Le Maroc s’engage militairement contre Boko Haram
La décision avait été prise avant même la demande de réintégration du Maroc à l’Union africaine (UA) officialisée le 17 juillet : il y aura bien une livraison de matériel militaire et sécuritaire marocain au Niger pour l’aider à lutter contre la secte extrémiste nigériane Boko Haram.
Selon une source gouvernementale marocaine, le roi Mohamed VI a autorisé, par solidarité avec le Niger, la fourniture d’équipements militaires, à l’exception des munitions létales, pour aider son allié traditionnel dans la région du lac Tchad à faire face aux incursions répétées de Boko Haram à partir du Nigeria voisin.
La secte nigériane
Un raid éclair de Boko Haram le 3 juin, portant l’empreinte de son nouveau chef présumé, Bana Blachera, avait fait à Bosso, dans le sud-est du pays, 24 morts dans les rangs des forces armées nigériennes (FAN). De quoi inciter le Maroc à s’engager militairement aux côtés du Niger dans la lutte contre la secte nigériane.
Des discussions sont en cours, ajoute la même source marocaine, pour décider de la nature exacte du matériel militaire et les modalités de sa livraison aux autorités.
C’est la toute première fois que le Maroc, qui a connu des attentats meurtriers en 2003 à Casablanca et en 2011 en Marrakech, fournit directement du matériel militaire à un pays d’Afrique subsaharienne engagé dans la lutte contre le terrorisme.
Refus diplomatique
Le Royaume chérifien avait fait la même offre en 2012 au président malien de l’époque Amadou Toumani Touré (ATT) confronté à l’occupation du nord de son pays par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Dine et le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Le projet de livraison du matériel militaire et sécuritaire au Mali avait finalement avorté après le refus diplomatique de ATT.
L’engagement marocain dans la lutte contre le terrorisme en Afrique subsaharienne comprend, outre la fourniture du matériel de défense et de sécurité, la formation des imams à l’Institut Mohamed VI des oulémas africains. Construit pour près de 230 millions de dirhams, l’établissement, qui peut accueillir jusqu’à 1 000 étudiants, n’a jamais fait mystère de son objectif de contrer les velléités extrémistes.
Des imams de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Sénégal et du Tchad viennent ainsi s’y former aux « valeurs de l’islam juste » grâce à des bourses d’études entièrement prises en charge par le Maroc. Il s’y ajoute les valeurs de l’islam soufi des Tidjanes que le Maroc partage avec plusieurs pays d’Afrique subsaharienne pour contrecarrer la percée de l’idéologie wahhabite financée par les Etats du Golfe à travers des actions caritatives accomplies par des ONG.
Rival de toujours
En s’engageant militairement dans la lutte contre le terrorisme en Afrique subsaharienne, le Maroc devrait retrouver sur ce terrain-là l’Algérie, son rival de toujours dans la guerre d’influence sur le continent africain.
Pays de naissance de Mokthar Belmokthar, l’un des chefs historiques d’AQMI, l’Algérie, qui entretient également des liens privilégiés avec Iyad Ag Ghali, chef de Ansar Dine, a tenté de prendre le leadership de la lutte contre le terrorisme au Sahel en créant dès 2010 le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) aux côtés du Mali, du Niger et de la Mauritanie. La structure installée à Tamanrasset, dans le sud algérien, était finalement restée une coquille vide.
Plus récemment, Alger a formé deux bataillons antiterroristes de 150 hommes chacun en 2013 et en 2015 au Niger puis a promis la construction d’une caserne pour les forces spéciales nigériennes à In-Abangarit, sur la frontière commune entre l’Algérie, le Niger et le Mali.
Le Maroc a opté, de son côté, pour une autre stratégie de soutien à la lutte contre le terrorisme en associant appui sécuritaire, à travers la fourniture de matériel militaire, et prévention grâce à la formation des imams à l’Institut Mohamed VI.
Seidik Abba chroniqueur, Le Monde Afrique
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