ASSEMBLÉE NATIONALE/OPPOSITION : Requête aux fins de mise en accusation du président de la république pour haute trahison
RÉPUBLIQUE DU NIGER
Fraternité-Travail-Progrès
ASSEMBLÉE NATIONALE Niamey, le 11 novembre 2015
Objet : Requête aux fins de mise en accusation du Président de la République pour haute trahison
A Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale Niamey
Monsieur le Président,
Nous, députés à l’Assemblée Nationale, soussignés,
Vu la Constitution ;
Vu le Règlement Intérieur ;
Considérant que la Constitution du 25 novembre 2010 consacre expressément le principe de la responsabilité pénale du Président de la République;
Considérant, en effet, qu’aux termes de l’article 142, alinéa 1 de la Constitution, « le Président de la République n’est responsable que des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il est jugé, par la Haute Cour de Justice » ;
Attendu que d’après l’alinéa 2 de l’article 142 susvisé, « il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment, refuse d’obtempérer à un arrêt de la Cour Constitutionnelle, est reconnu auteur, coauteur, ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, de cession frauduleuse d’une partie du territoire nationale, de compromission des intérêts nationaux en matière de gestion des ressources naturelles et du sous-sol et d’introduction de déchets toxiques sur le territoire national» ;
Considérant qu’avant d’entrée en fonction, le Président de la République a, devant la Cour Constitutionnelle et en présence des membres de l’Assemblée Nationale, prêté serment sur le Saint Coran en ces termes : « Devant Dieu et devant le peuple nigérien souverain, Nous Issoufou Mahamadou, Président de la République élu conformément aux lois, jurons solennellement sur le Livre Saint:
- de respecter et faire respecter la Constitution que le peuple s’est librement donnée ;
de remplir loyalement les hautes fonctions dont nous sommes investi ;
de ne jamais trahir ou travestir les aspirations du peuple ; de respecter et défendre la forme républicaine de l’Etat ;
de préserver l’intégrité du territoire et l’unité de la Nation ;
de respecter et défendre les droits et libertés des citoyens ;
de ne prendre ni cautionner aucune mesure avilissante pour la dignité humaine ;
de veiller à la neutralité de l’Administration et à l’observation des principes d’équité et de continuité ;
de travailler sans relâche au bonheur du peuple ; de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ;
de nous conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple.
En cas de parjure, que nous subissions les rigueurs de la loi » (Cf. Article 51 de la Constitution);
Considérant qu’aux termes du Préambule de la Constitution qui fait partie intégrante du texte fondamental, le peuple nigérien a réaffirmé son « opposition absolue à tout régime politique fondé sur la dictature, l’arbitraire, l’impunité, la concussion… » ;
Considérant que conformément à l’article 4 de la Constitution « Dans l’exercice du pouvoir d’Etat, le pouvoir personnel, le régionalisme, l’ethnocentrisme, l’esprit de clan, le népotisme, l’esprit féodal, l’enrichissement illicite, le favoritisme, la corruption et le trafic d’influence sont bannis sous peine de poursuites judiciaires » ;
Considérant que c’est en violation flagrante de toutes ces dispositions constitutionnelles, particulièrement celles que lui prescrivent son serment sur le Saint Coran, que le Président de la République a travesti les aspirations profondes du peuple nigérien pour avoir permis ou couvert la commission de plusieurs forfaitures qui compromettent manifestement ses intérêts, d’une part et pour avoir soutenu ou cautionné de graves violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales des citoyens, d’autre part.
C’est ainsi que :
I. Au titre de la protection des forfaitures ayant compromis les intérêts du peuple.
I.1. En matière de collecte des droits de douane
Les nigériens, dont la Représentation Nationale ici présente, ont été témoins des faits révélés par le syndicat National des Douanes du Niger, que les services des douanes sis à l’Aéroport Diori Hamani de Niamey ont opéré trois (3) saisies de devises étrangères d’un montant global d’environ 8.843.341.771 francs CFA. Interpellé le 31 octobre 2015 par un groupe de députés aux fins du contrôle de l’action gouvernementale visant à éclairer la Représentation nationale sur cette grave affaire, le ministre en charge de l’économie et des finances, M. Saidou Sidibé, n’ a pas convaincu. Il a plutôt réussi l’exploit d’épaissir l’opacité qui entoure cette affaire, preuve évidente que les intérêts financiers de l’Etat ont été sacrifiés à la table des passe-droits ; ce, au mépris des normes juridiques en vigueur dans l’espace UEMOA, notamment le Règlement 09-2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010.
L’infraction à la réglementation communautaire que les services des douanes de l’Aéroport de Niamey ont à bon droit relevée et réprimée au profit du Trésor public, a tout simplement été ignorée par les autorités politiques au plus haut niveau, à commencer par le Président de la République, Chef de l’Administration.
Bravant la sacralité du Saint Coran sur lequel il a prêté serment et la volonté du peuple nigérien exprimée dans le texte fondamental ; préférant protéger ses intérêts sinon ses relations personnelles à l’intérêt supérieur de la Nation; préférant l’impunité, le favoritisme et le népotisme bannis par la Constitution (article 4 al.2) à la sauvegarde des aspirations du peuple nigérien qu’il a juré de ne jamais trahir ou travestir (article 50), le Président de la République a ainsi violé de manière évidente son serment, en cautionnant la restitution pure et simple des fonds à des contrevenants, s’exposant ainsi à la rigueur de la loi qu’il avait accepté de subir. A contrario, il aurait pris à l’encontre du ministre concerné, la sanction qui s’impose.
