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Boube Ibrahim President CENI Niger

L’emploi du temps est tiré au cordeau. Et c’est normal. A la veille des élections générales  du 21 février 2016 (présidentielle et législatives),  la Commission électorale nationale indépendante (CENI) du Niger s’activait pour les derniers réglages.  Boubé Ibrahim en est le Président. Homme d’un tempérament plutôt calme et posé, au débit lent, Boubé Ibrahim nous a reçu dans ses bureaux, le vendredi 19 février 2016, au siège de la CENI.

Zeyna commission0

Sur les préparatifs du scrutin, la polémique autour du « vote par témoignage » au sujet de laquelle il précise pourquoi la CENI a pris la décision de l’autoriser, l’utilisation des gadgets qui « n’est pas interdite au Niger », et sur bien d’autres sujets liés à l’organisation des élections, Boubé Ibrahim s’exprime non sans exhorter la classe politique  à faire en sorte que ces élections  soient libres, crédibles et apaisées.

« Le Pays » : A  quelque  48  heures des élections générales de février 2016,  peut-on dire que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est  fin prête pour une  bonne organisation du scrutin ?   

Boubé Ibrahim : Nous sommes effectivement  à quelques heures du scrutin du 21 février 2016. Il s’agit du scrutin présidentiel premier tour,  couplé aux législatives. Je puis vous assurer que la CENI est quasiment prête pour un déroulement normal de ce scrutin.  Nous sommes dans la phase opérationnelle et à l’heure où je vous parle (l’interview a été réalisée en ses bureaux, au siège de la CENI, le 19 février 2016, à deux jours du scrutin), nous avons acheminé tout le matériel électoral au niveau des communes. C’est le dernier niveau avant celui des bureaux de vote. Nous avons commencé dès aujourd’hui, la formation des membres des bureaux de vote. Cette formation va se poursuivre jusqu’à demain. Et juste après la formation, nous allons installer tous les membres des bureaux de vote dans leurs bureaux respectifs  avec le matériel électoral.  C’est vrai qu’il y a quelques difficultés sur le terrain, mais  nous sommes en train de les résoudre.

Quelles sont les difficultés constatées sur le terrain ?

En matière de logistique électorale, comme  vous le savez,  les imprévus ne manquent pas. On nous signale des manquements de tel bulletin ou de tel matériel électoral. Et à chaque fois, nous prenons des dispositions pour rapidement remédier à ces problèmes.

Vous venez d’indiquer que la formation des membres des bureaux de vote a débuté aujourd’hui même,  le scrutin étant prévu seulement pour dimanche, n’aurait-il pas fallu commencer plus tôt ? 

Non, pas du tout. D’habitude, on organise ces formations l’avant-veille et la veille du scrutin. Cela permet non seulement aux membres des bureaux de vote d’aller dans les bureaux, la mémoire encore fraiche, mais aussi d’acheminer le matériel en temps opportun.

Quel est à peu près le nombre d’observateurs internationaux présents en ce moment, au Niger ? 

Je n’ai pas une idée exacte du nombre d’observateurs. Cela dit, on reçoit au fur et mesure des demandes d’accréditation. J’en ai même reçu à l’instant même.  Mais je crois que leur nombre s’évalue  en termes de milliers, comprenant aussi bien des observateurs nationaux qu’internationaux.

La  CENI s’est-elle fixé un délai pour publier les résultats du premier tour ?

Elle s’est fixé un délai de 72 heures. Nous comptons relever ce défi. Vous savez, le Niger est vaste. Il fait 1 million 267 000 km2. Il y a des zones difficiles d’accès comme la région septentrionale. Donc, il faut que nous fassions tout pour acheminer  les résultats dans les meilleurs délais.

De quel budget la CENI dispose-t-elle pour organiser ces élections et est-il suffisant selon vous ?

Le budget est suffisant puisque c’est la CENI elle-même qui a élaboré son budget qu’elle a soumis au gouvernement, qui, à son tour, l’a adopté.

