Redressement économique du Niger : une croissance de 5,7 % en 2024 portée par le pétrole, mais dépendante de l'éducation pour un avenir durable
Après une année 2023 marquée par une profonde crise politique et des sanctions économiques lourdes ayant entraîné une chute de la croissance à 2 %, la Banque mondiale prévoit un redressement de l'économie nigérienne, avec une prévision de croissance de 5,7 % en 2024, stimulée principalement par les exportations de pétrole. Selon le rapport de la Banque Mondiale publié le 30 septembre 2024, l'institution de Bretton Woods analyse la situation économique et la pauvreté au Niger tout en présentant des prévisions pour les trois prochaines années. Elle souligne que la reprise de l'économie nigérienne reste fragile et dépend de facteurs déterminants tels que la sécurité et les conditions climatiques. Les secteurs non pétroliers, notamment les industries et les services, peinent toujours à se remettre des pertes subies l'année dernière.
Résilience face aux sanctions
La crise politique née du coup d'État du 26 juillet 2023 a plongé le Niger dans une récession marquée par le gel des financements internationaux, une chute des investissements privés et des difficultés majeures dans le secteur bancaire. Cet événement a entraîné des sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l'UEMOA, qui ont fortement réduit l'activité économique et les financements extérieurs. Le rapport de la Banque mondiale estime que ces sanctions ont gelé environ 7,5 % du PIB en termes de financements extérieurs non décaissés, entraînant une chute de la croissance du PIB à 2 %, bien en dessous des prévisions initiales de 6,9 %. La croissance par habitant s'est contractée de 1,7 %, accentuant les difficultés économiques des Nigériens. Malgré ces défis, le gouvernement nigérien a réussi à maintenir la stabilité de certaines fonctions essentielles, telles que le paiement des salaires des fonctionnaires et la gestion de la crise énergétique causée par l’interruption des importations d'électricité du Nigeria. En effet, grâce à l'intervention proactive des autorités et à certaines caractéristiques de l'économie nigérienne, notamment une production pétrolière nationale et un commerce informel moins impacté, le pays a évité une récession plus profonde.
« Malgré les lourdes sanctions, l’économie nigérienne a montré une résilience notable grâce aux mesures proactives des autorités », a déclaré Han Fraeters, responsable des opérations de la Banque mondiale pour le Niger.
La croissance pétrolière ne suffira pas sans un investissement massif dans l'éducation
Avec la levée des sanctions en février 2024, la Banque mondiale prévoit un rebond de la croissance, estimée à 5,7 % (1,8 % par habitant) pour cette année, stimulée principalement par les exportations massives de pétrole. Les prévisions de croissance pourraient atteindre 6,5 % en moyenne pour 2025-2026. Néanmoins, les secteurs non pétroliers, particulièrement touchés en 2023, risquent de connaître une reprise plus lente, fragilisée par l'incertitude régionale et les aléas climatiques.
Le rapport de la Banque mondiale souligne également l’importance de l’éducation pour garantir une croissance inclusive. Le Niger, avec un taux d'extrême pauvreté projeté à 42,5 % d’ici à 2026, doit investir dans son capital humain pour consolider son développement. En effet, plus de la moitié des enfants âgés de 7 à 16 ans ne sont pas scolarisés. Les infrastructures scolaires sont insuffisantes, avec environ 36 % des salles de classe primaires et secondaires classées comme "paillotes", des structures temporaires et précaires. De plus, les pressions démographiques, avec un pic attendu de nouveaux élèves en 2045, vont nécessiter la construction de 2 500 salles de classe primaires et 1 037 secondaires chaque année pendant les trois prochaines décennies. Pour répondre à cette crise, le gouvernement a lancé le programme « Zéro classes paillottes » et prévoit d'intégrer les enseignants contractuels dans la fonction publique tout en renforçant la formation des enseignants. Toutefois, ces efforts ne suffiront pas. Un programme plus complet pour améliorer l'accès à une éducation de qualité nécessitera des investissements de l'ordre de 1,2 % du PIB chaque année, en plus des dépenses courantes.
Ne pas investir dans l'éducation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l'avenir du pays. Selon des estimations comparables dans la région, le coût d'opportunité des enfants non scolarisés pourrait représenter entre 5,4 % et 18,2 % du PIB au Mali et jusqu'à 14,1 % en Côte d'Ivoire. Au Niger, ce déficit éducatif menace non seulement le développement économique, mais également la stabilité sécuritaire à long terme, avec une population jeune sans accès à l'éducation ni opportunités d'emploi.
Les exportations pétrolières : moteur de croissance, source de volatilité
L'accroissement prévu des exportations de pétrole en 2024, avec la mise en service de l'oléoduc transnational, devrait considérablement augmenter les recettes publiques. Toutefois, Mahama Samir Bandaogo, économiste senior à la Banque mondiale, avertit que cette dépendance au pétrole pourrait rendre l'économie nigérienne plus exposée à la volatilité des prix internationaux. « Il est crucial que le Niger investisse dans d'autres secteurs productifs, en particulier l'éducation, afin de diversifier ses sources de revenus et d'assurer une croissance durable », a-t-il souligné.
Alors que les réserves pétrolières nigériennes pourraient commencer à décliner à partir du milieu des années 2030, la Banque mondiale recommande d'ores et déjà d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques, notamment dans l'éducation, tout en renforçant la mobilisation des recettes intérieures.
En conclusion, bien que le Niger semble engagé sur la voie d'un redressement économique, son avenir repose sur une gestion rigoureuse de ses ressources pétrolières et des investissements ciblés dans l'éducation et le capital humain. La note de la Banque mondiale souligne l'importance de l'éducation comme levier clé pour assurer une croissance inclusive et pérenne. Si les perspectives à court terme, portées par la production pétrolière, sont encourageantes, le véritable défi du Niger réside dans sa capacité à investir durablement dans son capital humain afin de consolider ses progrès économiques et offrir un avenir prometteur à sa population.
A.Karim (actuniger.com)
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