Discours du Président de la République, Chef de l’Etat, SEM Issoufou, lors du Sommet Régional sur la sécurité, le 14 mai 2016, à Abuja, au Nigeria
MESSIEURS LES CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENT,
MESDAMES ET MESSIEURS LES CHEFS DE DELEGATION,
MESDAMES ET MESSIEURS,
Permettez-moi de saluer l’initiative prise par le Président MuhammaduBuhari de convoquer et d’abriter, ici à Abuja, notre deuxième sommet sur la sécurité régionale dans le bassin du lac Tchad.
Intervenant après celui de Paris, tenu le 17 Mai 2014, ce sommet qui a pour thème, « consolider les efforts collectifs pour la paix et le développement de la région », nous permet non seulement de faire le bilan de la mise en œuvre des décisions que nous avions prises à Paris, il y a de cela deux (2) ans, mais aussi de dégager de nouvelles perspectives pour la paix et le développement autour du bassin du lac Tchad.
Le sommet de Paris, on s’en souvient, s’était tenu dans une terrible atmosphère d’angoisse, liée à l’enlèvement, par Boko Haram, des jeunes filles de Chibok : aussi, s’était-il fixé pour priorité leur libération. En plus, nous avions convenu, à Paris, de renforcer la coopération sécuritaire entre les Etats membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) ainsi que la République du Bénin, de combattre BokoHaram, de protéger les populations et de mettre en place l’Unité Régionale de Fusion et du Renseignement(RIFU).
En dépit des efforts déployés, en particulier par le Gouvernement du Nigéria, sous l’impulsion du Président Buhari, les jeunes filles de Chibok, restent malheureusement prisonnières de Boko Haram.
Par contre, des progrès importants ont été réalisés, par les pays concernés, dans la mutualisation de leurs capacités opérationnelles et de renseignements. Ainsi, la Force Mixte Multinationale dont l’Etat-Major est basé à N’Djaména, a été mise en place et est désormais opérationnelle. L’Unité Régionale de Fusion des Renseignements, basée à Abuja, est aussi opérationnelle. C’est le lieu de saluer la mise en place, à Yaoundé, du Centre-inter-régional de Coordination (ICC), sous l’égide de la Commission du Golfe de Guinée (GGC).
Par ailleurs, nos différents Etats ont fourni beaucoup d’efforts pour la formation de forces spécialisées avec notamment le soutien des pays amis. Ils ont également entrepris des actions civilo-militaires et sensibiliser les populations qui, fort heureusement, ne soutiennent pas les actions barbares de Boko Haram. Grâce à la mise en œuvre de toutes ces mesures et tout en respectant les lois et règlements dans la conduite de la guerre, les Etats du bassin du lac Tchad ont, collectivement comme individuellement, porté des coups durs à Boko Haram qui cède du terrain partout.
Mesdames et Messieurs,
Mon pays, le Niger, engagé sur plusieurs fronts, en l’occurrence au Mali et sur sa frontière libyenne, a dû, pour assurer sa sécurité, mettre en place une opération lourde dans la région de Diffa, dans le sud-est du pays, où nous avons été attaqués, pour la première fois, par Boko Haram au mois de Février 2015.
Par ailleurs, notre pays a participé, avec les forces Tchadiennes, à l’opération « MaïDounama », pour chasser Boko-Haram de certaines villes du Nigéria. Naturellement, il participe également à la force mixte multinationale.Grâce aux renseignements humains et techniques, nous avons pu arrêter et mettre à la disposition des tribunaux plus d’un millier d’éléments de Boko-Haram.
Toutes ces opérations pèsent lourdement sur nos finances publiques car le Niger a dû multiplier, depuis 2010, par quinze (15) ses investissementsmilitaires. Il consacre désormais plus de 10% de son PIB aux dépenses de défense et de sécurité. Par ailleurs, les attaques de Boko-Haram ont des conséquences humaines, humanitaires, économiques et sociales dans les zones affectées: pertes en vies humaines, civiles et militaires, paralysie de l’activité économique,fermeture des écoles et des centres de santé, des dizaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées que nous sommes tenus de prendre en charge.