"1 million 180 mille Nigériens environ recensés par témoignage"

L’Exécutif nous a donné l’assurance que nous ne serons pas confrontés à un problème de trésorerie. Et jusqu’à présent, Dieu merci, nous n’avons pas de problème.  Je puis confirmer que nous avons mis tous les moyens financiers à la disposition des commissions décentralisées.

A combien s’élève ce budget ?

A un peu plus de 38 milliards de F CFA.

La CENI a sans doute été l’objet de critiques de la part de l’opposition. Qu’a-t-elle fait pour rectifier le tir, pour autant que ces critiques fussent fondées ?

Les critiques sont récentes. Il s’agit, comme vous le savez, de la décision qui autorise « le vote par témoignage ».  La CENI est au centre de cette polémique consécutive à sa décision d’autoriser le vote par témoignage, ou, plus précisément, de permettre l’identification de l’électeur par témoignage.

Qu’est-ce  qui vous a motivé à prendre cet arrêté ?

Je tiens tout d’abord à vous dire que nous avons environ  1 million 180 mille Nigériens qui ont été recensés par témoignage. Soit 15% du nombre d’électeurs recensés.  La loi a prévu le recensement par témoignage et la CENI a pris une décision compte tenu de  l’infusion de la loi, pour permettre que ceux qui se sont fait recenser par témoignage, puissent retirer leur carte par témoignage. A quelques jours des élections, la classe politique, à travers le Conseil national de dialogue politique (CNDP), nous a saisis pour nous demander de régler cette question, suite, je crois, à une mésentente au sein de cette classe.  Au vu de la lettre de saisine du Premier ministre, Président  du CNDP, j’ai estimé nécessaire, comme il s’agit là, plus de questions d’ordre juridique que politique, de mon point de vue, de saisir le Premier ministre pour lui demander de solliciter l’avis de la Cour constitutionnelle.  Le Premier ministre a plutôt jugé nécessaire de saisir le Conseil d’Etat qui a donné un avis favorable,  en estimant que le vote par témoignage est possible, eu égard à l’esprit de la loi et aux pratiques électorales au Niger. Depuis vingt ans, le Niger a utilisé ce moyen comme mode d’identification de l’électeur. Et, il y a une disposition de la loi électorale qui autorise la CENI à prendre toute initiative ou toute disposition concourant au bon déroulement des scrutins. C’est en vertu de cette disposition que la CENI a pris cette décision d’autoriser l’identification de l’électeur par témoignage. Il y a un débat juridico-politique qui est entretenu. Hier, nous avons reçu la notification d’une requête de l’opposition qui a saisi la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation de l’arrêté portant vote par témoignage. Nous attendons donc de savoir quelle sera la décision de la Cour constitutionnelle. Si elle estime que l’arrêté viole la loi, nous allons nous y soumettre, étant donné que sa décision s’impose à tous. (ndlr : la Cour constitutionnelle vient d’autoriser samedi, 20 février 2016, le "vote par témoignage", une procédure controversée permettant de voter sans pièce d'identité mais avec deux personnes attestant de l'identité du votant).

Mais en autorisant ce vote, ne craignez-vous pas que votre initiative engendre une grave polémique, surtout  qu’elle a été prise pratiquement à la veille des élections ?

Ce n’est pas la CENI qui a créé cette situation. Je dirais plutôt que c’est la classe politique qui l’a créée.  Tout le monde savait très bien que ce problème existe.  Vous conviendrez avec moi, et c’est un point de vue personnel, qu’il est inadmissible qu’après avoir autorisé que des Nigériens se fassent recenser par témoignage, laissé ces Nigériens retirer leur carte au travers du témoignage, on les empêche au finish,  de voter.  Si la finalité de tout cela, c’est qu’ils votent, qu’on ne dise pas, en  fin de compte, qu’ils n’ont pas le droit de voter. Je précise que c’est un point de vue personnel. J’estime que le droit de vote est un droit constitutionnel.

