Kokowa 2019 : la compétition gâchée par des combats truqués et des actes de vandalisme
Alors que la compétition bat son plein à l’arène des jeux traditionnels Naroua Sanou de Tillabéry, la 40e édition du Sabre national de lutte traditionnelle a été gâchée par des tristes évènements qui n’honorent en rien le sport au Niger.
En cette 5e journée de la compétition, le désolant spectacle auquel ont assistés les amateurs de cette discipline populaire au Niger a de quoi écorner ce qui est plus qu’un sport mais un véritable creuset de brassage social et de cohésion nationale. Bref, une vraie atteinte à l’unité nationale tant la lutte traditionnelle est une identité nigérienne et que les mauvais comportements de certains individus ont voulu gâcher comme en témoignent les images largement relayées sur les réseaux sociaux en plus d’être diffusées en direct sur les chaînes nationales.
Tout était pourtant bien parti et cette 5e journée réservait une des plus belles confrontations qu’on pouvait s’attendre au regard de l’affiche. Pour le second combat de la matinée, la région de Dosso avec ses 5 lutteurs invaincus était opposée à celle de Tahoua qui a aussi 4 lutteurs en lice pour le sabre. De quoi s’attendre à de combats de haute facture entre invaincus sauf que certains tricheurs avaient décidé autrement. Dès les premiers tirages, l’effervescence était tombée d’un cran et la suite des combats allait confirmer qu’il s’agissait là de tout sauf de lutte traditionnelle. Les combats étaient tout simplement « arrangés » depuis le tirage puisqu’aucun invaincu n’avait tiré un adversaire au même statut, ce qui relevait de la « probabilité impossible » si on peut dire les choses ainsi. Par la suite, les matchs se sont avérés de véritables simulacres de combats, tellement évidement qu’en plus des spectateurs, les journalistes chargés de la retransmission en direct n’ont cessé de crier à l’arnaque !
La commission chargée de détecter les matchs truqués devrait par la suite statuer, un peu tardivement, sur le fait que les combats étaient effectivement arrangés. Dégoûtée, l’opinion n’a cessé de réclamer des sanctions comme jamais auparavant.
Des sanctions pour les indélicats
C’est ce qui fut fait puisqu’aussitôt saisie, la commission ad’hoc présidée par le ministre des Sports Kassoum Moctar s’est réunie après les combats de la matinée et a décidé des sanctions conformément aux dispositions du code de la lutte. Malheureusement, les deux délégations ont eu vent des décisions prises et ont décidé de se transporter au niveau de l’arène, là où les sanctions adoptées devraient être rendues publiques à l’entame des combats de la soirée. A la reprise, la sentence est finalement tombée.
Sur la base des travaux de la commission des combats truqués qui a confirmé que 9 combats sur les 10 (soit 5 des invaincus de Dosso et 4 de ceux de Tahoua) ont été arrangés, le comité s’est référé sur l’article 23 du Code de lutte pour prononcer les sanctions prévues. C’est ainsi que les lutteurs des deux écuries qui ont simulé des combats pour se faire terrassés parce qu’ils étaient déjà éliminés, ont été suspendus pour la suite de la compétition, et ne peuvent par conséquent pas être remplacés. Les points du match Tahoua Vs Dosso ont aussi été annulés et des sanctions ont également été prononcées contre certains dirigeants des deux délégations. L’ancien lutteur Kadade Zambo a écopé d’un avertissement écrit pour comportement démesuré, ainsi que Cheffou Gadagé, lui aussi ancien lutteur qui a écopé d’une exclusion de l’arène pour la suite de la compétition pour troubles. Les secrétaires généraux des deux ligues, les vrais initiateurs de l’arrangement, ont été exclus de l’arène pour la suite de la compétition et exclus de toute activité liée à la lutte pour une période d’une année. Ils ont été en effet pris en flagrant délit d’arrangement et de fraudes lors du tirage au sort.
Protestations et vandalismes à l’arène
Alors que de manière générale, les sanctions prononcées ont été fortement applaudies pour le salut de la lutte traditionnelle, les membres des deux délégations ne l’ont pas entendu de cette oreille. Venus en nombre, ils se sont tout simplement révoltés et manifestés leurs mécontentements en envahissant l’arène et se livrant à des actes de vandalisme. Une scène indescriptible surtout de la part des membres de la délégation de Tahoua qui a médusé plus d’un au regard des actes commis sous le regard impuissant des spectateurs, des téléspectateurs et devant les autorités dont, en plus du ministre des Sports, le Haut représentant du président de la République, Seyni Oumarou, des députés nationaux et plusieurs autres invités de marque qui ont dû être évacués. Les combats en cours ont été suspendus et il a fallu l’intervention des forces de sécurité, qui ont usé des tirs de gaz lacrymogènes pour remettre un peu d’ordre dans l’arène. La scène était tellement indescriptible avec des lutteurs et des badauds s’en prenant aux matériels et autres affiches publicitaires, que la télévision publique a dû suspendre sa retransmission pour ne pas offrir au monde ce triste spectacle.
Il a fallu de long conciliables pour le calme revienne peu à peu et la compétition a pu se poursuivre malgré le spectacle affligeant que la délégation de Tahoua a laissé au sein de l’opinion. Il faut dire que les sanctions édictées sont des plus logiques au regard de ce qui s’est passé dans la matinée et beaucoup ont salué la manière avec laquelle le comité a réagi, accusant même la table technique d’avoir tardé à stopper les combats tant la simulation et les arrangements étaient très flagrants. Par le passé en effet, on a assisté à de pareilles situations et le laxisme avec laquelle les cas avérés ont été gérés, sans véritable sanction, ont conforté certaines délégations et des lutteurs à se complaire dans ces genres de pratiques qui dégoûtent les amateurs du sport roi au Niger. C’est le cas de le dire, les textes existent, il faut désormais les appliquer avec la plus grande sévérité comme c’est le cas aujourd’hui, en attendant d’identifier les fauteurs de troubles qui sont également passibles de poursuite judiciaire pour destruction de biens publics. En ces moments où la lutte traditionnelle est à la croisée des chemins tout en confortant sa renommée à l’international, c’est le seul gage de lui rendre toute sa noblesse.
A.Y.B (Actuniger.com)
Commentaires