Criminalité à Niamey : la DPJ démantèle quatre réseaux criminels responsables de vols, enlèvements et meurtres, dont un comprenant deux ex-FDS radiés
La Direction de la Police Judiciaire (DPJ) a présenté ce mardi 9 décembre 2025 les résultats de ses enquêtes, qui ont permis de neutraliser quatre réseaux criminels particulièrement actifs dans la capitale, dont l’un comprenait deux ex-agents des Forces de Défense et de Sécurité radiés pour inconduite grave. À la tribune, l’officier Almoctar Abdoulaye Massalatchi a dressé un tableau alarmant des dernières semaines : agressions violentes, vols à main armée, enlèvements, cambriolages et plusieurs homicides.
Quatre réseaux criminels, aux profils et aux méthodes radicalement différents, viennent d’être mis hors d’état de nuire. Une démonstration de force saluée par le Procureur de la République, M. Ousmane Baydo, présent pour situer juridiquement les faits et rappeler les responsabilités citoyennes dans la lutte contre l’insécurité.
Depuis plusieurs mois, Niamey subit une montée inquiétante de la criminalité : agressions violentes, vols à main armée, cambriolages audacieux et enlèvements parfois mortels. L’audace des malfaiteurs, qui frappent en plein jour et dans les lieux les plus fréquentés, a installé une inquiétude palpable parmi les habitants. Face à cette escalade, la DPJ a intensifié ses opérations ciblées, souvent guidées par des renseignements fournis par la population, pour démanteler des réseaux criminels aux ramifications complexes. Les résultats présentés aujourd’hui confirment l’ampleur de la menace… mais aussi la capacité des forces de sécurité à y répondre efficacement.
Premier réseau : des prédateurs financiers organisés, violents et méthodiques
Le premier groupe présenté est sans doute le plus structuré et le plus dangereux. Une douzaine d’individus âgés de 25 à 53 ans, dont une femme actuellement en fuite, un ressortissant étranger, des informateurs, des complices, ainsi que deux ex-agents des Forces de Défense et de Sécurité radiés pour inconduite grave. Cette association hybride, mêlant profils expérimentés et exécutants radicaux, s’était spécialisée dans le ciblage des personnes transportant des sommes importantes.
Leur méthode repose sur une collecte précise de renseignements : retraits bancaires importants, mouvement de fonds dans les domiciles, habitudes de commerçants fortunés ou de fonctionnaires manipulant des sommes conséquentes. Une fois la cible identifiée, le commando se mettait en branle.
Deux modes opératoires se dégagent clairement : d’une part, la filature en plein trafic suivie d’une agression éclair menée par deux motos transportant chacune un binôme de malfaiteurs armés de pistolets automatiques ; d’autre part, des cambriolages ciblés minutieusement préparés grâce aux informations livrées par des complices internes lorsque les liquidités étaient conservées au domicile des victimes.
Les faits recensés par la DPJ illustrent la brutalité croissante du réseau : du braquage du 9 avril 2025 au Nouveau Marché, où une dame est délestée de 3 millions de FCFA, à l’attaque du 2 juillet à Maison Économique marquée par un tir de sommation et le vol de 20 millions ; en passant par l’agression manquée d’un officier des FDS le 31 juillet, l’arrachage de 13 millions le 9 septembre à SONUCI, les 2 millions volés à Wadata le 16 octobre, l’assassinat d’une victime le 21 octobre à Any Koira pour 15 millions, jusqu’au cambriolage de la mairie de Hamdallaye dans la nuit du 29 au 30 septembre où les malfaiteurs emportent une moto revendue via un réseau parallèle.
Ces mêmes ex-agents radiés avaient développé un volet parallèle, encore plus inquiétant : vêtus en treillis, se faisant passer pour des éléments de l’antidrogue, ils investissaient les domiciles de dealers identifiés, saisissaient drogue et argent avant de disparaître. Ce double rôle de prédateurs financiers et d’usurpateurs armés démontre le caractère particulièrement nuisible du groupe.
Deuxième réseau : les spécialistes de la filière des véhicules volés vers Kano
Le second réseau, plus restreint mais tout aussi actif, était dirigé par un Nigérien de 47 ans, assisté de deux complices dont l’un basé au Nigeria. Leur affaire consistait en un trafic bien rôdé de véhicules volés à Niamey, rapidement convoyés vers le Nigeria via l’itinéraire Tibiri – Doutchi – Batchaka – Arougoungou – Sokoto – Kano.

