Bénin-Niger : rappelé en février, l’ambassadeur béninois Gildas Agonkan officiellement relevé après des propos polémiques à Gaya
Nommé dans l’espoir de panser les plaies d’une relation diplomatique fragilisée entre le Niger et le Bénin, l’ambassadeur béninois Gildas Agonkan n’aura passé que quelques mois en poste avant d’être brusquement écarté. Rappelé depuis février dernier, il ne retournera finalement pas à Niamey. Sa mission est officiellement écourtée, quatre mois après ses déclarations jugées contraires à la position officielle de Cotonou. Le ministère béninois des Affaires étrangères a confirmé ces derniers jours, sur les médias locaux, qu’un nouvel ambassadeur serait prochainement désigné, mettant ainsi un terme définitif aux fonctions de Gildas Agonkan à Niamey.
La chute du diplomate trouve son origine dans une déclaration jugée inappropriée par les autorités béninoises. Le 1er février 2025, à Gaya, dans le sud du Niger, Gildas Agonkan participait à une cérémonie de remise de diplômes à de jeunes médecins, parmi lesquels figuraient plusieurs ressortissants béninois. C’est là qu’il déclare, devant des autorités locales nigériennes : « Au nom de tous les Béninois, au nom des autorités du Bénin, demandez pardon au peuple nigérien... » Un message de fraternité apparent, qui lui a valu des applaudissements nourris dans la salle, mais une réprobation immédiate à Cotonou.
Ces propos ont en effet été perçus comme une reconnaissance implicite de torts que le gouvernement béninois n’a jamais admis, notamment en lien avec les accusations de Niamey contre Cotonou sur des tentatives de déstabilisation. Officiellement, le Bénin n’a ni comploté, ni offensé son voisin du nord. Le geste de l’ambassadeur a donc été jugé inapproprié, voire politiquement contre-productif dans un processus de normalisation encore fragile.
Selon le ministre béninois des Affaires étrangères, qui s’est exprimé récemment dans les médias locaux, « le Bénin procédera dans les prochains jours à la nomination d’un nouvel ambassadeur au Niger », confirmant ainsi que Gildas Agonkan ne reprendra pas son poste. L’affaire avait d’ailleurs été portée devant le conseil des ministres béninois dès le 12 février, preuve de l’embarras suscité par ses propos au plus haut sommet de l’État.
Des sources proches de la présidence béninoise confient que « personne ne lui avait donné l’instruction de s’excuser au nom des autorités ». Son initiative personnelle, bien que saluée à Niamey, a donc été perçue comme une faute diplomatique grave.
Alors que le Bénin rappelle son ambassadeur, le Niger maintient toujours le sien à Cotonou. Ce dernier n’a même pas été convoqué par la diplomatie béninoise, malgré les accusations persistantes de Niamey à l’égard du Bénin. Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, qui a renversé l’ex-président nigérien Mohamed Bazoum, les relations entre les deux pays se sont tendues, notamment autour des questions de frontières, de sécurité régionale et d’ingérence présumée.
Malgré les signaux d’apaisement envoyés par Cotonou, Niamey campe sur une posture ferme. Les frontières restent closes, et les soupçons de déstabilisation demeurent dans le discours officiel du gouvernement de transition dirigé par le Général Abdourahamane Tiani.
Avec le départ de Gildas Agonkan, c’est une page inachevée de la diplomatie béninoise au Niger qui se tourne. Nommé en juin 2023, il avait officiellement pris ses fonctions le 6 août à Niamey, quelques semaines seulement après le putsch. Sa mission consistait à renouer le dialogue. Moins d’un an plus tard, elle s’achève dans la controverse.
La nomination d’un nouvel ambassadeur béninois est attendue dans les prochains jours, sur fond d’incertitude quant à l’évolution des rapports bilatéraux. Une chose est sûre : les gestes diplomatiques n’ont jamais été aussi scrutés entre Niamey et Cotonou.
Ibrahim Issa (actuniger.com)
