Djibril Baré : « Moi j’ai un programme ambitieux …et Incha Allah je serais candidat en 2021 ! »
Quel bilan faites-vous de la présidence Issoufou Mahamadou
Si vous me demandez de faire le bilan du mandat de Issoufou Mahamadou, je vous confierais d’emblée que j’ai horreur de tirer sur des ambulances. Mon éducation me l’interdit.
Et toutes les lois internationales sur les droits humains l’interdisent. Mais puisque vous insistez, je vous dirais simplement que le bilan du programme pompeusement appelé « renaissance » est très facile à tirer. Notre pays vient d’être reconfirmé dernier dans le classement de l’Indice du Développement Humain (IDH), c’est, pour la 6ème fois en 8 ans de régime du président Issoufou. C’est le plus grand drame que j’ai vécu en tant qu’Economiste et Banquier Central. Comment le président Issoufou, avec les meilleurs Economistes du Niger qui l’entourent et toutes ces richesses du sous-sol et les qualités reconnues de l’homme Nigérien, peut-il nous faire subir cet affront ? Je me pose encore la question.
En matière de gouvernance, notre pays, le Niger a été classé au 120 ème rang mondial en matière de démocratie et son régime a été classé comme autoritaire avec un indice de 3,33, loin derrière des pays de notre zone comme le Sénégal, le Bénin, la Cote d’ivoire et le Mali. Ce qui n’est pas étonnant, avec ces violations innombrables de la constitution, ces emprisonnements politiques et ces multiples entraves à la liberté de presse de même que celles de la liberté d’aller et venir à Niamey et dans certaines régions enregistrées tout au long des années de gouvernance depuis 2011.
Si vous vous insistez pour que je continue à tirer sur l’ambulance « renaissance » du président Issoufou, je vous rappellerais, que les ressources humaines sont les premières richesses d’un pays et de son propre aveu, fait dans son discours du 3 août dernier, l’intéressé a reconnu que « La qualité du système éducatif transparaît à travers les résultats de l’évaluation des apprenants en fin de cycle. Les résultats des examens du BEPC et du BAC qui viennent de se dérouler confirment la faiblesse de notre système éducatif. En effet les taux de réussite au BEPC et au BAC sont respectivement de 39,61% et 25,75%. Ces taux très faibles de réussite aux examens ne sont pas le seul fait des enseignants dont le niveau est souvent mis en cause. Ils sont surtout le résultat des perturbations multiples qui jalonnent l’année scolaire. » Quand le Ministre de l’Enseignement Primaire, Dr Daouda Marthé, a reconnu en 2016 que 60% des élèves du CP ne pouvaient lire que cinq (5) lettres de l’alphabet sur les 26, alors vous pouvez mesurer tout le drame que traverse l’école nigérienne.
Sans vouloir tirer davantage sur « l’ambulance renaissance », je dirais que la plus grande catastrophe c’est en matière d’infrastructures. Là je vous dirais que le président s’est totalement planté.
Il y a d’abord
- Ces échangeurs qui n’échangent rien du tout puisque la circulation n’a jamais été aussi bloquée à Niamey et qui nous ont coûté des dizaines de milliards qui auraient pu servir à désenclaver de nombreuses régions et zones du pays;
Ensuite, cette centrale diesel budgétivore de Gorou banda et pollueuse qui a renchéri le coût de l’énergie, et grevé les budgets des ménages et des entreprises. Si l’on voulait plomber le compte des entreprises et des ménages on ne s’y prendrait pas autrement. Mais il est vrai que tout n’est pas perdu pour tous. Les choix des investissements de prestige, tels que de coûteux échangeurs à plusieurs dizaines de milliards de FCFA, en lieu et place de pistes ou routes rurales plus économiquement et financièrement rentables dans un des pays les plus enclavés de l’Afrique de l’Ouest et le plus mal desservi en voies de communication ;
- L’abandon de l’exploitation de la mine géante d’Imouraren, qualifiée alors de « future grande mine à ciel ouvert du monde », dont la production avait été estimée à 5000 T d’uranium par an qui nous a fait rêver;
- Le retard dans la réalisation du Barrage de Kandadji, démarré en 2010, du fait de la défaillance de l’entreprise chargée de sa réalisation, avec un coût psychologique énorme dans le subconscient des nigériens ;
- la réalisation en pure perte de la pose de 140 km de rails entre Niamey et Dosso, effectuée sans étude de faisabilité, en créant un contentieux juridique par le non-respect des engagements souscrits par le Niger en janvier 1999 sur la concession de « la boucle ferroviaire ». Mais au fait qui paiera les 1900 milliards de FCFA et 292 milliards de FCFA réclamés au Niger respectivement par Bolloré et Africarail au tribunal arbitral d’Abidjan ?
J’éviterai d’évoquer les nombreux scandales financiers qui ont eu cours pendant la gouvernance de la renaissance. Mais la seule chose que je peux vous certifier c’est que si le développement d’un pays se mesurait au nombre de déplacements du président et de séminaires et colloques organisés, notre pays serait parmi les 50 premières puissances économiques mondiales. Malheureusement les sommets et autres participations aux sommets et séminaires internationaux n’ont jamais développé un pays et notre président doit s’en convaincre.
Serez-vous candidat à l’élection présidentielle en 2021 et sous quelle bannière ?
