Reconfiguration géopolitique en Afrique de l’Ouest : un an après leur retrait, les pays de l’AES planchent sur les formalités de séparation avec la CEDEAO

Un an après avoir officiellement quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Burkina Faso, le Mali et le Niger, réunis au sein de la Confédération des États du Sahel (AES), ont tenu une réunion cruciale ce dimanche à Ouagadougou. Autour de la table, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont planché sur les modalités pratiques de leur séparation avec l’organisation ouest-africaine. Objectif : définir une stratégie commune pour négocier cette rupture inédite, tout en consolidant les bases d’une coopération renforcée au sein de l’AES. Une étape décisive dans un contexte régional en pleine reconfiguration, où les trois États entendent affirmer leur autonomie et construire un modèle d’intégration alternatif, loin des influences extérieures.

Une vision commune pour l’avenir
SEM Karamoko Jean Marie TRAORE, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, a quant à lui exprimé son souhait que cette réunion aboutisse à « la création d’un espace sous-régional plus fort, plus cohérent et plus en phase avec les aspirations profondes de nos populations ». Cette déclaration reflète la volonté des trois pays de construire un modèle d’intégration alternatif, centré sur les priorités locales et les défis spécifiques du Sahel.
Du côté du Niger, SEM Bakary Yaou SANGARE a insisté sur la nécessité de disposer d’un document de stratégie clair et robuste pour guider les négociations avec la CEDEAO. « Nous devons être prêts à défendre nos intérêts avec fermeté et détermination, tout en restant ouverts à un dialogue constructif », a-t-il affirmé.

Les enjeux d’une séparation historique
Le retrait des trois pays de la CEDEAO en 2024 avait été motivé par des divergences profondes sur des questions sécuritaires, économiques et politiques. Les États de l’AES avaient notamment critiqué ce qu’ils percevaient comme une ingérence excessive de la CEDEAO dans leurs affaires intérieures, ainsi qu’un manque de soutien dans leur lutte contre le terrorisme et l’instabilité régionale. Depuis, la Confédération des États du Sahel s’est engagée à renforcer sa coopération interne, notamment dans les domaines de la défense, de l’économie et de la diplomatie.
Cependant, la séparation d’avec la CEDEAO n’est pas sans défis. Les trois pays devront négocier des accords sur des questions sensibles telles que la libre circulation des biens et des personnes, les tarifs douaniers, et les mécanismes de coopération transfrontalière. La réunion de Ouagadougou marque donc une étape cruciale dans la préparation de ces négociations, qui s’annoncent complexes et potentiellement tendues.

Une dynamique régionale en mutation
Cette réunion ministérielle s’inscrit dans un contexte régional en pleine mutation, où les alliances traditionnelles sont remises en question et où de nouveaux pôles de pouvoir émergent. La Confédération des États du Sahel, bien que jeune, aspire à devenir un acteur clé dans la reconfiguration géopolitique de l’Afrique de l’Ouest. En se positionnant comme une alternative à la CEDEAO, l’AES cherche à incarner une vision différente de l’intégration régionale, fondée sur la souveraineté, la solidarité et le respect mutuel.
Les décisions prises lors de cette réunion pourraient bien déterminer l’avenir non seulement de la Confédération des États du Sahel, mais aussi de l’ensemble de la région ouest-africaine.

Ibrahim Issa (actuniger.com)