« S’il y a une défaillance de l’Etat civil dans ce pays, la faute n’est pas imputable au citoyen, mais  à l’Etat » 

Je vous ai dit tout à l’heure que l’art. 2 de la loi électorale qui permet à la CENI de prendre toute initiative ou disposition concourant au bon déroulement du scrutin. Et la catégorie de Nigériens concernés par ces problèmes de vote par témoignage, c’est celle du milieu rural. Imaginez-vous, le jour du scrutin,  qu’un électeur se présente avec sa carte d’électeur, et qu’on l’empêche de voter parce qu’il n’a pas sa pièce d’état civil.  S’il y a une défaillance de l’Etat civil dans ce pays, la faute n’est pas imputable au citoyen, mais  à l’Etat.  Ce sont des situations de nature à créer des troubles au niveau des bureaux de vote. Je dis bien que c’est un point de vue personnel. Nous avons pris cette décision pas pour des raisons politiques, mais pour des raisons purement juridiques et d’ordre opérationnel. Nous voulons des élections sincères et qu’elles se tiennent dans le calme et la sérénité. Et nous estimons que cette décision peut permettre à ce que cela soit fait comme  nous le souhaitons.

Mais  l’utilisation d’un fichier biométrique aurait fait l’économie de cette querelle…

Malheureusement,  nous étions bien partis pour l’élaboration d’un fichier biométrique. Mais à un certain moment, la classe politique et le Comité chargé du fichier électoral biométrique (CFEB), se sont rendu compte qu’il était pratiquement impossible d’élaborer le fichier biométrique à temps, pour le scrutin à venir. C’est pourquoi la classe politique a fait le choix de revenir au fichier classique. Et c’est là le problème : elle a fait l’option du fichier classique tout en oubliant de préciser le témoignage comme moyen d’identification de l’électeur. Evidemment, s’il s’était agi de la biométrie, on n’aurait pas parlé de témoignage, puisque la carte biométrique comporte tous les renseignements concernant l’électeur (empreinte digitale, photo faciale, etc.).

Cette crise  liée au vote par témoignage n’annonce-t-elle pas l’orage, en l’occurrence une crise post-électorale ?

Le Niger est un Etat de droit. S’il y a des décisions qui  sont prises et que des acteurs politiques ne sont pas contents, ils doivent  recourir au droit pour résoudre leurs problèmes.  Et le fait que l’opposition saisisse la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation de l’arrêté est pour moi, une bonne chose parce que là, la Cour constitutionnelle va dire le droit et trancher définitivement cette question. Il est préférable que les gens utilisent cette voie. S’ils estiment qu’une loi est illégale, la loi leur donne la possibilité de l’attaquer.

Par qui le président de la CENI est-il nommé ?

Le président de la CENI est un magistrat, de par la loi électorale. Il est élu par ses pairs. La loi stipule que  dans le cas où le président de la CENI est un magistrat, le premier vice-président est un représentant du barreau. Moi, en tant que président de la CENI, j’ai été élu par mes pairs magistrats. Le président de la République, après consultation de la classe politique, a entériné ce choix. Je ne suis pas politicien, je suis magistrat.

La Direction de la CENI est-elle permanente ? 

La CENI n’est pas permanente, elle est plutôt ad hoc. Elle a été installée le 19  juillet 2015. Elle est juste là pour gérer un processus électoral. Nous avons par contre, un secrétariat général permanent.

Quelles sont les mesures prises par la CENI pour minimiser la fraude ?

Pour parler de mesures, il s’agit plutôt du respect de la loi.  La loi a encadré les opérations électorales  de sorte à limiter au maximum la fraude. Au niveau des bureaux de vote, par exemple, chaque candidat y a son délégué. Et les délégués ont le droit de faire des réclamations.

« S’il y a achat de conscience, il faut le dénoncer pour permettre aux autorités compétentes d’engager des poursuites judiciaires »

Je profite de l’occasion pour demander aux partis politiques, de bien former leurs délégués, qu’il y ait des délégués qui maitrisent les textes électoraux et qui puissent objectivement faire des réclamations parce que la Cour constitutionnelle examine les requêtes et c’est sur la base de réclamations portées sur le procès-verbal de dépouillement du bureau de vote, que la Cour constitutionnelle apprécie le bien-fondé des requêtes en annulation des candidats.

