Élection présidentielle au Niger : Cheffou AMADOU disqualifié d’office

J’écris ce billet pour expliquer aux militants du parti dont il est le président, pourquoi Cheffou AMADOU ne pourra pas être leur candidat pour les élections de février 2016. En effet, si dans le tournant politique actuel, les alliances au sein de la coalition au pouvoir sont entrain d’être tissées, ces alliances qui, loin de faire l'unanimité dans les différents états majors politiques (en dehors du MPR-Jamuhuriya), ont pour but d’accompagner le programme qui sera présenté par le président sortant, par ailleurs candidat à sa succession. Car si au MPR-Jamuhuriya, le congrès a entériné la décision du bureau politique de ne pas présenter de candidat aux élections, à l’ANDP-Zaman Lahiya c’est une vague de contestation qui a suivi cette décision du bureau politique de soutenir le président candidat dès le premier tour.

Si pour certains observateurs, ces décisions sont loins d’être souveraines car elles procèdent d’une volonté du président candidat d’emboiter le pas à ces pays comme la Guinée, la Côte d’ivoire et tout récemment le Burkina Faso, où les candidats ont été élus dès le premier tour, pour d’autres, ces partis ont compris la justesse et la nécessité d’appuyer le programme du président candidat dont ils sont solidaires. Ainsi, pour se défendre de toute inféodation, le président du MPR-Jamuhuriya laissait entendre que son parti n’a que quarante six (46)jours d’existence et ne peut à ce titre prétendre prendre part à une complétion électorale de haute envergure comme l'élection présidentielle et qu’il serait déloyale et incongrue pour sa formation politique, de présenter un candidat face au candidat président dont ils ont soutenu au cours de son mandat finissant. Cette position suscite opportunément quelques interrogations. Est-il loisible pour un parti politique de soutenir un candidat fut-il président de la République, sans voir été associé à l’élaboration du programme politique ? Quels peuvent être les conséquences de ces alliances ? L’échec du président-candidat est-il envisageable à cette compétition ? Si oui, le Niger se dirigera-a-t-il vers un système de bipartisme?

Pour mieux comprendre la nature de ces alliances, il faut au préalable apporter des réponses aux interrogations sus-formulées. En effet, l’objectif de toute formation politique est de conquérir le pouvoir par la voie démocratique. Ce qui suppose, pour tout parti politique, la création d’un projet de société et pour tout candidat un programme politique qui répond aux aspirations des électeurs. Il peut arriver que dans une perspective fédéraliste, des partis politiques qui partagent le même idéal, le même modèle de société, décident de fusionner leurs forces pour asseoir leur idéologie sur une large parti du territoire national. C’est le cas par exemple des partis de gauche en France (qui regroupent le parti socialiste, le front de gauche, les écologistes...) ou les partis de droite (les républicains, l’UDI, le MODEM). Même si cette thèse à toujours été prônée et voulu par les forces politiques, elle ne s’est jamais présentée dès le premier tour d’une élection, car même s’ils partagent les mêmes idéaux, chaque candidat à un programme politique différent qu’il défend auprès de ses concitoyens. C’est qui, bien entendu, relève de l’ordre normal des choses, de la « real politic », car le respect des militants commande de participer à la compétition et de ne s’absoudre sous aucun prétexte. La vitalité démocratique suppose aussi la pluralité des candidats, donc la possibilité de choix entraînant une vraie compétition. Comment peut-on ne pas être solidaire du général Douglas Mac Arthur pour qui « renoncer à son idéal ride l'âme » ?

