Jeunesse et capital humain : à l’Université de Niamey, une conférence universitaire alerte sur les défis démographiques du Niger
Ce mardi 15 juillet 2025, la place AB de l’Université de Niamey a réuni étudiants, experts et responsables institutionnels autour d’une conférence placée sous le thème : « Jeunesse et capital humain : défis et perspectives ». Organisée par par le comité exécutif de l’Union des Étudiants Nigériens à l’Université de Niamey (UENUN), à travers sa Commission Exposés, Conférences et Débats (CECD) en partenariat avec le Ministère de la Population et des partenaires comme Pathfinder International et l’UNFPA, cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la Journée mondiale de la population, avec pour ambition de poser un regard lucide sur l’avenir démographique du Niger.
Plus qu’un simple rassemblement estudiantin, l’événement s’est voulu un moment de réflexion profonde, d’interpellation collective et de responsabilisation face aux réalités démographiques et sociales qui façonnent l’avenir du Niger.
Dès l’ouverture, le modérateur de la conférence, Mamane Bako Idrissa, par ailleurs Secrétaire général de l’Union des Étudiants Ressortissants de l’Arewa à l’Université de Niamey (UERAUN), a d’emblée campé le décor : « La jeunesse représente le levier du développement. Elle est l’espoir et la valeur des sociétés en mutation. Voilà pourquoi cette conférence s’impose dans un contexte où la jeunesse, surtout au Niger, mérite un regard critique et une réflexion analytique ».
Il a ensuite présenté les deux conférenciers de marque invités à nourrir les échanges : CHÉRIF SIDI Moustapha, Directeur Général de la Population, et ALZOUMA Mahamadou, expert national en population et développement à la Direction Générale de la Population, également ancien chef de division à l’INS.
La rencontre a enregistré la présence de Mme Mamoudou Mariama Douramane, directrice des stratégies, de l’information et de la communication au Ministère de la Population, accompagnée de plusieurs cadres du ministère. Y ont également pris part le représentant de l’UNFPA, Issoufou Garba Idrissa, Secrétaire général de l’UENUN, les membres du comité exécutif, ainsi que de nombreux étudiants et militantes et militants de l’union. Plusieurs communications et échanges ont marqué cette journée, abordant les grands défis liés à la démographie, à l’éducation, à l’emploi des jeunes, et à l’investissement stratégique dans le capital humain.
CHÉRIF SIDI Moustapha plaide pour un investissement structurant et une prise de conscience collective
Dans une intervention riche en données et en analyse conceptuelle, CHÉRIF SIDI Moustapha a décomposé la problématique du jour autour de trois axes : l’état des lieux de la jeunesse, les politiques existantes et des recommandations concrètes.
D’entrée de jeu, il a situé la jeunesse dans la tranche d’âge de 15 à 35 ans, « période où l’individu devient économiquement productif » — une période cruciale pour tout investissement en capital humain, selon lui. Il a ensuite souligné l’urgence de repenser l’investissement dans les jeunes : « Le capital humain, c’est le potentiel productif d’un individu, tributaire de sa santé et de son niveau d’éducation. Or, dans une économie moderne comme la nôtre, la simple force physique ne suffit plus. Il faut un capital humain intellectuellement formé ».
Sur les politiques publiques, il a été sans concession : « Les initiatives actuelles, souvent mal ciblées, peinent à répondre aux besoins spécifiques des jeunes, surtout ceux des zones rurales, qui constituent pourtant plus de 80% de cette tranche d’âge ». Il a également dénoncé l’inadéquation entre la formation universitaire et le marché de l’emploi : « À peine 2% de la tranche d’âge universitaire est représentée dans les campus. Et même là, les cursus ne préparent pas réellement à l’insertion professionnelle ».
Ses recommandations ont résonné comme un appel à la responsabilité individuelle et collective : « Vous avez les capacités de solutionner vos propres problèmes. Ne comptez pas sur l’État uniquement. Et aux jeunes filles, n’attendez pas un mari pour exister. Vous avez autant de potentiel ».
Démographie galopante et services à bout de souffle : ALZOUMA Mahamadou alerte sur l’urgence d’agir pour sauver le capital humain
Prenant la relève, ALZOUMA Mahamadou a offert une plongée méthodique dans la démographie nigérienne. « À l’indépendance, nous étions 3 millions. Aujourd’hui, nous frôlons les 27 millions d’habitants. Avec près de 50% de moins de 15 ans, c’est un poids démographique énorme à soutenir pour une population active peu qualifiée et sous-employée ».
Il a démontré, chiffres à l’appui, l’impact direct de cette pression sur la qualité des services sociaux. « Une femme nigérienne fait en moyenne plus de six enfants. Or, scolariser et soigner cette population nécessite des investissements massifs que nos capacités économiques actuelles ne permettent pas. Résultat : des écoles surchargées, des enseignants mal formés, une santé fragile, et donc un capital humain en dégradation ».
« L’indice de développement humain nous classe toujours parmi les derniers. Et ce n’est pas une fatalité. C’est la conséquence directe d’un système de production du capital humain qui n’arrive plus à suivre », a-t-il martelé.
Face à cette situation, il a proposé un mot d’ordre clair : agir à tous les niveaux. « Les politiques publiques seules ne suffisent pas. Il faut une prise de conscience collective. Chacun de vous, futurs enseignants, médecins, fonctionnaires ou agriculteurs, a un rôle dans l’amélioration du capital humain. L’action commence maintenant ».
