Bazoum contre contractuels : Une bataille où se joue l'avenir des enfants nigériens
Après une tentative de négociation infructueuse, le Ministre Bazoum Mohamed, ministre chef d'État, ministre de l'intérieur et président du principal parti de la majorité présidentielle, a sorti son bazooka contre les dirigeants syndicaux du secteur de l'éducation, coupables d'avoir choisi, faute d'un accord répondant à leurs préoccupations, de continuer le combat autour de la plate-forme revendicative. "Vous n'êtes que des contractuels avec un statut précaire", a cru devoir rappeler le tout puissant ministre, sous forme de mise en garde aux pauvres enseignants contractuels.
Comme chaque fois que le Ministre Bazoum intervient sur un sujet important, notamment à l'occasion d'un conflit social ou politique, les Nigériens ont eu droit à une triste vérité : ceux qui nous dirigent n'ont aucune considération pour les pauvres gens, ces milliers de précaires, qu'ils soient contractuels de l'enseignement ou pas, qui se battent au quotidien pour gagner leur pitance. La précarité est un statut qui doit confiner à la résignation; et s'il y a quelque part des précaires qui essaient de se soustraire à cette règle d'or, c'est qu'il y a derrière eux quelqu'un, probablement un burkinabé. Un précaire nigérien normal est par essence fataliste; il n'a jamais vu se faire une révolution depuis que le Niger est Niger.
Devant cette triste vérité assénée par le Ministre Bazoum, les Nigériens que nous sommes avons désormais un choix clair à faire : soit, on se mobilise pour soutenir le combat des enseignants contractuels qui, bien que corporatiste de part les revendications mises en avant par les syndicats, est aussi un combat pour le sauvetage de l'école publique; soit, alors on joue tous aux précaires normaux, comme le souhaite ardemment le Ministre Bazoum, en pliant devant ce qu'il convient de considérer comme une mise à mort de l'école publique, celle qui a fait président, ministres, conseillers, directeurs, etc ceux qui nous dirigent aujourd'hui.
Bien entendu, il est fort possible que cette mobilisation générale que beaucoup ne cessent d'appeler de tous leurs vœux, n'advienne pas dans l'immédiat dans ce pauvre pays où la précarité a atteint des sommets. C'est le lieu de rappeler que s'il y a une chose que le régime en place a réussi parfaitement, c'est d'avoir amené tous les pères de familles précaires à comprendre qu'il ne sert à rien de nourrir des grands rêves pour leurs enfants; mais, Dieu merci, il y a encore au sein de ce régime des personnes sur lesquelles tous les précaires peuvent compter, pour se passer de nos amis Burkinabe qui ont d'autres chats à fouetter et qui ne sont pas eux-mêmes mieux lotis que nous autres Nigériens dans ce domaine. Parmi ces personnes, il faut rendre grâce à Monsieur Bazoum Mohamed qui, même après des années de carrière diplomatique, s'est gardé d'adopter la langue de bois des diplomates ordinaires.
En tout cas, quand Bazoum disserte sur un sujet important, tout le monde peut trouver son compte; et c'est cela même n'est ce pas la marque des grands philosophes. Le discours de Bazoum sert tout le monde : d'abord, le Président Issoufou qui, visiblement, voit chaque sortie médiatique de son compagnon, en période de crise, comme un signe de loyauté à son égard; et ensuite, tous ceux qui, adversaires politiques ou acteurs de la société civile, ennemis internes ou externes, peinent parfois, par leurs propres discours, à mettre à nu le vrai visage du régime en place. C'est dire donc que Dieu aime vraiment les précaires de ce pays, lui a fait une bonne place à Mohamed Bazoum dans le cœur du Président Issoufou, afin qu'il tienne, chaque fois qu'il en a l'occasion, le discours qu'il faut pour que la mobilisation en faveur de l'école, donc en faveur de l'avenir de nos enfants, advienne plus vite que prévu dans l'agenda burkinabe.
Moussa Tchangari
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