Au Niger, on assiste depuis peu, à une logique d’un autre ordre. Des partis politiques membres de la coalition au pouvoir, s'abstiennent de participer à la compétition électorale au profit du président-candidat, sous prétexte des résultats auxquels il est parvenu. Un tel raisonnement est « politiquement incorrect » et « démocratiquement périlleux ». La vitalité d’une démocratie suppose l’existence d’une compétition à laquelle plusieurs candidats prennent part. C’est cela l’essence du multipartisme. Or, en refusant de participer à la compétition électorale, au profit du candidat socialiste, ces partis politiques politiques (qui n’ont rien de socialiste), contribuent à l’amenuisement de la culture démocratique dans notre pays. Il eut fallu, prendre part aux échéances électorales au premier tour et comme il est de tradition, faire le choix de soutenir un candidat au second tour. Mais en procédant de la sorte, les partis comme l’ANDP ou le MPR, qui s’abstiendraient volontairement de participer aux échéances électorales au motif de soutenir un candidat dès le premier tour, perdront beaucoup de leur légitimité démocratique et ne contribuent pas à l’enracinement de la démocratie au Niger. Ce procédé, pas plus que le « Tazartche », consiste à rendre indispensable une personne, allant jusqu'à lui faire croire l’impossible. Ainsi, de la même façon qu’on a pu faire croire à Tandja que le Niger ne pourra pas se passer de lui, on veut faire croire à Issoufou qu’a son absence, le Niger n’existera plus. Pourtant, sans être sincères, beaucoup veulent conforter leur position, en cas de réélection du président sortant, pour mieux profiter des deniers publics. D’ailleurs comment pourrait-il en être autrement, si, sans avoir vu le programme du candidat, ils déclarent le soutenir ? On peut à juste titre comprendre la réticence du président du parti AMEN lorsqu'il déclarait : « il n’est pas logique de soutenir un candidat sans avoir vu son programme » ; pour aller plus loin, nous estimons qu’il n'est pas sérieux de soutenir un candidat dès le premier tour si l’on a la légitimité pour se présenter, surtout pour des partis qui se réclament du libéralisme. Même si, dans son interview du 25 novembre à Jeune Afrique, le président du PNDS avait laissé entendre à propos du départ de l’UDR-TABBAT, qu’aucun autre parti ne quittera la coalition, on peut donc s’attendre à ce que dans les prochains jours, les autres membres de la coalition qui l’ont pas encore fait, se déclarent favorable à une candidature unique, celle du président candidat.

A l’opposition où l’idée d’une candidature avait été évoquée, les ardeurs des différents leaders ne pourraient permettre une telle position. Non dans une posture pluraliste, ce sont les ambitions affichées des leaders qui la composent qui ne le permettraient pas, au grand bonheur du pluralisme démocratique. En revanche, cette thèse pourrait être envisagée en cas d’un second tour. Le candidat de l’opposition pourrait ainsi compter sur ces alliés et pourrait l’emporter. Dans ce cas de figure, la majorité actuelle se retrouvera à l’opposition sous la bannière d’un seul groupe parlementaire : le PNDS. On pourrait alors assister à une bipolarisation de la vie politique nigérienne dans laquelle vont se retrouver l’ensemble des 86 partis politiques.

Assez de digression, revenons à la question qui nous intéresse ici, le cas de Cheffou AMADOU,président du parti RSD-Gaskiya, par ailleurs médiateur de la République. En effet, c’est une loi n°2011-18 du 08 Août 2011 qui crée l’institution du médiateur de la république et définit les compétences de son premier responsable. Parmi les obligations qui incombent au médiateur au titre de la loi de 2011 complétée par une loi de 2013, celui-ci est tenu à un devoir de neutralité et un devoir d’abstention de toute activité politique même quatre (4) ans après avoir quitté la fonction. En effet, le législateur à manifesté son vœu de garder à l'écart des diatribes politiques, le médiateur de la république même après son mandat. En acceptant cette mission, le président du parti RSD-Gaskiya, le sieur Cheffou AMADOU savait très bien ce a quoi il s’engageait. C’est donc confirmé, les termes de la loi sont très claires, le médiateur doit se garder de toute activité politique et dans le cas de Cheffou AMADOU jusqu’en 2020. Avant cette date, toute activité de nature politique qu’il aura entrepris ou à laquelle il s’associe, pourrait être interprétée comme une violation de la loi. Il appartient donc aux militants du RSD de faire un vœu et de mener l’alternance au sein de leur parti. Quand au président du parti, il doit se résoudre à prendre sa retraite politique et semble l’avoir compris. C’est certainement pourquoi, il voulait, dans le plus grand secret, se faire accordé le bénéfice des avantages dûs au statut d’ancien chef d’Etat, soutenant ainsi avoir exercé certains fonctions de chef d’Etat pendant la transition démocratique où il était Premier ministre du Niger, n’eut été la vigilance de la Cour constitutionnelle.

Maître Bachir