Le chef de bande a reconnu une série de vols ciblés, dont un Toyota Cyano et un Hilux dérobés en août 2025 à la cité OLANI, un Toyota RAV4 blanc soustrait à Banifandou, ainsi qu’un autre Hilux volé au quartier Dubaï et intercepté in extremis par la police à Birni.
Le groupe ciblait exclusivement les véhicules de grande valeur, revendus rapidement au Nigeria où le marché parallèle est bien installé. La rapidité du transit mettait souvent les victimes dans l’impossibilité totale de récupérer leurs biens.
Troisième réseau : un ghetto, des séquestrations et un meurtre sordide
Le troisième dossier présenté plonge dans les bas-fonds de la délinquance juvénile extrême. Quatre jeunes hommes, âgés de 19 à 25 ans, ont été interpellés dans un ghetto de Koira Tégui, connu pour la consommation de chicha et de drogue, mais aussi pour un autre phénomène plus récent : la détention de jeunes filles à l’insu de leurs familles, parfois pendant plusieurs jours, dans un climat de violence et de manipulation.
Ce réseau est lié à un drame particulièrement éprouvant pour les enquêteurs et la population. Le 27 novembre 2025, le corps sans vie d’une femme est découvert à Bossey Bangou, à une centaine de mètres des jardins. À proximité, une pièce d’identité et un téléphone portable.
La victime, selon le témoignage d’une amie interrogée par la police, avait séjourné dans le ghetto avant sa mort. Les quatre jeunes arrêtés reconnaissent avoir séquestré la femme. Le lien entre sa mort et leur activité de détention forcée est désormais établi, même si l’enquête continue pour reconstituer les circonstances exactes.
Ce réseau illustre une forme d’insécurité plus insidieuse, où l’exploitation, la violence psychologique et la manipulation s’accompagnent parfois de conséquences mortelles.
Quatrième réseau : l’affaire de la femme retrouvée au cimetière chrétien
Le dernier dossier présenté concerne un autre homicide, tout aussi glaçant. Le 14 novembre 2025, le corps d’une femme est découvert au cimetière chrétien de Koira Tégui.
L’enquête, menée tambour battant par la DPJ, commence par l’identification de la victime : une femme mariée, mère de quatre enfants, vivant à seulement 150 mètres du lieu où son corps a été abandonné. C’est son mari, en voyage hors de Niamey, qui s’inquiète le premier. Il téléphone à son épouse. Mais ce n’est pas elle qui décroche.
La voix d’un homme lui répond : « Ta femme, n’est-ce pas ? Nous l’avons tuée. Indique-nous ton domicile pour qu’on te la dépose ».
Cette phrase terrible devient le point de départ de l’enquête. Trois jours après les faits, les enquêteurs remontent jusqu’au nouvel utilisateur du téléphone de la défunte : un charlatan du quartier, qui affirme l’avoir obtenu de “Furios”, un individu déjà bien connu pour des menaces sur des femmes. Celui-ci désignera ensuite le frère du charlatan, également interpellé.
Lors de la reconstitution, l’époux reconnaît la voix du surnommé “Furios”. Les trois individus seront présentés aux autorités judiciaires. Les premières analyses laissent penser que la victime a été violée avant d’être tuée, mais les détails définitifs relèveront de la procédure devant les tribunaux.
Le Procureur rappelle la présomption d’innocence et appelle à la vigilance citoyenne
Après la présentation des réseaux, le procureur de la République, Ousmane Baydo, a tenu à replacer les faits dans leur cadre légal : « toute personne interpellée est présumée innocente jusqu’à ce qu’un tribunal indépendant la déclare coupable », conformément à la Charte de la Refondation.
Le procureur distingue clairement deux types de réseaux : ceux spécialisés dans les atteintes aux biens, à travers le vol d’argent ou de véhicules, et ceux dont les exactions visent directement les personnes, avec une violence qui peut aller jusqu’au meurtre.
Il met l’accent sur la vigilance : « La sécurité de la ville n’est pas seulement l’affaire des services de sécurité, mais celle de tout le monde. Chaque fois qu’on dénonce un fait suspect, qu’on apporte une information qui permet d’élucider un crime, on sauve une vie ».
Au terme de la présentation, l’Officier Almoctar Abdoulaye Massalatchi souligne que ces résultats sont le fruit de nombreuses investigations, parfois menées dans des conditions difficiles.
La DPJ insiste : ce n’est pas la fin de la lutte, mais une étape. Les réseaux se transforment, se recomposent, et seule une coopération continue entre population et forces de sécurité permettra de contenir la criminalité.
Les citoyens sont invités à signaler tout comportement suspect via les numéros verts de la Police nationale : 8383 et 17, disponibles 24h/24.

Abdoulkarim (actuniger.com)





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