Dilma Rousseff

Dimanche, au Brésil, les députés ont voté en faveur de la destitution de l’actuelle présidente Dilma Rousseff. C’est un vote des sénateurs en mai prochain qui pourrait définitivement scellé le sort du mandat de la dirigeante accusée de corruption.

Zeyna commission0

Les députés brésiliens ont ouvert dimanche la voie d'une destitution de la présidente par le Sénat à une écrasante majorité, lors d'un vote historique qui s'est déroulé dans une atmosphère survoltée, et Dilma Rousseff devrait s'exprimer ce lundi. Le mandat de l'impopulaire dirigeante de gauche ne tient désormais plus qu'à un fil devant le Sénat. Il suffira en mai d'un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu'elle soit mise en accusation pour "crime de responsabilité" et écartée du pouvoir pendant une période au maximum de 180 jours, en attendant un verdict final sur sa destitution par un vote aux deux tiers.

Le vice-président Michel Temer, 75 ans, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition. Homme d'appareil discret, Temer est presque tout aussi impopulaire que Mme Rousseff. Son grand parti centriste, le PMDB, est éclaboussé au plus haut niveau par le scandale de corruption Petrobras. Son propre nom a été cité par plusieurs inculpés.

Dimanche soir, l'impeachment l'a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises (deux tiers). Seuls 137 députés, de gauche et d'extrême gauche pour l'essentiel, ont voté contre la destitution. Sept se sont abstenus et deux étaient absents. Les députés de l'opposition, ceints d'écharpes aux couleurs nationales jaune et verte ont exulté, entonnant à gorges déployées l'hymne des supporteurs de l'équipe de football au Mondial-2014: "Je suis brésilien, avec beaucoup de fierté..." Le leader du Parti des Travailleurs (PT, gauche) au Congrès des députés José Guimaraes avait anticipé la déroute du camp présidentiel: "Les putschistes ont gagné ici mais cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue. Nous allons maintenant dialoguer avec le Sénat".

Pas abattue

Accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015 pour masquer l'ampleur de la crise économique, Mme Rousseff nie avoir commis un crime dit "de responsabilité". Avant le vote de dimanche, elle avait annoncé qu'elle "lutterait jusqu'à la dernière minute de la seconde mi-temps". Cette ancienne guérillera torturée sous la dictature, héritière politique de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), est entrée dans l'histoire en 2011, en devenant la première femme présidente du Brésil. Elle risque d'y rejoindre Fernando Collor de Mello, seul président brésilien à avoir été destitué, pour corruption, en 1992.

Mme Rousseff s'exprimera lundi, a annoncé son défenseur, l'avocat général de l'Etat, José Eduardo Cardozo: "Ce vote scandaleux ne va pas l'abattre (...). Elle va lutter ce pour quoi elle a toujours lutté depuis la dictature, la démocratie". La session historique des députés s'est déroulée dans une atmosphère à couteaux tirés, entre insultes et empoignades, dès son ouverture par le président du Congrès, Eduardo Cunha, ennemi juré de Mme Rousseff, inculpé de corruption. Les députés de droite et de centre droit parlaient de "nettoyer le pays de la corruption", d'en finir avec "ce gouvernement incompétent qui a conduit le Brésil à la ruine". Les traitant de "canailles", le député d'extrême gauche (Psol) Jean Wyllys leur a a lancé: "J'ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur (M. Cunha), ourdie par un traître conspirateur" (M. Temer) et appuyée par de lâches tortionnaires, des analphabètes politiques et des vendus".

Des manifestations géantes

Plus de 200 millions de Brésiliens, divisés par des mois d'âpre affrontement, étaient suspendus à la première manche de cette lutte acharnée de pouvoir qui paralyse le géant émergent d'Amérique latine, au milieu d'un énorme scandale de corruption et de la pire récession économique depuis des décennies. A Brasilia, 53.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26.000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l'assemblée, de part et d'autre d'une grande barrière métallique. Des dizaines de milliers de Brésiliens ont manifesté dans le pays, moins nombreux que prévu mais sans incidents, notamment à Sao Paulo et Rio de Janeiro.

La crise brésilienne remonte à la réélection de Mme Rousseff. Mais elle s'est embrasée en mars avec d'immenses manifestations pour son départ et l'entrée frustrée à son gouvernement de son mentor Lula, soupçonné de corruption. "Une bataille s'est déclenchée entre un gouvernement incompétent, soutenu par un parti qui a trahi ses idéaux (le PT), et une opposition hypocrite, dirigée par un législateur accusé de corruption, Eduardo Cunha", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Sylvio Costa.



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