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Le 13 novembre 2024, le Palais des Congrès de Niamey a accueilli le deuxième panel de la première session du Forum National sur les Décès Maternels et Périnatals. Six experts se sont penchés sur les défis socio-anthropologiques et démographiques affectant la santé des femmes enceintes, des mères et des nouveau-nés au Niger. À travers des recherches approfondies, ils ont exploré les facteurs déterminants des problèmes de prise en charge, tout en identifiant les leviers nécessaires pour améliorer la situation. Parmi les enjeux majeurs abordés : l'impact des traditions, des structures sociales et des pratiques culturelles sur la réduction de la mortalité maternelle, ainsi que le rôle des leaders traditionnels et religieux dans la lutte contre ce fléau.

 

Zeyna commission0

 

Défis socio-anthropologiques dans la prise en charge de la santé maternelle et néonatale au Niger : facteurs clés et leviers d'action

Le Dr Mamane Sani, sociologue-chercheur au LASDEL, a partagé des éclairages précieux sur les progrès réalisés dans la lutte contre la mortalité maternelle et néonatale au Niger, ainsi que sur les obstacles persistants qui freinent les efforts dans ce domaine crucial.
Le Dr Mamane Sani a souligné les progrès majeurs accomplis ces dernières années, notamment l’expansion de la couverture sanitaire grâce à la transformation des anciennes cases de santé en centres de santé intégrés (CSI) de type 1 et 2, ainsi que la création de centres de santé mère-enfant et d’unités néonatales. Ces initiatives ont été accompagnées de l'amélioration des infrastructures routières et du recrutement massif de personnel médical entre 2002 et 2020. Ces efforts ont permis des réductions notables de la mortalité maternelle et néonatale durant certaines périodes, bien que le Niger reste encore loin d'atteindre les standards internationaux.
Malgré ces avancées, plusieurs défis demeurent, comme l’a fait remarquer Dr Mamane Sani. Il a évoqué la "théorie des trois retards", un cadre d’analyse qui reste pertinent pour comprendre les obstacles à la réduction de la mortalité maternelle.
Le retard de prise de décision : Ce retard est souvent lié aux normes sociales et culturelles. Dans de nombreuses familles, les décisions de santé sont prises par d'autres membres, souvent sans que la femme ait son mot à dire. De plus, un manque de connaissance des signes de danger pendant la grossesse et un faible niveau d’éducation des femmes et de leurs partenaires exacerbent la situation. La pauvreté des ménages joue également un rôle crucial, rendant l'accès aux soins plus difficile.
Le retard d’accessibilité géographique : Le Dr Mamane Sani indique que la répartition inégale des infrastructures sanitaires, associée à des terrains difficiles et à des moyens d’évacuation souvent vétustes, complique l'accès aux soins de santé, notamment dans les zones rurales.
Le retard d’accessibilité financière : Les coûts associés aux soins médicaux, au transport et à l’hébergement demeurent des barrières majeures, en particulier pour les familles des zones les plus reculées.
En outre, des normes sociales et culturelles, telles que la préférence de certaines femmes pour des accouchements à domicile afin d'éviter la présence de personnel masculin, sont courantes dans des régions comme Zinder. Certaines femmes multipares refusent de se rendre dans des structures de santé en raison de la présence de jeunes sages-femmes, qu’elles perçoivent comme intrusives.
Pour surmonter ces défis, le Dr Mamane Sani recommande plusieurs leviers stratégiques :
Mise à l’échelle des initiatives communautaires : Il propose de généraliser le financement participatif local, à l’instar du "sentiment additionnel" observé à Tillabéri, pour soutenir les évacuations sanitaires, en impliquant directement les communautés dans les solutions de santé.
Promotion des innovations locales : Le recours à des outils numériques comme les groupes WhatsApp, utilisés par les professionnels de santé pour gérer les références et contre-références, représente une innovation prometteuse pour améliorer l’efficience des systèmes de santé locaux.
Capitalisation des acquis des projets de santé : Dr Mamane Sani préconise une meilleure documentation et une mise en réseau des bonnes pratiques issues des projets précédents afin de renforcer les capacités des systèmes de santé locaux et d’assurer leur pérennité.
Éducation et sensibilisation : Enfin, il insiste sur l’importance d’une sensibilisation ciblée des communautés, notamment pour promouvoir les soins prénatals et postnatals tout en respectant les spécificités culturelles locales, afin de briser les résistances et améliorer la prise en charge des femmes enceintes.