Mesdames et Messieurs,
Nous avons beaucoup progressé, individuellement comme collectivement, depuis le Sommet de Paris, tenu il y a deux ans, autour du Président Hollande dont je salue la détermination et la constance dans la lutte contre le terrorisme.
En effet, il y’a un peu plus d’un an, Boko Haram contrôlait des territoires de la taille de la Belgique, et exerçait une pression militaire sur les provinces limitrophes des pays voisins du Nigeria.
Depuis, les opérations menées par nos différentes forces de défense et de sécurité ont porté un coup décisif à cette organisation terroriste, en réduisant considérablement ses capacités militaires et en l’expulsant de presque l’ensemble des territoires qu’elle occupait. Aujourd’hui, elle reste confinée dans certaines zones notamment dans les îles et dans certaines localités sur les rivages du Lac Tchad.
Cependant, par ses attaques asymétriques contre des civils et parfois contre des positions militaires, souvent à l’aide de ceintures d’explosifs portées par des kamikazes, Boko Haram reste une grave menace contre laquelle nous devons renforcer la mutualisation de nos capacités opérationnelles et de renseignement. Ainsi, la force mixte multinationale doit être renforcée et son financement doit être assuré. En particulier, les ressources promises à cet effet par la communauté internationale doivent être effectivement mobilisées. Notre Sommet doit donc lancer un appel dans ce sens. Notre Sommet doit exhorter les pays membres de la CBLT et le Bénin afin qu’ils fassent de la lutte contre le terrorisme une opportunité pour accélérer leur intégration non seulement sur le plan sécuritaire mais aussi sur le plan économique.
Sur le plan sécuritaire, le terrorisme a en effet effacé les frontières géographiques entre pays, et donc aussi la frontière entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Il est donc un facteur d’intégration, confirmant ainsi une nouvelle fois cette leçon tirée de l’histoire selon laquelle avoir un ennemi est à la fois la pire et la meilleure des choses.
Mesdames et Messieurs,
Il est désormais évident qu’il existe une corrélation très forte entre sécurité et développement. La situation dans le bassin du lac Tchad en constitue, s’il en est besoin, une parfaite illustration. En effet, si Boko Haram a connu une certaine audience, notamment auprès des jeunes, c’est bien parce que les conditions d’accès aux ressources dans cette région, se sont dégradées, suite notamment au retrait des eaux du lac, conséquence à la fois de la pression démographique et du changement climatique. Par conséquent, au-delà de la solution sécuritaire qui permet de traiter les symptômes, nous devons nous attaquer à la racine du mal, nous devons mettre fin à la paupérisation grandissante que connaissent les populations du bassin. Aussi, notre sommet doit-il lancer un appel pressant à la mobilisation de la communauté internationale pour lever les ressources nécessaires au financement du Plan d’Action pour le Développement et la Résilience Climatique du Lac Tchad, plan qui a fait l’objet de la tenue d’un évènement, en marge de la COP 21 de Paris en Décembre 2015. Au-là de ce plan qui ne concerne que le moyen terme, la sauvegarde du lac, dont la superficie est réduite à 1/10ème de ce qu’elle était dans les années soixante (60), nécessite la mise en œuvre du grand projet du transfert des eaux de l’Afrique Centrale vers le lac.
Mesdames et Messieurs,
Le Plan à moyen terme du développement du bassin et le projet à long terme du transfert des eaux sont des solutions post-conflits. A court terme, notre sommet doit aussi identifier et mettre en œuvre des actions pour faire face à la situation humanitaire : soutien aux personnes réfugiées et déplacées, soutien aux veuves et aux orphelins, soutien aux secteurs sociaux de base (santé, éducation, accès à l’eau). Naturellement, nous devons tout mettre en œuvre pour obtenir la libération des filles de Chibok.
JE VOUS REMERCIE. /.