TRAFIC DE DEVISES : Les vérités et contre-vérités de Bazoum Mohamed
Le Président du PNDS Tareyya et ministre d’Etat à la Présidence, Bazoum Mohamed, a certainement encore raté une occasion de se taire mais il a eu le mérite d’être la première personnalité au plus haut sommet de l’Etat à parler de cette sombre affaire de trafics de devises. On se rappelle qu’il y a quelques semaines, les douaniers en service à l’Aéroport de Niamey ont saisi d’importantes sommes d’argents en espèces et en devises étrangères (l’équivalant de 8,8 milliards de FCFA) avant que « sur ordre venu d’en haut » selon le principal syndicat des douanes, la somme saisie ne soit intégralement restituée à ses propriétaires sans aucun prélèvement.
Le gouvernement s’est jusque-là refusé à livrer sa part de vérités dans cette affaire qui ne cesse de faire couler beaucoup d’encre à Niamey avec l’entrée en scène de l’opposition politique qui est allée jusqu’à accuser le Président de la République de « haute trahison » et a réclamé la démission du ministre de l’Economie et des finances Saidou Sidibé, lequel aurait donner l’ordre de restitution. Même la société civile s’en est emparée du sujet en demandant des comptes au gouvernement. Selon nos informations, le ROTAB, un collectif d’ONG très actif dans le domaine de la transparence budgétaire, s’apprête à déposer plainte dans le cadre de la même affaire.
Dans un entretien qu’il a accordé aux médias de Zinder, et qui a été relayé sur la télévision publique, à l’occasion de la tournée politique qu’il effectue dans la région, Bazoum Mohamed a confirmé la saisine suivie de la restitution des devises en question. Pour le ministre d’Etat à la Présidence, cette affaire n’a rien de scandaleux et l’Etat a juste voulu « rendre service à des compatriotes nigériens, dont des ressortissants de Zinder, commerçants de leur état et établis à Kano au Nigéria ». Bazoum Mohamed a reconnu que certes la pratique est « illégale » mais « elle est courante dans les pays de la région, les commerçants ne sont pas familiers avec les circuits bancaires ». « Nos commerçants ont toujours transporté avec eux leurs argents par des circuits informels connus de tous ». D’ailleurs, a expliqué le Président du PNDS Tareyya, ce n’est pas la première fois que de telles affaires surviennent. Il a rappelé que lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, l’un des premiers dossiers qu’il a eu à gérer était la saisine de près de 3 milliards de FCFA d’un commerçant nigérien par des douaniers à Lomé au Togo. Avec l’accord du Chef de l’Etat, « j’ai du intervenir personnellement pour que l’argent soit restitué à son propriétaire après plusieurs mois de négociations avec les autorités du pays » a ajouté Bazoum. De même, l’ancien chef de la diplomatie nigérienne a affirmé être intervenu encore au Soudan où des commerçants nigériens se sont fait également prendre avec des devises.
Relativement à l’actuelle affaire qui s’est passée à Niamey, Bazoum Mohamed a expliqué que l’Etat a préféré restituer les sommes saisies à leurs propriétaires « afin de ne pas les pénaliser » parce que « si on prélevait les taxes dues, ces gens-là n’auront pas beaucoup de bénéfices ». Au passage, le président du parti présidentiel a tenu à contrarier les déclarations du SNAD selon lesquelles, les mis en cause étaient prêts à payer les amendes et taxes qui s’appliquaient en pareille circonstance. Selon Bazoum, « ce que la loi dit, c’est qu’il faut confisquer toute la somme saisie ».
D’après le ministre Bazoum, les commerçants impliqués qui étaient en partance pour Dubai pour des affaires, avaient déjà séjourné dans plusieurs villes notamment à Istambul en Turquie et leurs argents n’avaient pas été saisis.
Les déclarations du ministre d’Etat à la Présidence expliquent donc le mutisme du régime par rapport à cette affaire. En clair, il n y a rien avoir et la procédure de mise en accusation du Président de la République qu’entendent mettre en exécution les députés l’opposition, laisse imperturbable le gouvernement. « De quelle manière ceux qui ne sont même pas parvenus à faire voter une motion de censure contre le premier ministre, espèrent destituer un Président ? » s’est interrogé avec ironie le président du parti présidentiel pour qui l’opposition sait qu’elle ne dispose pas des députés nécessaires pour enclencher la procédure. « Il s’agit seulement pour les opposants de faire du bruit car c’est tout ce qu’ils peuvent faire » a déclaré Bazoum ajoutant que l’opposition n’a pu, jusque-là, qu’organiser que deux manifestations d’envergure parce que ses animateurs ne sont pas capables « d’investir ne serait-ce qu’un million pour louer des bus et mobiliser les gens ». A ce sujet, la bourde de Bazoum n’est pas passée inaperçue même pour un observateur neutre puisqu’implicitement, il reconnait cette pratique qui consiste à payer les manifestants pour assister à un quelconque évènement politique. Il est vrai que toutes les formations politiques sont logées à la même enseigne et font recours à « des motivations financières » mais par le passé le régime a démenti, en dépit des preuves, avoir payé des manifestants comme lors de la marche de février dernier. Bazoum a même confirmé qu’à l’époque où ils militaient avec certains opposants d'aujourd’hui dans l’opposition d’hier, c’est eux qui mettaient la main à la poche parce qu’ils avaient confiance au combat qu’ils menaient.
Voilà qui est dit ! A défaut des explications officielles du gouvernement, les justifications du ministre Bazoum Mohamed permettent d’avoir la version officieuse du régime. Au vu des réactions qui ont suivi l’intervention de Bazoum, il est fort à parier que ces explications n’ont guère convaincu et risquent de se retourner contre le gouvernement.
En tout, l’opinion s’est largement indignée du fait qu’un ministre puisse tenir de tels propos allant jusqu’à justifier publiquement une infraction à la loi.
A. Y. Barma (actuniger.com)
Commentaires
Dedice a ceux que j ai oublier