Le Secrétaire Général de l’UENUN plaide pour une régulation rigoureuse de la natalité
Avant l’ouverture de la phase des questions-réponses, Issoufou Garba Idrissa, Secrétaire Général de l’Union des Étudiants Nigériens à l’Université de Niamey (UENUN), a secoué l’assemblée avec une prise de position franche et un plaidoyer sans filtre sur les enjeux démographiques et la nécessité de repenser les choix de société au Niger.
Pour Issoufou Garba, la question démographique est au cœur des défis nationaux : « À chaque fois qu’on parle de la population, de la jeunesse, de l’avenir, la question fondamentale des naissances constitue le noyau du problème, qu’on le veuille ou non », a-t-il affirmé avec conviction. Assumant pleinement sa posture antinataliste, il a précisé : « Moi, je suis antinataliste et je l’assume, peu importe le jugement des autres, parce que c’est une philosophie, une conviction profonde ».
Selon lui, tout développement sérieux repose sur une organisation maîtrisée de la démographie : « Tous les pays qui sont arrivés à se développer ont dû s’organiser, surtout en s’appesantissant sur la démographie. Le développement n’est pas une magie, c’est une organisation rigoureuse de l’évolution démographique et économique ».
Dans ce contexte, il a fermement condamné les naissances non réfléchies, qu’il considère comme un frein majeur au progrès : « On ne peut pas avoir le droit de mettre autant d’enfants qu’on veut au monde. Ce n’est pas possible, ce n’est pas technique, ce n’est pas humain. Un enfant doit être conçu, réfléchi sur papier avant d’être matériel ».
Au-delà de la simple planification, le jeune leader étudiant a insisté sur la responsabilité morale et financière des parents : « Si vous ne pouvez pas dépenser au moins 30 000 francs par mois pour un enfant, vous créez un danger pour lui. Sa stabilité psychologique, son alimentation, sa santé, ce sont des conditions essentielles pour qu’il puisse bénéficier d’une bonne éducation et d’un avenir viable ».
Il a également dressé un constat amer sur le prétendu dividende démographique nigérien : « On ne peut pas parler de dividende démographique au Niger. Notre niveau d’organisation ne va pas dans ce sens. Aujourd’hui, des enfants à l’université sont contraints de lutter pour un maigre repas. »
Face à cette situation préoccupante, Issoufou Garba appelle l’État à intervenir fermement : « L’État doit fermer les yeux et imposer l’ordre en responsabilisant les parents. Il faut sortir le bâton pour que règne l’organisation ».
La dimension religieuse n’a pas été occultée, le Secrétaire Général de l’UENUN prônant un débat ouvert et sincère : « Même le Coran, dans la sourate An-Nisa, conseille de n’épouser qu’une seule femme si l’on craint de ne pas être juste. Mais cette parole est souvent mal interprétée, ce qui bloque les politiques de gestion démographique. »
Il a souligné aussi l’urgence d’un cadre légal adapté : « Il faut un code de la famille conforme à nos valeurs, qui protège les droits des femmes et des enfants. Aujourd’hui, dans notre société, les aînés ont toujours raison, même quand ils ont tort. C’est une société de mensonges. »
Il a déploré les incohérences au sein même des élites intellectuelles : « Certains intellectuels avec des doctorats ont quatre femmes. C’est inquiétant. Il faut que chacun assume sa responsabilité dans la gestion de la société ».
Vers un nouveau pacte générationnel ?
Les interventions ont profondément marqué l’auditoire. À la clôture, Mamane Bako Idrissa a salué « la hauteur des débats et la clarté des analyses ». Il a appelé ses camarades à « sortir de cette salle avec une conscience renouvelée de leurs responsabilités face aux défis éducatifs, sociaux et économiques ».
Cette conférence universitaire, organisée dans un contexte de pression démographique sans précédent, aura permis de mettre des mots sur une réalité trop longtemps ignorée : la jeunesse nigérienne est à la fois un défi colossal et une chance historique. Encore faut-il lui offrir les moyens de devenir un véritable capital humain productif. Comme l’a rappelé l’un des intervenants : « Un pays ne se développe pas avec des slogans, mais avec des hommes et des femmes bien formés, bien soignés, conscients de leur rôle et prêts à agir ». Le rendez-vous du 15 juillet 2025 à la Place AB n’aura pas seulement été une conférence. C’était une sonnette d’alarme. Et peut-être, le point de départ d’une nouvelle génération d’acteurs du changement.
Abdoulkarim (actuniger.com)
Commentaires
Depuis des siècles, on nous a appris à obéir sans comprendre, à prier sans réfléchir, à accepter sans discuter. On nous a enchaînés avec des textes que personne ne nous laisse questionner. On nous a vendu une façade religieuse, coloniale dans son fonctionnement, déguisée en identité nationale.
Pendant que des enfants crèvent de faim, on vous parle de paradis. Pendant que des jeunes filles sont mariées de force, on vous récite des versets mal interprétés. Pendant que vous vivez dans la misère, des chefs religieux vivent dans l’abondance.
La foi devrait vous libérer. Elle vous a rendu esclaves.
Nous devons être clairs : il n’y aura pas de développement réel tant que la religion contrôlera vos écoles, vos familles, et vos esprits. Il faudra un jour — si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain — dissoudre cette façade religieuse. La religion doit rester dans les cœurs, pas dans les lois, pas dans les écoles, pas dans le pouvoir.
Vous avez été colonisés deux fois : par le colon européen, puis par le colon spirituel.
Le jour viendra où des hommes et des femmes briseront ces chaînes. Peut-être pas nous. Peut-être nos enfants.
Mais le Niger ne sera libre que le jour où le peuple osera regarder Dieu sans passer par un intermédiaire. Le jour où la connaissance primera sur la récitation. Le jour où la vérité primera sur la peur.
Ce jour approche.