Les gadgets sont-ils autorisés lors de ces élections, et si oui, pourquoi ?

(Ndlr : la question l’amuse, et l’ambiance est plus détendue) : Nous ne sommes pas au Burkina et du reste, là-bas, l’interdiction des gadgets est une mesure toute récente. Le Burkina est une exception qui confirme la règle.  J’y étais lors de la dernière campagne électorale et des gens ont pu dire, du fait de l’interdiction des gadgets, que cette campagne, contrairement aux précédentes, était fade.

Fade peut-être, certes,  mais ce type de mesure a l’avantage de donner lieu à un scrutin plus sincère, ne croyez-vous pas ?

C’est vrai, c’est plus sincère et cela permet aux différents  candidats d’avoir les mêmes chances.  Cela dit,  pour revenir à la question, les gadgets sont autorisés. Rien ne l’interdit au Niger.

Les achats de consciences sont donc vite arrivés…

L’achat de conscience est une infraction à la loi électorale. S’il y a achat de conscience, il faut le dénoncer pour permettre aux autorités compétentes d’engager des poursuites judiciaires.

Le problème ne s’est-il jamais posé ?

On ne peut pas dire que le problème ne s’est jamais posé. Les gens parlent, mais ne dénoncent pas. Quand vous ne saisissez pas l’autorité compétente, la CENI n’a pas de pouvoir de poursuite. Si vous constatez un cas avéré d’achat de conscience, vous savez à qui vous adresser.  A la limite, vous pouvez saisir la CENI qui, à son tour, saisira les autorités judiciaires compétentes, en l’occurrence le Procureur de la République.

Lors des campagnes électorales, il est fréquent de voir des politiciens « faroter » (frimer, en faisant étalage de billets de banque),  comme on le dit en Côte d’Ivoire. Est-ce que cela ne vous gêne pas, en tant que président de la CENI ?

Que ce soit en période de campagne électorale ou pas, ce genre de pratiques est fréquent. C’est une question de culture au Niger. Partout où il y a cérémonie, il y a toujours cet étalage de billets de banque. Même en dehors des campagnes, pendant les concerts, notamment, les gens « farotent». Mais ce qui est puni par la loi, c’est le fait de donner de l’argent à quelqu’un pour qu’il vote pour soi.

Quel dernier message avez-vous à lancer en direction des acteurs politiques ?

J’exhorte les acteurs politiques, la société civile, etc.,   à faire en sorte que ces élections  soient libres, crédibles et apaisées.  La réussite des élections ne dépend pas exclusivement de la CENI.  Tous les acteurs impliqués dans le processus, doivent jouer leur partition. Il s’agit d’une question d’intérêt national, donc les uns et les autres doivent mettre l’intérêt national au-dessus de tout.

Propos recueillis à Niamey par Cheick Beldh’or SIGUE (Envoyé spécial)

Le Pays



Commentaires

4
La paix
8 années ya
Nous croyons en DIEU, seigneur supr
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5
Dan Nomao
8 années ya
Extrait:

Chers fr
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4
ceni_catastroph
8 années ya
38 milliards de budget et un chaos electoral au finish ? quel bon boulot monsieur.
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4
dan dawra
8 années ya
jesper qu'un audit sera fait
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1
Ousseini Mani
8 années ya
:lol: bonsoir
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1
Ousseini Mani
8 années ya
Bonjour
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3
R
8 années ya
Ibrahim Boub
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0
Allah est grand
8 années ya
Nos votes vol
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0
Lydsay niamey
8 années ya
[quote name="Allah est grand"]Nos votes vol
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0
BEBE
8 années ya
BIEN DIS MON CHER LYDSAY C EST SEULEMENT EN INVOQUANT LE TOUT PUISSANT COMME L A FAIT LE REGRETTE KOUNTCHE QUE LE NIGER POURRA SORTIR DE LA DESOLATION DANS LAQUELLE ON CHERCHE A LA PLONGEE
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