Ecoutez, la meilleure façon de servir son pays, c’est de lui proposer les moyens de s’en sortir. Le président Issoufou, l’a dit à plusieurs reprises : « Le Niger est un pays riche mais mal géré ». Alors nous avons vu le programme de la renaissance, qui nous a poussés dans un gouffre dans lequel nous ne sommes pas prêts de sortir, avec un endettement abyssal et des investissements désastreux. Notre sécurité est menacée même aux portes de Niamey. Donc logiquement, tous les acteurs de ce programme sont en principe disqualifiés pour piloter l’avion Niger. Je ne pense pas que ceux qui se proposent de servir notre pays en se cachant derrière un parti soient plus qualifiés et plus patriotes que moi pour diriger ce pays. Donc ce serait une compétition. Moi j’ai un programme ambitieux que je proposerai aux nigériens le moment venu et peu importe le parti, et Incha Allah je serais candidat. Je suis entré en politique parce que j’aime mon pays, que j’aime le servir. J’ai constaté que le RDP JAMA’A, parti dont je suis membre fondateur n’a pas présenté un candidat depuis 2004. Donc je suis fondé à croire que ce serait le même tarif en 2021. Pour ma part, je puis vous assurer que je ne suis pas entré dans un parti pour attendre que l’on nous gouverne sans nous consulter en attendant juste qu’on nous propose des strapontins. Quand le président Baré a créé le parti RDP JAMA’A, il a pensé qu’en faisant appel à un homme d’expérience, qui a gravi tous les échelons : Directeur, ministre, premier ministre, Secrétaire Général de l’OCI, donc quelqu’un qui n’a pas faim et soif, il allait faire défendre des idéaux nobles pour le bien être des Nigériens même après sa disparition. C’est ce que nous tacherons de faire. Personnellement je suis entré en politique et j’ai accompagné d’abord le président Issoufou au PNDS Tarayya jusqu’en avril 1996 et ensuite le président Baré, parce qu’il avait des défis à relever.
Savez-vous que c’est quand le président Baré et Issoufou étaient candidats que j’ai été contraint de choisir mon camp. Le président Issoufou m’avait fait venir chez lui pour me demander de soutenir sa candidature en tant que militant de son parti (j’étais président de la Section du Sénégal). Ce qui était du reste naturel. Alors qu’auparavant, j’avais amené Issoufou dans mon propre véhicule au domicile du président Baré, sis sur la route de l’aéroport (domicile du Chef d’Etat-major des FAN) à deux reprises, la nuit pour qu’ils puissent s’entendre sur quelque chose. Je crois qu’au départ Issoufou avait pensé que le général Baré était venu pour les soutenir et partir, alors même qu’il était plus âgé et expérimenté que lui. Mais je crois savoir qu’Issoufou voulait considérer le général Baré comme un mercenaire.
Pour ce qui concerne ma proposition de candidature, sachez que, comme un candidat l’avait dit en son temps, je suis entré en politique parce que je crois que la somme des intérêts particuliers ne forge pas l’intérêt général.
Je suis entré en politique aussi parce que j’ai moi aussi des valeurs, l’amour de la liberté, la haine de l’injustice, et aussi une immense espérance.
J’entre dans la présente pré campagne présidentielle, qui m’a été imposée par des partis politiques, pressés de résoudre leurs problèmes de leadership internes pour la présidence de la République sans autres richesses que celles que vous m’apporterez et avec ma détermination sans failles à porter vos valeurs et incarner vos espérances.
Je ne serais, bien entendu, guidé par le souci de l’intégrité, de la vérité, la droiture, et surtout de la volonté d’atteindre les objectifs que je me suis fixés à savoir, le dépassement de soi et l’engagement total au service des autres pour une politique juste.
En conclusion, je vous le dis sans ambages : Incha Allah je serais candidat à la prochaine élection présentielle si Allah (SWT) m’y autorise. Vous le savez c’est toujours Allah (SWT) qui déterminera le jour de cette élection. Pour nous, en tant que croyant, cette élection pourrait intervenir à tout moment selon la volonté divine et je suis prêt. Et seul Allah (SWT) sait qui sera le futur dirigeant du Niger. Je dois rappeler à certains partis politiques qui croient avoir le président dans leurs rangs, que dans le guide « Comment se débarrasser de l’arrogance et de l’orgueil et acquérir la modestie », Shaykh Abdu-l-Azîz Ibn Baaz a dit : « Il n’est pas permis d’être orgueilleux à cause de la richesse, de l’emploi, de l’origine, de la beauté, de la puissance, ou d’autres choses. Au contraire, il faut se rappeler que ces dons sont les bienfaits d’Allah (qu’Il soit Exalté) et qu’on doit Lui en être reconnaissant par la modestie, l’humilité et l’abstention de l’arrogance. C’est parce que l’arrogance mène à l’oppression, au mensonge et à l’injustice en paroles et en action. Elle conduit l’homme à se considérer comme supérieur à son frère en raison soit de la richesse, de la beauté, de la position, de l’origine, ou d’autres facteurs que vous pourriez imaginer. »
J’étais un orphelin démuni à onze ans, devenu ce que je suis grâce à l‘école construite par Djibo Bakary et son Sawaba et Diori Hamani et son RDA, nos premiers dirigeants, à l’instar de tous ceux qui ont bénéficié de cette école démocratique qui a fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. Après 1968, je me suis retrouvé dans la même cour du Lycée National avec Moumouni Diori fils, du président Diori et Issoufou Diamballa, le fils du ministre de l’intérieur le plus capé de la république, je n’ai jamais senti que j’étais fils d’un Sawabiste. C’est donc l’école qui demeure l’échec le plus retentissant de la « renaissance ».
Interview réalisée par Ibrahim Maiga
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Voila une occasion pour contribuer au d