 

Facteurs démographiques et sociaux : enjeux et progrès pour la réduction des décès maternels et périnatals au Niger
Lors de son intervention, M. Chérif Moustapha Sidi, Directeur Général de la Population et des Affaires Sociales, a dressé un portrait inquiétant de la situation sanitaire des femmes et des enfants au Niger. M. Chérif Moustapha Sidi a mis en lumière les principaux facteurs aggravants de la mortalité maternelle et infantile au Niger, qu'il a désignés sous le terme des "quatre trop". Ces facteurs sont déterminants dans l'augmentation des risques de décès chez les mères et les nouveau-nés.
Le premier de ces facteurs est le fait d’être trop jeunes. Les grossesses précoces, avant 18 ans, représentent une grave menace pour la santé des jeunes filles, encore en pleine croissance, ce qui expose à des complications graves, tant pour la mère que pour l'enfant.
Le deuxième facteur est des grossesses trop rapprochées, lorsque les intervalles inter génésiques sont inférieurs à deux ans. Ce manque de temps entre les naissances augmente les risques de maladies et de décès, tant pour les mères que pour les enfants, en raison de l’épuisement physique et des risques accrus liés à des grossesses successives.
M. Sidi a également évoqué les grossesses trop tardives, c’est-à-dire celles survenant après 40 ans. À cet âge, les risques pour la santé de la mère et de l’enfant augmentent considérablement, en raison de complications médicales possibles et de l’âge avancé de la mère, qui peut affecter la grossesse et l’accouchement.
Enfin, il a souligné le danger des grossesses trop nombreuses, c’est-à-dire lorsque le nombre de grossesses dépasse quatre par femme. Cette surcharge physiologique augmente les risques de complications, tant pendant la grossesse que lors de l’accouchement, mettant en péril la santé des mères et des nouveau-nés.
M. Sidi a souligné que 83 % des naissances au Niger surviennent dans ces conditions. En parallèle, le désir culturel d'avoir de nombreux enfants reste un obstacle majeur à l'adoption de pratiques de planification familiale. Une femme nigérienne souhaite en moyenne neuf enfants, tandis que les hommes en espèrent onze, un écart qui montre la nécessité d'un changement de mentalité en matière de reproduction.
Pour endiguer cette situation, plusieurs axes d’interventions ont été proposés par M. Sidi. La réduction de la fécondité est une priorité, car une baisse de l'indice de fécondité actuel de 7,2 enfants par femme pourrait permettre d'éviter plus de 300 000 décès maternels et 1,26 million de décès infantiles, selon des projections. Il a également insisté sur le renforcement des capacités du système de santé, notamment en matière de sages-femmes et de formation des professionnels de santé, pour répondre à la croissance démographique rapide du pays.
Un autre point important abordé par M. Sidi est l’implication des hommes dans la gestion de la santé reproductive au sein des couples. Réduire l'écart d'âge moyen entre les conjoints, qui est actuellement de neuf ans, pourrait améliorer la communication et la coopération pour mieux gérer la santé maternelle et infantile.
Enfin, M. Sidi a appelé à une mise à jour des données sur la mortalité maternelle, soulignant l'importance d'une enquête nationale, absente depuis 2015, pour mieux orienter les politiques publiques.


Défis dans le cadre de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant en lien avec leur santé au Niger
Les interventions sur les défis socio-culturels et économiques ont été particulièrement mises en avant par Mme Hadjara Arzika, qui a souligné l’urgence de réformer des pratiques et comportements profondément ancrés. Le mariage précoce, touchant 65% des filles de moins de 18 ans, est un facteur majeur contribuant aux grossesses précoces et à la mortalité maternelle et infantile. Ces jeunes filles, souvent physiquement immatures, sont exposées à des complications graves, telles que des fistules obstétricales.
La violence basée sur le genre constitue également un frein majeur à l’accès aux soins, particulièrement en milieu rural. Les femmes enceintes, parfois battues ou devant obtenir l’autorisation de leur mari pour accéder aux soins, se trouvent dans une situation de dépendance qui aggrave encore les risques de complications durant la grossesse.
Les inégalités d’accès à l’éducation sont également un problème de taille. Les filles sont souvent désavantagées par rapport aux garçons, que ce soit pour l'accès à l’école ou pour leur maintien dans le système scolaire. Cela contribue à maintenir les jeunes filles dans des situations vulnérables, notamment en matière de santé et de reproduction.
Le manque de financement pour la protection de l'enfance est un autre défi majeur. En dépit de quelques efforts, le secteur reste insuffisamment soutenu, avec des prestataires souvent bénévoles, ce qui compromet la qualité et la continuité des services.