Considérant l’impunité dont jouit à ce jour ledit ministre, il y a lieu d’y voir une preuve irréfutable de la main du Président de la République dans cette affaire.
I.2. En matière de protection des intérêts nationaux en matière de gestion des ressources naturelles et du sous-sol.
Considérant qu’il y a « haute trahison lorsque le Président de la République est reconnu auteur, coauteur, ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, de cession frauduleuse d’une partie du territoire nationale, de compromission des intérêts nationaux en matière de gestion des ressources naturelles et du sous-sol et d’introduction de déchets toxiques sur le territoire national» ;
Considérant que par une convention signée le 16 juillet 2015 (et non le 10 octobre 2014 comme l’a annoncé le Gouvernement après le Conseil des ministres tenu le même jour), le Gouvernement du Niger a accordé des privilèges extralégaux aux sociétés étrangères AREVA, COMINAK et SOMAIR ;
Attendu, en effet, qu’en violation flagrante de la loi minière 2006-026 du 09 aout 2006 portant modification de l’ordonnance n° 99-48 du 05 novembre 1999, le Gouvernement a octroyé des exonérations fiscales et douanières totales aux sociétés susdites ;
Qu’ainsi, notre pays se trouve injustement privé de ressources financières importantes susceptibles d’améliorer les conditions de vie des mases populaires ;
Considérant notamment que, pour ce faire, le Gouvernement de la République du Niger a cédé aux exigences de ces entreprises minières en acceptant de ne pas leur appliquer la législation minière nationale en vigueur, adoptée conformément au Règlement n° 18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003 portant code minier communautaire ;
Considérant que la loi s’applique erga omnes, qu’elle est générale et impersonnelle ;
Toutes choses qui ont pour but d’empêcher l’arbitraire et les discriminations dont pourraient être victimes des citoyens ;
Considérant que le Niger est lié par les accords et traités internationaux ratifiés conformément à la Constitution ;
Qu’au rang desdits accords et traités figure le traité de l’UEMOA auquel participe le Règlement n° 18/2003/UEMOA portant Code minier de l’Institution communautaire sous-régionale ;
Attendu, en conséquence, que le Président de la République en s’étant illégalement affranchi de son devoir de respecter la Constitution et les lois de la République ainsi que les engagements internationaux de notre pays, a grossièrement violé son serment.
II. Au titre des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales des citoyens.
Le Président de la République a, à travers son mutisme ou immobilisme fautif qui tranche d’avec sa position de clé de voûte du système politique, dicté, incité et, à tout le moins, cautionné des actes attentatoires à la dignité humaine tels que les arrestations et détentions arbitraires de citoyens dont le seul tort est de s’être élevés contre l’autoritarisme érigé en système de gouvernement, la pensée unique, la gestion patrimoniale et clanique des ressources de l’Etat, la corruption et le trafic d’influence, l’exclusion sous toutes ses formes, particulièrement dans une Administration politisée à outrance et en ce qui concerne l’égal accès aux marchés publics.
Dans ce même registre, les libertés de manifestation, d’opinion et d’expression, de presse, sont sauvagement écrasées et réprimées ; l’emprisonnement illégal étant devenu la sanction la plus banale contre les citoyens, généralement assimilés à des terroristes, qui ont osé exercer leurs droits constitutionnels.
C’est dans ce contexte trouble de remise en cause des acquis démocratiques qu’évolue l’opposition politique martyrisée par les assauts répétés du régime de la 7ème République qui tient absolument à les casser et à anéantir les leaders des partis politiques qui la composent.
Considérant que le Président de la République, Issoufou Mahamadou, a toujours observé un silence coupable sur ces violations courantes des droits humains et des libertés publique, quand il ne feint pas les ignorer lorsqu’il s’exprime dans les médias, il y a lieu d’en déduire qu’il a violé le serment qu’il a prêté de les respecter et protéger.
Par conséquent :
1. Considérant que l’article 144, alinéa 1 de la Constitution prescrit que «La mise en accusation du Président de la République est votée par scrutin public à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée Nationale» ;
2. Considérant que le Président de l’Assemblée nationale a lui-même fait le serment sur le saint Coran de respecter et faire respecter la Constitution que le peuple s’est librement donnée et de remplir loyalement les hautes fonctions dont il est investi, de ne jamais trahir ou travestir les aspirations du peuple, de respecter et faire respecter les principes de la séparation des pouvoirs, de respecter et faire respecter le règlement intérieur de l’assemblée nationale, de travailler sans relâche au bonheur du peuple et de se conduire en tout comme un digne et loyal serviteur du peuple, (article 89 de la constitution) ;
Qu’il se doit par conséquent de tout mettre en œuvre pour donner la suite qui convient à la présente requête;
3. Considérant que l’initiative de la mise en jeu de la responsabilité du Président de la République est, en l’absence de toutes dispositions légales contraires, du ressort de l‘Assemblée Nationale qui exerce souverainement la compétence qu’elle détient de l’article 144 de la Constitution;
Par ces motifs, demandons à la Représentation nationale, réunie à cet effet en plénière, de voter la mise en accusation pour haute trahison du Président de la République, Monsieur Issoufou Mahamadou.
Ont signé :
34 Députés
Commentaires
Charli voleur
Charli voleur
Na riga na fadih
Pnds ragayta.