Défis et leviers d'action des organisations féminines dans la lutte contre la mortalité maternelle : inclusion des femmes et rôle des hommes
Mme Moussa Fatimata, membre du Réseau des Femmes Africaines Ministres et Parlementaires (REFAMP) Niger, a ouvert le débat en soulignant l'importance d’une plus grande inclusion des femmes dans les processus décisionnels relatifs à la santé maternelle et infantile. « Les organisations féminines, malgré leur rôle central dans la promotion de la santé des femmes et des enfants, sont trop souvent exclues des politiques publiques », a-t-elle déploré. Elle a insisté sur la nécessité d’un dialogue politique inclusif où les femmes soient parties prenantes, notamment dans l’allocation des ressources et la définition des priorités sanitaires.
Le rôle des hommes dans la lutte contre la mortalité maternelle a également été au centre de son intervention. Selon elle, sans un engagement actif des hommes, notamment dans la prise en charge des frais d’accouchement et la décision de recourir aux soins de santé, les efforts resteront limités. « Il est essentiel que les hommes soient responsabilisés et participent activement à la réduction des risques », a ajouté Mme Moussa.
Par ailleurs, elle a proposé de traiter les décès maternels comme une urgence sanitaire, à l’instar d’autres maladies épidémiques. Elle a plaidé pour que ces décès soient systématiquement rapportés, permettant ainsi un suivi plus rigoureux et des actions plus ciblées.


Les Chefs traditionnels : un rôle clé sous-exploité dans la déduction de la mortalité maternelle et périnatale

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L’Honorable Dr Moussa Sadou, Chef de Canton de Sakoira et Représentant de l'Association des Chefs Traditionnels du Niger (ACTN), a pour sa part mis l’accent sur le rôle crucial des chefs traditionnels dans la lutte contre la mortalité maternelle et périnatale. Bien que la loi de 2015 reconnaisse leur statut d’acteurs et partenaires de développement, Dr Moussa a relevé que leur contribution reste largement limitée à des activités protocolaires. Selon lui, l’implication des chefs traditionnels dans toutes les phases des programmes de santé, de la conception à l’évaluation, est indispensable pour leur efficacité.
Un autre défi majeur évoqué par le chef de canton est la relation de confiance entre le personnel soignant et les populations locales. Il a souligné qu’un accueil plus chaleureux et un dialogue ouvert dans les formations sanitaires sont essentiels pour améliorer l’accès aux soins, en particulier dans les zones rurales.
Pour pallier ces défis, plusieurs propositions ont émergé. L’une des solutions innovantes proposées par Dr Moussa est la mise en place de programmes de suivi mensuels des femmes enceintes. Les agents de santé, après avoir recensé toutes les femmes en âge de procréer, se rendraient chez celles qui ne peuvent pas se rendre dans les formations sanitaires pour les accompagner. L’objectif est d’assurer que chaque accouchement se déroule dans des conditions optimales, avec un personnel qualifié et dans un environnement sanitaire sécurisé.
De plus, Dr Moussa a suggéré que les ressources humaines des chefs traditionnels soient pleinement exploitées pour sensibiliser et mobiliser les communautés, notamment en matière de lutte contre les mariages précoces et les accouchements à domicile. Un appel a également été lancé pour l’implication de la diaspora nigérienne, afin de financer des programmes de santé et soutenir les efforts de sensibilisation.


Le deuxième panel du Forum National sur les Décès Maternels et Périnatals, a clairement mis en évidence les multiples défis socio-anthropologiques, démographiques et sanitaires qui freinent les progrès dans la lutte contre la mortalité maternelle et néonatale au Niger. Bien que des avancées notables aient été réalisées, la situation reste préoccupante, notamment en raison des pratiques culturelles ancrées et des obstacles géographiques et économiques. Toutefois, les experts ont souligné que des leviers stratégiques existent pour améliorer la situation, notamment à travers la mobilisation des communautés, l'innovation technologique et la sensibilisation ciblée. L’implication active des femmes, des hommes, des chefs traditionnels et des acteurs locaux est cruciale pour transformer les progrès en solutions durables. Il est impératif de continuer à plaider pour une approche inclusive et un engagement renforcé des parties prenantes, afin d’assurer que chaque femme et chaque enfant puisse bénéficier d’une prise en charge de qualité et d’un environnement sanitaire sécuritaire.

 



Commentaires

0
Liboto Dobou
1 semaine ya
Pourquoi nous avons abandonné le système de matrone? une bonne partie de cette mortalité maternelle est lié à l'incompétence des sages femmes. Et d'ailleurs certains produits médicaux sont distribués gratuitement dans nos centres de santé par des partenaires qui souhaitent réduire notre population - c'est une sorte d'arme chimique pour nous détruire. il faut valoriser notre culture en formant les tradipraticiens de santé et refuser toute distribution gratuite de médicaments
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